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français à l'époque où les Italiens jouaient en France. « Persuadé qu'Arlequin connaît le meurtrier du Commandeur, Pantalon fait sonner bien haut la récompense promise à celui qui le déclarerait. Si j'étais sûr de la récompense, dit Arlequin, je le nommerais. » Après plusieurs feintes, il persiste à soutenir qu'il ne le connaît point. « Mais, lui dit Pantalon, suppose que je suis le roi, que je t'interroge : Bonjour, Arlequin. - Serviteur à Votre Majesté. Sais-tu qui est le meurtrier dont il s'agit? - Oui, sire.-Nomme-le donc, et tu auras la somme promise et la grâce de quatre bons camarades. » Arlequin prend la parole et dit : « C'est... c'est... c'est Pantalon ! »

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Mais la folie d'Arlequin éclatait surtout au dernier acte, dans son souper final avec son maître Don Juan. Craignant de ne pas trouver de quoi satisfaire son appétit, il dit à son maître d'aller moins vite en besogne. Son chapeau l'embarrasse, il le met sur la tête de Don Juan, qui le jette au loin et qui lui fait beaucoup de questions sur la jeune veuve dont il est fort tenté... « De quelle taille est-elle ? dit Don Juan. Courte, répond Arlequin. Comment s'appelle-t-elle? Anne. - A-t-elle père et mère? Oui. Tu dis qu'elle t'aime? - Fort. Quel âge a-t-elle ? » Arlequin montre deux fois ses mains pour indiquer qu'elle a vingt ans. On devine aux monosyllabes et aux silences d'Arlequin que parler l'impatiente. C'est qu'il a autre chose à faire et qu'il ne veut pas perdre un coup de dent. Tout à l'heure, quand il sera rassasié, il mettra, comme on dit, les pieds dans le plat, c'est-à-dire qu'il les y met à la lettre; il prend la salade, l'arrose d'un pot de vinaigre, y verse plusieurs moutardiers, quatre salières, toute l'huile d'une lampe, puis retourne ce singulier mélange avec sa botte et ses pieds. Ce n'est pas de la haute comédie, assurément, mais cela distrait du reste. Arlequin paraît s'être donné pour mission d'égayer l'enfer même, toujours béant contre son maître. Au moment où il entre avec Don Juan dans le tombeau du Commandeur, il ne tremble pas comme Sganarelle, il rit encore, il rit toujours : « Il faut que la blanchisseuse de la maison soit morte, dit-il, car tout est bien noir ici. >> Et quand Don Juan est abîmé dans ce gouffre infernal, il devance le mot de Molière: «Mes gages! mes gages! faut-il que j'envoie un huissier chez le diable pour en obtenir le payement? » Cependant un dernier tableau, pareil à nos anciens mystères, montrait Don Juan au milieu des démons, pleurant, grinçant, demandant le verre d'eau sauveur,

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A quoi le chœur répondait charitablement : Jamais! Mai!

Ce n'est point là de la comédie française, mais c'est de la bonne et franche comédie, moins parfaite, moins sévère, moins guindée aussi que la nôtre, moins sèche et plus jeune.

A. CLAVEAU.

REVUE MUSICALE

THEATRE ITALIEN: · OPÉRA-COMIQUE : Un jour de bonheur, de

ANTAISIES-PARISIENNES : La Croisade des Dames, de Schubert.
Il Templario, de Nicolai. Don Giovanni.
M. Auber.

Le théâtre des Fantaisies-Parisiennes, qui était resté fermé pendant plus d'un mois, a inauguré sa salle restaurée et transformée par le succès d'une œuvre étrangère qui déjà prend sa date dans l'histoire de l'opéra comique en France. On ne connaît guère de Schubert, l'auteur de La Croisade des Dames, que les lieders, rendus si populaires par Nourrit, Vogel, Delsarte, Wartel, Marie, Mme Viardot et Mile Nilsson. Il a pourtant composé dix-sept opéras, ce qui, joint à sa musique de chambre, à sa musique religieuse, à ses symphonies et aux six cents lieders que l'on a publiés de lui, et qui, presque tous, méritent bien réellement cette qualification de chef-d'œuvre qu'on accorde si libéralement aujourd'hui à tant de musique médiocre, forme une bibliothèque lyrique devant laquelle l'admiration ne s'exprime qu'avec impuissance, surtout lorsque l'on sait que Schubert, né le 31 janvier 1797, est mort le 19 novembre 1828, et qu'il n'a, par conséquent, vécu guère plus de trente et un ans. De ses dix-sept partitions, un petit nombre est imprimé, un nombre plus restreint a eu les honneurs de la représentation, aucune n'a eu de succès.

En Allemagne comme en France, les nouvelles productions, surtout les œuvres de génie, ont la marche boîteuse et s'attardent en route. La Croisade des Dames est presque une œuvre posthume. On l'a représentée pour la première fois, dit-on, à Leipzig, en 1823, puis reprise à Vienne il y a peu d'années; à chaque fois la chance lui a fait défaut. On l'a publiée cependant en Allemagne en 1862, réduite pour piano. Un hasard de commerce a conduit vers un éditeur français le manuscrit de la partition d'orchestre, et M. Wilder, l'habile traducteur des mélodies de Schumann et de Weber, l'heureux révélateur de l'Oie du Caire, s'est chargé de présenter à nos dilettantes une œuvre que les Allemands n'oseront plus dédaigner.

La donnée de l'opéra de Schubert, qui s'était maladroitement alourdie dans le livret primitif de Cartelli, n'a point trop vieilli au théâtre. Des chevaliers, au retour de la Terre-Sainte, se disposent à rentrer dans leur manoir, mais ils comptent n'y faire qu'un bref séjour et sont décidés à

repartir bien vite pour la Palestine. Les épouses, lassées de tant d'années passées loin de leurs époux, et que n'accommode point cet incorrigible penchant à des équipées sans trève, se réunissent en conciliabule, se liguent et jurent d'accueillir sévèrement ces visiteurs d'un jour et de leur être rigoureuses jusqu'à ce qu'ils aient fait serment de ne plus déserter leur château et de renoncer aux errantes infidélités de la chevalerie. Un écuyer, pressé de savourer des baisers en fraude, surprend nos dames au milieu de leur conspiration et révèle aux époux tout le complot. A leur tour, les chevaliers se liguent, et quand les femmes se présentent, affectant une indifférence de commande, nos maris les regardent sans les reconnaître, s'étonnent de leurs caresses, et les préviennent tout d'abord que, sans même échanger une embrassade, ils vont repartir soudain pour une lointaine expédition. Grande stupéfaction des dames, qui oublient leur serment, sollicitent elles-mêmes les faveurs qu'elles prétendaient refuser, et tâchent de ramener à plus de tendresse ces époux effarouchés. Les chevaliers restent inflexibles. Alors les femmes, désespérées, comprennent qu'elles ne peuvent, sans mourir, rester veuves au logis; l'amour les fait guerrières elles s'équipent pour la bataille et pour les longues-chevauchées; elles revêtent le casque et la cuirasse, et, l'épée en main, veulent, elles aussi, se croiser pour accompagner, partout où ils iront, ces époux que rien ne peut river au foyer conjugal. Touchés d'une tendresse si vaillante, les chevaliers ne résistent plus et reprennent en esclaves un joug qui leur est cher et sous lequel ils brûlaient de se ranger.

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La part qu'on a faite aux maris obstinés dans leur rébellion, celle que l'on accorde aux femmes s'exaltant jusqu'à l'héroïsme pour s'imposer à leurs époux volages ou préoccupés, sont dérisoires sans doute; mais ici, tout héroïsme à part, l'histoire est d'accord avec la justice. Semblable déconvenue n'a point été évitée aux maris de l'antique Rome. Les matrones avaient pris la résolution d'ajourner leurs faveurs jusqu'à ce que le Sénat leur eût rendu le droit qu'il leur avait enlevé d'aller en voiture par la ville. Aucune ne manqua à son serment, et les maris, obligés de rendre les armes, en furent pour leur courte honte.

Le théâtre s'était déjà emparé de cette donnée qui prête à des combinaisons piquantes. C'était le sujet de la comédie d'Aristophane, intitulée Lysistrata. La guerre du Péloponèse durait depuis vingt ans, au grand dommage des Grecs, lorsque le poète athénien plaida sur le théâtre la cause de la paix, et par une fiction qui dut paraître bien singulière, si quelque fait négligé par l'histoire n'en a pas donné la première idée, suggéra aux femmes la pensée de se mêler de la politique à leur manière et de tenir leurs maris à distance jusqu'à ce qu'un traité de paix fût conclu avec Lacédémone. Aux femmes d'Athènes, qu'on substitue des chàtelaines du douzième siècle; à la place des Athéniens, qu'on mette les chevaliers de la Terre-Sainte, et l'on a la Croisade des dames de Schubert. Hoffmann le critique avait précédemment tenté de franciser Aristophane. C'était un acte de citoyen loyal et perspicace qui, naturellement, fut récompensé comme on récompense en France les andaces du civisme. Le Consulat avait ramené la paix, mais déjà on se sentait menacé de la

guerre, tous les esprits s'alarmaient. Le public s'acclimata fort bien aux imitations qu'on lui soumit du poète athénien, il encouragea Hoffmann, souligna de ses sourires les allusions malignes et applaudit énergiquement aux conseils sages et prudents dont le spirituel critique avait animé son ouvrage. La pièce disparut par ordre. M. Wilder n'a point à redouter de ces mésaventures, qui ne profitent à personne. Sa pièce, amusante et de bon goût, cadre partout avec la partition; elle évite la bouffonnerie que l'on recherche ailleurs; de la fantaisie joyeuse, et c'est tout; ni charge, ni caricature, ni raillerie, pas même une allusion à ces héros de demain que va multiplier le dépeuplement des campagnes et des cités, et auxquels nous font mélancoliquement rêver ces assurances de paix et de tranquillité prodiguées de tous côtés par des bouches autorisées et qui ne savent pas mentir. M. Wilder s'est montré trop sage : il eût osé plus sans être téméraire, et si dans ses couplets il eût, comme Aristophane et Hoffmann, déconseillé les inutiles carnages aux épouses et aux mères, il eût été représenté par ordre. Notre censure théâtrale est si clémente!

Le compositeur n'ayant point écrit d'introduction pour la Croisade des Dames, on a choisi dans les œuvres posthumes une page symphonique que Schubert avait intitulée: Ouverture dans le style italien, et dont l'instrumentation, moins complexe, s'adapte mieux aux convenances orchestrales du nouveau théâtre. Quoique remarquable, cette introduction s'accorde mal avec le reste de l'ouvrage. C'est la fatalité des œuvres bien conçues, qu'on ne peut rien en détacher, rien y greffer, sans que l'unité soit aussitôt troublée. Tous les cadres ne vont pas à un bon tableau; mieux vaut laisser dans sa mutilation une belle statue que de la compléter en lui ajoutant des morceaux étrangers. Malgré cette disparate, l'ouverture fait plaisir, surtout quand on le compare à ce que nos maîtres en vogue composent en ce genre. L'ensemble: Salut, illustre et noble dame, inaugure brillamment la partition scénique. On en a remarqué la belle sonorité. La romance Hélas! verrai-je encor celui qui m'adorait ? est délicieuse; elle est toute vibrante de ces accents pathétiques auxquels Schubert a dû jusqu'ici toute sa gloire. Le duo: Oui, c'est toi, c'est moi, est tout pétillant de grâce et d'espièglerie. Il y a de l'élan et presque de la passion dans le duo: Etrange ivresse. L'ariette de basse : Pour toi, j'ai souffert d'horribles tortures, est tout à fait en situation et très originale. Le finale est de tout point admirable. L'andante : A vos genoux, l'espoir qui nous enivre, est écrit à huit parties réelles; c'est un morceau plein de science et d'inspiration.

Il faudrait tout citer dans cette partition, qui mérite d'être louée depuis la première mesure jusqu'au dernier accord. De ce rare écrin, tous les joyaux sont précieux. Chaque morceau se caractérise; il appartient à l'ensemble et garde son individualité. On en peut étudier et méditer l'agencement, analyser les détails exquis, les fines ciselures, la capricieuse animation. C'est un trésor de grâce et de travail, une forme se renouvelant sans cesse. L'éloge est insuffisant. Partout l'orchestration s'éclaire de ce coloris romantique dont sont déjà pénétrés les lieders dans leur accompagnement au piano. L'instrumentation, simple et discrète,

laisse toujours la voix sur le premier plan, et ne sert qu'à l'orner, à l'assortir, à l'embellir. Tout cet orchestre, avec sa miroitante clarté, sa sobriété substantielle, fourmille de surprises harmoniques, de curiosités sonores qui se révèlent à chaque instant. Les ensembles et les chœurs, qui ici remplissent tout, sont incomparables de richesse, de variété, de puissance et d'intérêt. On les bissait à mesure, et l'on ne savait comment les applaudir assez. Depuis la Flûte enchantée, aucun compositeur germanique, sans excepter Nicolaï, plus Italien qu'Allemand, n'a montré une semblable aptitude à marier les voix et à les mettre en relief. Schubert avait eu pour professeur l'Italien Salieri, qui était un maître de l'école du chant; mais il avait aussi le génie de la composition vocale. Dans ces chœurs, dans ces airs, dans cette orchestration, dans ces accords, les assembleurs de rhythmes, les chimistes du son, les imitateurs, les copistes puiseront à pleine corbeille des effets non soupçonnés encore. Mais quand leur analyse aura réduit toutes ces finesses, toutes ces grâces en procédés et en formules, ils auront encore à trouver ce don sacré d'inspiration. cette ampleur d'harmonie, cette fécondité mélodique, cette continuité d'expression dramatique, cette supériorité dans le maniement de l'art vocal qui, dès cette première partition, nous autorise à ranger Schubert parmi les plus incontestables gloires de l'opéra allemand.

Toujours dramatique, toujours chantante, toujours en scène et en situation, telle est la musique de cet opéra, dont l'inspiration impersonnelle a lieu d'étonner les dilettantes familiers avec les innombrables chefsd'œuvre mélodiques de Schubert. Les lieders, quelle que soit leur inspiration, gracieuse ou endolorie, s'imposent par le sentiment. Ils ne peuvent être murmurés que du cœur au cœur, et ils s'effeuillent tristement au bruit et à l'éclat du jour. Dans son opéra, Schubert a abdiqué sa peine; il cache la plaie saignante qui causa sa fin prématurée, et s'il ne faut pas demander au poète de l'Eloge des Larmes, des Plaintes de la jeune fille, de la Cloche des Agonisants, de Mignon, de l'Adieu, des Astres, d'agiter les grelots du funambule et de chanter de burlesques refrains, on peut compter que sa lyre saura toujours se répandre en cantilènes délicieuses, émues, inaltérables dans leur fraîcheur et toujours dignes du maître qui, s'il eût vécu et si la scène allemande ne lui eût pas été réfractaire, eût pris place, dans l'histoire de l'opéra national, entre Mozart et Weber. Une si opulente partition réclamait un personnel nombreux et une mise en scène exceptionnelle. Or, pour un théâtre. qui débute et dont les espaces et les ressources sont restreints, c'était une entreprise hardie que d'affronter un ouvrage où les chœurs, toujours en action, ne semblent composés que de protagonistes. Mais chacun s'est évertué de son mieux, et il serait difficile de tirer un parti plus favorable du cadre étroit dans lequel s'agitent tous ces personnages. La Croisade des Dames ressemble assez à un ballet chanté avec une mise en scène originale et riche. M. Geraizet, grimé en don Quichotte, ne manque pas d'agrément; Mme Decroix, qui a été longtemps à l'Opéra-Comique, est excellente dans le rôle de la baronne, qui correspond à la Lysistrate d'Aristophane. Le ténor Laurent, écuyer galant, chante avec une voix très sympathique, mais encore inha

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