Abbildungen der Seite
PDF
EPUB
[ocr errors]

que plus menaçants en présence des échafauds. » Les dernières objections de M. Ellero sont tirées du désaccord fréquent des jurys avec la loi pénale. Il voit, non sans raison, dans l'abus des circonstances atténuantes, un scandale judiciaire. Mais ce scandale est-il la faute de la loi ou celle des jurys qui se permettent d'en paralyser l'action, et n'y aurait-il pas plutôt à modifier le jury que la loi pénale? M. Ellero convient lui-même que, tel qu'il existe en France, il n'est pas pour lui, pour son pays, l'objet d'une grande ambition. Il y propose donc des modifications qui mériteraient d'être examinées (V. p. 205).

Nous croyons maintenant pouvoir terminer cette longue étude en concluant, comme vient de le faire le Sénat français, c'est-à-dire en nous prononçant pour la légitimité de la peine de mort en cas de meurtre volontaire et prémédité, direct ou indirect, sauf à réduire encore cette peine, ainsi qu'on l'a dit, suivant l'avis de la commission et le vœu de jurisconsultes auxquels les lumières de l'expérience ne font pas plus défaut que celles de l'érudition et des principes.

J. TISSOT.

[blocks in formation]

O torrents effarés! où courez-vous, disais-je,
Hasardant près des flots mes pas mal affermis,
Et pourquoi troublez-vous, sous leur linceul de neige,
Les monts géants, depuis des siècles endormis?

Pourquoi les troublez-vous par ce bruit que vous faites,
O torrents des hauts lieux où les lacs sont gelés,
Vous qu'on entend d'ici mêler à vos tempêtes
L'affreux fracas des rocs dans vos gouffres roulés?

Cascades dont l'écho lointain dit les murmures
Au fond du cirque où brille un arc-en-ciel changeant,
Pourquoi répandez-vous comme des chevelures
Vos longs rubans d'écume et vos filets d'argent?

Et vous aussi, qu'allez-vous donc faire, ô fontaine
Qui jaillissez parmi les cailloux du chemin ;
Et pourquoi tant courir, vous qui versez à peine
L'eau qu'un pâtre altéré peut boire dans sa main?

Vous dont l'eau bleue et froide ignore les souillures,
Vous dont une vapeur voile les tourbillons,

Chutes sans nom, ruisseaux inconnus, sources pures
Dont le flot clair s'essoufle à courir les vallons;

Dites, si vous savez le mot d'un tel mystère,

Pourquoi, partout, sans cesse, à toute heure, en tous lieux, L'eau va, l'eau vient, l'eau fuit, l'eau court, l'eau sort de terre, L'eau fatigue à la fin notre oreille et nos yeux ?

Dites, gouffres obscurs, dites, gorges profondes,
D'où sort cet indomptable et sourd bouillonnement?
Où va-t-il, ce courant prodigieux des ondes
Qui sur le flanc des monts coule éternellement?

Et de l'Adour à l'Ebre, et d'Irun à Figuères,
Eaux vierges, qu'avez-vous à vous dépêcher tant;
Comme si vous craigniez d'arriver les dernières
Quelque part où quelqu'un d'inconnu vous attend!

II

Et les eaux des torrents, et les sources glacées
M'ont dit, en s'acharnant sur les rochers jaloux :
Passant, la route est longue et nous sommes pressées
De faire place aux sœurs qui viennent après nous.

Là-haut, sur les sommets, lorsque ton œil avide
Contemplait le chaos des monts démesurés,
Par delà tous ces monts, dans l'immensité vide
Où se perd l'horizon des vallons azurés;

As-tu vu ces lueurs dont la clarté révèle

Quelque chose d'étrange et de mystérieux...
Comme une vapeur fauve et bleuâtre, où se mêle
L'infini de la terre à l'infini des cieux?

C'est la plaine! la plaine éblouissante et blonde ;
Et plus loin, aussi loin que pouvaient voir tes yeux,
Une autre plaine encor, que le soleil inonde,

O passant!

et c'est là que vont nos flots joyeux.

Car là, c'est le travail heureux et pacifique,
C'est la moisson qui rit dans l'or mouvant du blé ;
C'est le bouvier penché sur la charrue antique;
Là, le pampre vermeil dans la cuve est foulé.

Là, ce sont les cités, les villes ouvrières,
Les toits gris, sous la brume, entrevus par milliers,
Et les hommes pressés comme des fourmilières,
Et le bruit des marteaux dans les grands ateliers;

Et les ports, la gaieté des rades affairées,

Et la forêt des mâts le long des quais vivants,

Et le vaisseau qui vole aux îles ignorées,

Ouvrant, comme un oiseau, sa voile blanche aux vents.

Mais la mort eût soufflé sur vos cités peuplées,
Sur vos champs, sur la plaine où blanchiraient vos os,
Si nous avions, ruisseaux oubliés des vallées,
Rien qu'un jour négligé de vous porter nos eaux.

Voilà pourquoi si vite on nous voit passer outre,
Nous que le vaste monde attend pour s'abreuver,
Comme un laboureur las colle sa lèvre à l'outre
Qu'un enfant jusqu'à lui s'essaye à soulever.

III

O flots! dis-je, penché sur l'onde qui ruisselle,
O flots! où courez-vous ? ne vous pressez pas tant !
Si vous saviez, là-bas où la plaine étincelle,
Si vous saviez combien de fange vous attend!

Quand vous irez, chargés de graviers et de sable,
Creusant votre lit mou dans le sol détrempé.
Partout vous garderez la marque ineffaçable
De chacun des bas-fonds où vous aurez rampé.

Le Tarn, gaves d'Astos, le Lot, ruisseaux d'Arrouge,
Ont roulé comme vous des flots immaculés ;

Et l'eau du Lot est jaune, et l'eau du Tarn est rouge,
Et vous serez comme eux aux lieux où vous allez.

Comme eux, vous traînerez une eau terreuse et noire;
Et la soif, hésitant devant un tel égout,

O flots où les isards aujourd'hui viennent boire,
Eloignera de vous sa lèvre avec dégoût.

Car vous prendrez aux champs, car vous prendrez aux villes,
Vous, si fiers de laver les marbres des cités,

Hélas! tout ce que t'homme et ses travaux serviles
Ont pu dans l'eau du ciel mêler d'impuretés!

Allez donc bien longtemps, longtemps, pendant des lieues, Vous verrez les vieux monts, dans les brumes noyés, Décroître, et s'effacer leurs pâles lignes bleues

Qui semblaient vous poursuivre à l'heure où vous fuyez.

L'ignoble plaine, au loin par le couchant rougie,
S'ouvre, pareille au seuil d'une immense prison;
Et vous la connaîtrez alors, la nostalgie
Des sommets disparus derrière l'horizon!

Mais il sera trop tard; et vos ondes captives,
Indignes désormais de réfléchir les cieux,
Iront avec ennui, poussant le long des rives,
Sur des flots résignés, des flots silencieux !

IV

Et les eaux que toujours chassaient des eaux nouvelles,
Et le chœur des torrents grossis dans les vallons,
M'ont crié Que sais-tu de nos lois éternelles?
D'avance il est marqué le but où nous allons.

« ZurückWeiter »