Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

quand la question commerciale y a été primée par un zèle jaloux de l'art. Espérons que M. Zaleski ne s'arrêtera pas dans cette voie, et que Ruysdael ne fait qu'innover une série de publications du même genre consacrées aux principaux maîtres de nos grandes écoles.

E. D.

Dieu dans la nature, par CAMILLE FLAMMARION. 1 vol. in-8°. Paris, Didier, 1867.

Le plus ancien en date, le plus frappant, le plus accessible de tous les arguments consacrés dans l'école à la démonstration traditionnelle de l'existence de Dieu, est l'argument dit des causes finales. Exposé par Socrate, Platon, Aristote, très goûté des docteurs de la scolastique, il a trouvé encore, au temps même de Bacon et de Descartes, et après eux, des interprètes et des défenseurs. Mais, par un de ces retours de fortune aussi communs dans 'histoire des idées que dans celle des individus et des peuples, cette philosophie sensible et populaire, comme l'appelait Fénelon, a fini par rencontrer des contradicteurs d'autant plus nombreux et plus redoutables que les progrès de la science devenaient plus marqués. Depuis le siècle où Bacon, l'accusant de stérilité, le reléguait hors du domaine et de la méthode des sciences naturelles, où Descartes, par réaction contre le moyen âge, le proscrivait également, toute une école l'a proclamé et le proclame encore antiscientifique. Il faut lire dans les manifestes les plus avancés et les plus récents de la science positiviste les arrêts prononcés contre lui. Je me bornerai à une seule citation, empruntée à l'auteur de la Circulation de la vie1 : quiconque se donnera la peine d'analyser un moment ces idées de finalité les trouvera si absurdes qu'il lui paraîtra inutile et oiseux de les combattre. On lit aujourd'hui dans presque tous les livres des savants qui pensent, la condamnation de ce penchant à admettre ces idées, que Spinoza a déjà si énergiquement blâmées, et que le plus grand penseur de l'Allemagne au siècle passé, Georges Forster, voulait qu'on rejetât loin de soi comme du levain aigri. Mais plus on a pris l'habitude de les combattre, plus il faut craindre les tentatives qu'on fait sourdement pour introduire dans la science l'idée d'une finalité, afin d'éclairer les phénomènes de la nature. « Cette idée, ajoute-t-il, est un narcotique pour la raison. » Le procédé qu'elle suggère, « une divination aussi contraire à l'esprit de la science que la foi elle-même. » Suivant d'agréables plaisanteries sur les partisans de la finalité, lesquels « se donnent des airs de pontifes favoris ou d'amis intimes de leur créateur, et veulent faire croire qu'ils jouissent de sa grâce ou de sa confiance, » cette proscription du principe des causes finales n'est autre que la proscription même de l'idée d'un Dieu personnel et providentiel; le matérialisme scientifique, qui ne voit dans les lois de la nature qu'une aveugle nécessité inhérente à la matière, «< congédie >> du même coup « le créateur », suivant le mot de M. Vogt. D'où vient donc cet antagonisme entre la science positive et le spiritua

oleschott, Lettre XVII

lisme? M. Flammarion croit en saisir l'origine dans une vue fausse de la science sur elle-même. « Ce qui donne à la science, dit-il, sa force et sa puissance, sachez-le bien, c'est davoir pour sujet d'étude des éléments bien déterminés et non plus des abstractions et des fantômes... Voilà comment, voilà pourquoi elle est grande. Mais ces titres l'obligent à un devoir impérieux. Si' oublieuse de cette condition de sa puissance, elle s'écarte de ces objets fondamentaux pour voltiger dans l'espace imaginaire, elle perd au même instant son caractère et sa raison d'être. Dès lors, les arguments qu'elle prétend imposer dans ces régions, hors de sa portée et de son but, elle n'en a plus le droit ni la mission; elle perd même alors sa propre qualité et ne mérite plus de porter le nom de science. En cette position, c'est une souveraine qui vient d'abdiquer. Ce n'est plus elle que l'on écoute, ce sont des savants qui pérorent (ce qui n'est pas toujours la même chose). Et ces savants, quelle que soit d'ailleurs leur valeur, ne sont plus les interprètes de la science, dès l'instant qu'ils s'élancent en dehors de sa sphère. Or, telle est précisément la position des défenseurs du matérialisme contemporain : ils appliquent l'astronomie, la chimie, la physique, la physiologie, à des problèmes qu'elles ne peuvent ni ne veulent résoudre, et non-seulement ils contraignent ces sciences à répondre à des questions hors de leur compétence, mais encore ils les torturent comme de pauvres esclaves pour leur faire avouer contre leur gré, et à fauxdes propositions auxqu'elles elles n'ont jamais pensé. Au lieu d'être les inquisiteurs du mot, ils sont les inquisiteurs du fait. Mais ce n'est pas la science qu'ils tiennent entre leurs mains, ce n'en est que le simulacre ». La seule chose qu'il faille demander à la science et qu'elle puisse nous donner, ce ne sont pas des solutions philosophiques aux éternels problèmes qu'agite la pensée de l'homme dans les profondeurs de la métaphysique et de l'ontologie, mais des résultats positifs, faits ou chiffres, lois ou classifications. Le rôle de la philosophie est alors d'apprécier ces résultats, et d'en tirer profit, autant qu'il est possible, dans la construction laborieuse de la synthèse, qui est son objet propre.

Ainsi, par rapport à la question spéciale que traite M. Flammarion dans l'ouvrage dont nous parlons, il n'appartient pas à la science de démontrer l'existence de Dieu, mais uniquement d'exposer et d'expliquer le système de l'univers, l'organisation et la marche du monde céleste, du monde inorganique, du monde vivant, puis de ce monde de la pensée et de la volonté, le plus vivant de tous; de nous fournir ses conclusions ou du moins ses hypothèses les plus autorisées sur la substance et la force, sur le mouvement de la matière, sur l'origine des êtres et des espèces, sur la physiologie du cerveau. C'est à la philosophie d'interpréter ces données et d'en tirer les conséquences. Or, faisant appel à l'astronomie, à la chimie, à la physique, à la physiologie, et passant en revue les doctrines courantes, M. Flammarion constate partout, dans les lois qui régissent la nature sous toutes ses formes, des traces manifestes d'une intelligence ordonnatrice et libre, cause première et raison dernière des choses.

Son Dieu n'est pas celui de la théologie, ni peut-être tout à fait celui du spiritualisme traditionnel. Il lui « apparaît sous l'idée d'un esprit permanent

qui demeure au fond des choses. Il n'est plus le souverain gouvernant du haut des cieux, mais la loi invisible des phénomènes; « sa toute-puissance est le soutien invisible de la nature, sa loi organisatrice la force essentielle de laquelle toutes les forces physiques dérivent et dont elles sont autant de manifestations particulières. « On peut donc regarder Dieu comme une pensée immanente, résidant inattaquable dans l'essence même des choses, soutenant et organisant les plus humbles créatures comme les plus vastes systèmes de soleils... ni en dehors du monde ni confondu dans l'ordre physique des choses. >> On voit bien par là qu'il est plus aisé de prouver que Dieu est que de dire ce qu'il est. On pourrait désirer plus de précision, ou si l'on veut moins d'indécision dans l'idée que nous en donne l'auteur; on pourrait encore relever dans son procédé général un trop grand éloignement de la métaphysique. Mais l'impression essentielle et durable qui reste de son livre, est celle d'une tentative très louable, et scutenue par un savoir réel et des antécédents heureux de conciliation entre la science et le spiritualisme. C'est un utile exemple proposé aux savants. M. Flammarion, par des publications accueillies avec faveur, avait marqué sa place parmi eux; il a eu l'ambition généreuse de passer de la science pure à la philosophie, et de mettre au service de celle-ci le fruit de ses études antérieures. Son nouveau travail n'est pas moins digne de sympathie que les précédents. PAUL ROUSSELOT.

Histoire d'Hérode, roi des Juifs, par M. DE SAULCY, de l'Institut. Hachette.

La lecture de ce livre laisse une impression singulièrement pénible; ce n'est pas la faute de l'auteur, mais celle du sujet. Pour étudier le caractère et le règne d'Hérode, M. de Saulcy a recouru exclusivement aux sources profanes, qui se réduisent à quelques fragments de Nicolas de Damas et aux ouvrages de Josèphe.

Les renseignements recueillis par cet écrivain procèdent de deux courants d'informations d'origine très divergente, et parmi lesquelles il était bien difficile, dès ce temps-là, de démêler la vérité. Un grand nombre de traits de la vie publique d'Hérode expliquent le surnom de Grand qui lui a été donné, tandis que les crimes de sa vie privée justifient celui de Bourreau que lui inflige son nouvel historien. Ainsi, il est impossible de nier que l'Iduméen Hérode, odieux d'abord à la plupart des Juifs, dut déployer beaucoup d'intelligence, de courage pour maintenir et accroître sa domination. Il possédait au plus haut degré ces qualités physiques dont le prestige fut toujours si grand parmi les peuples orientaux. Nul de ses amis ou de ses ennemis ne l'égalait pour monter à cheval, tirer de l'arc ou lancer le djérid. A la chasse, il triomphait des plus adroits, lassait les plus infatigables. A la guerre, il montra les qualités d'un partisan accompli, et ne fut jamais vaincu par sa faute. Politique habile, il sut devenir et rester aussi puissant, aussi indépendant qu'on pouvait l'être à cette époque, sous l'inévitable suzeraineté de Rome. Il se démêla avec une dextérité singulière des artifices de Cléopâtre, qui essaya tour à tour de le séduire et de le dépouiller; il servit loyalement Antoine jusqu'au dernier jour et sut se faire auprès d'Auguste victorieux un mérite de cette honorable fidélité au

vaincu. Il se montra, en plus d'une circonstance, non-seulement généreux jusqu'à la prodigalité, mais habile et prévoyant administrateur, notamment lors de l'horrible disette qui désola la Judée et une grande partie des Etats voisins, l'an 26 avant J.-C. La conduite d'Hérode dans cette grave circonstance lui valut l'eзtime et l'affection des Romains, contraignit à la reconnaissance, à l'admiration, ses ennemis les plus acharnés.

Il est peu de contrastes plus saillants, plus formidables que celui des grandes actions du commencement de ce règne avec les crimes de la fin. Mais il y a bien de la confusion, de l'obscurité dans ce que rapporte Josèphe de ces tragédies domestiques, pires que celles des Atrides; il a écrit la légende d'Hérode et non son histoire.

Ce sombre récit a l'allure et la physionomie d'un cauchemar; il accumule de parti pris les incriminations les plus hideuses contre la famille entière; tous sont des monstres de luxure, de cruauté, d'astuce; la plupart des victimes inspirent autant de haine et plus de mépris que le bourreau. L'historien, ou plutôt le compilateur juif, s'égare visiblement parmi ces légendes, échos lointains de rumeurs populaires. La sagacité de M. de Saulcy ne suffit pas toujours pour débrouiller les obscurités, les contradictions du texte original.

Voici les seules données historiques qu'on puisse dégager avec quelque certitude de ce récit confus. Malgré sa passion violente pour son épouse Mariamne, Hérode la fit périr dans un emportement de jalousie probablement mal fondé; ou bien, comme semble l'indiquer un texte fort curieux du Thalmud de Babylone, signalé par M. de Saulcy, la malheureuse reine prévint par un suicide l'exécution qu'Hérode n'aurait pas eu le courage d'ordonner. Cette catastrophe produisit sur lui une impression ineffaçable; elle provoqua des accès intermittents d'humeur noire, peut-être de démence, exploités par l'ambition de ses proches, surtout de son fils aîné Antipater, qui avait juré la mort des deux fils de Mariamne. Après bien des hésitations et des péripéties, Hérode fut amené à croire que ces jeunes princes avaient voulu venger sur lui la mort de leur mère; dans une nouvelle crise, il prononça leur arrêt de mort. La preuve du complot résultait d'une lettre de l'un des coupables, des aveux de leurs complices prétendus; mais ces aveux avaient été arrachés par la torture, et l'on acquit plus tard la certitude que la lettre était fausse. Bientôt Hérode eut à se défendre des complots plus réels d'Antipater, qui, débarrassé de ses frères, trouvait maintenant que son père tardait trop à mourir. Cette impatience féroce de régner lui fit perdre le fruit de ses premiers crimes; sa mort précéda de cinq jours celle d'Hérode.

Bien qu'on puisse peut-être reprocher à M. de Saulcy d'avoir exagéré l'autorité de Josèphe comme historien, son livre a une valeur incontestable. Les textes thalmuldiques qu'il cite, les indications topographiques qu'il a recueillies dans ses voyages de Palestine, jettent un grand jour sur plusieurs incidents de cette époque si difficile à connaître et par conséquent à juger. Ce travail est un nouveau service rendu à la science historique par le docte et laborieux auteur des Derniers jours de Jérusalem.

B. E.

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Reprise du Don Juan de MOLIÈRE, au Théâtre - Français. italienne, par M. LOUIS MOLAND.

[blocks in formation]

Le Théâtre-Français, qui serait certainement le premier théâtre du monde s'il avait seulement à sa disposition deux ou trois modernes capables de rivaliser avec cet ancien qu'on nomme Molière, a repris Don Juan, et M. Bressant y est parfait. Voilà de ces comédiens dont il est permis de parler; ils sont quatre ou cinq à Paris, et certainement pas davantage. Celui-ci est de tous le plus brillant, le plus sympathique, le moins inférieur aux grands rôles éclatants ou chevaleresques du passé, le moins dégénéré enfin de la stature antique. Si l'on veut, en ce temps où toutes les tailles s'abaissent, avoir encore quelque idée d'un Don Juan, d'un Richelieu ou même d'un Don Carlos, c'est à M. Bressant qu'il faut s'adresser. N'allez point ailleurs ce ne sont que des Richelieu frelatés; le Théâtre-Français (et autrement à quoi serait-il bon?) est le seul qui ait encore une petite réserve de ces gens-là, et elle diminue tous les jours, et elle diminuera encore lorsque la liberté des théâtres aura fini par éteindre, en les éparpillant à droite et à gauche, les derniers rayons du grand art.

M. Bressant fait véritablement merveille en ce Don Juan. On lui reproche de faire trop valoir le côté galant du rôle au préjudice de la partie infernale et tragique; mais remarquez aussi que la galanterie envahit la pièce, et que c'est les trois quarts du personnage. D'ailleurs, elle est bien plus en dehors, bien plus visible aux yeux que le dessous impie qu'elle recouvre ; c'est pourquoi elle apparaît bien davantage, et, en dépit de Molière lui-même, le séducteur cache l'athée. « Je crois que deux et deux sont quatre, et que quatre et quatre sont huit! » C'est un blasphème, cela, mais un blasphème élégant, qui ne choque point autant les oreilles que la grâce du pèlerin charme les yeux. Enfin, pour tout dire d'un mot, ces sortes de caractères, mis à la scène, sont et seront toujours, quoi qu'on fasse, plus séduisants que répulsifs. Le public est une victime de plus qu'ils trompent et exploitent. Il en va ainsi dans la vie ; comment en irait-il autrement au théâtre? Mettez en Don Juan tous les vices, et toutes les infamies, et toutes les impiétés, s'il reste brave et galant, il

2e s.-TOME I.IX.

48

« ZurückWeiter »