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doute sur ces heureuses dispositions. La Presse de Vienne n'approuve pas la guerre; elle considère que la puissance qui la provoquera se rendra coupable d'un crime social; mais elle est d'avis que tous les pouvoirs honnêtes doivent se liguer pour la répression. Une pareille attitude aurait pour effet de désarmer la Russie en l'isolant. On croit à Vienne que la Russie livrée à elle-même ne pourra rien faire, et que la question d'Orient ne prendrait une tournure dangereuse que si la Russie était assez habile pour se glisser dans quelque grande combinaison européenne, soit avec la Prusse, soit avec la France. Ce danger n'est pas à redouter du côté de la France; quant à la Prusse, elle a besoin de se raffermir sur sa base. Rien d'ailleurs ne peut l'attirer en Orient; ses intérêts sont d'un autre côté. Si cette puissance n'écoutait que la voix de la raison et les conseils de la prudence, elle se retrancherait dans une absolue neutralité et paralyserait ainsi tout l'effort de l'ambition moscovite. Nous pourrions espérer alors, quels que fussent les embarras de certains gouvernements et les convoitises immodérées de certains autres, voir la paix se maintenir et les peuples n'être point détournés pour de sanglants conflits de l'œuvre libérale et pacifique à laquelle ils se montrent partout assidus et ardents.

Lorsque nous parlons des embarras intérieurs de la Prusse, nous ne faisons aucune allusion aux prétentions du roi de Hanovre. Ce prince, qui ne semble pas encore comprendre les vœux de l'Allemagne, ne saurait se rendre bien redoutable, malgré la bruyante propagande qu'il alimente làbas de ses immenses richesses. Cette figure, néanmoins, n'est pas absolument dépourvue de caractère et mérite d'être étudiée. Sauf le désagrément que lui a causé la marche progressive des temps en le privant de sa couronne, le roi Georges n'a vraiment pas à se plaindre des procédés prussiens à son égard. On a liquidé avec lui d'une façon fort convenable, et il reste à la tête d'une fortune qui ferait envie à des souverains non détrônés. Il possédait sur le territoire hanovrien de vastes domaines et des châteaux; une partie de sa fortune mobilisée était mise en sûreté en Angleterre; mais le gouvernement prussien aurait pu anéantir ces obligations en retenant le gage. Bien des gens, en Prusse, parmi les plus considérables et les mieux pensants, étaient d'avis de ne point laisser au roi de Hanovre une fortune aussi considérable. Ceux qui voulaient ainsi étaient précisément les conservateurs, les légitimistes, comme on dirait chez nous. Le comte de Bismark combattait cette manière de voir; il soutenait devant ses contradicteurs cette thèse étrange, que les prétendants riches sont beaucoup moins à craindre que les prétendants pauvres. Il eut quelque peine à vaincre l'opposition de ses adversaires. La question fut tranchée cependant en faveur du roi Georges, qui, sans préjudice des 60 millions de fortune mobilière qu'il a mis en sûreté à Londres, obtient encore le beau trésor d'argenterie, riche apanage très renommé, contenant les. plus belles pièces qui existent, au dire des connaisseurs. Il obtient grand nombre de châteaux, il obtient des domaines; que n'obtient-il pas ? Il y avait un domaine privé considérable, sis sur le territoire devenu prussien par les événements. Dans certains pays, l'on confisque ces sortes de propriétés. Le gouvernement prussien voulait mieux faire; il voulait considé

rer ce domaine comme une dotation particulière de la province; mais les conservateurs en ont jugé autrement. Leur opposition était si prononcée qu'elle allait rendre impossible l'adoption du projet gouvernemental; il a fallu prendre des biais, faire entrer le domaine en litige dans la communauté générale, et indemniser la province par une forte rente annuelle que l'Etat s'oblige à lui payer. Il est résulté de ces conflits un refroidissement passager entre le parti conservateur et le président du conseil. Bien qu'il ne soit l'homme d'aucun parti, M. de Bismark a eu cependant, dans le parti conservateur, un puissant auxiliaire; c'est en s'appuyant sur lui qu'il est parvenu à conjurer les orages qui, pendant plusieurs années, ont menacé les pouvoirs constitués de la Prusse. La réconciliation se fera donc, elle se fera; mais l'épreuve subie a été douloureuse pour M. de Bismark, surtout lorsqu'il s'est vu sur le point d'être abandonné par ses amis et de recevoir, en retour, de la part des Hanovriens pour lesquels il venait de risquer son crédit, les preuves de la plus flagrante ingratitude.

C'est à ce moment, en effet, qu'ont commencé les pérégrinations et les doléances de cette légion hanovrienne recevant du roi Georges une solde qui lui permet d'errer dans les pays les plus pittoresques. Elle a visité la Suisse, d'où elle est venue en Alsace en se donnant des airs malheureux. Le gouvernement suisse, disaient ces héros exilés, les avait expulsés sans pitié. Il n'en était rien. Le gouvernement suisse a répondu qu'il ne s'était jamais occupé de ces Hanovriens, mais que la population ne montrait pas un grand enthousiasme pour ces martyrs. En Alsace, ils étaient trop près de l'Allemagne ; le gouvernement français les a relégués dans un département plus central. On a remarqué que ces débris de Langensalza voyageaient avec des passe-ports autrichiens. Cette circonstance pouvait avoir une certaine gravité; mais devant les explications loyales de M. de Beust, l'affaire, un moment élevée à la hauteur d'un incident diplomatique, a repris son caractère tragi-comique.

Pendant que sa fidèle légion se promenait à l'étranger, que faisait donc le roi Georges? Il célébrait à Vienne le vingt-cinquième anniversaire de son mariage. Il avait convié un grand nombre de ses anciens sujets à cette fête de famille; des wagons entiers, chargés de Hanovriens, sont arrivés à Vienne. C'est le roi qui faisait les frais de ce train de plaisir. Il y a eu un banquet somptueux, où l'on a vu le couple royal s'abandonner à une douce joie. Un toast était à craindre; il a éclaté au dessert. Le roi s'est attendri; il a prononcé un petit discours qui a mis tout en émoi. On n'en sera pas surpris lorsqu'on saura que Georges IV annonçait, dans les termes les plus positifs, son prochain retour dans ses Etats. Après le dîner, il a régalé ses hôtes d'un ouvrage dramatique tout de circonstance i leur a fait représenter la Grande-Duchesse de Gérolstein, œuvre de fine ironie, où le particularisme allemand est peint sous les couleurs les plus comiques. Le roi Georges n'a pas craint pour lui-même les allusions de cette bouffonnerie française, et l'on a ri de bon cœur, comme si l'Etat de Gérolstein était aux antipodes des minuscules principautés de l'ancienne Confédération germanique. Il n'y a vraiment pas de quoi inquiéter la

Prusse dans ces manifestations hanovriennes. Un prince qui montre la Grande-Duchesse à son peuple et puise dans ce spectacle des soulagements à son adversité, un prince qui se croit tenu de consacrer à de pareilles représentations et à cette forme de propagande les richesses dont la Prusse le laisse jouir, est peut-être un modèle d'ingratitude; mais il n'est pas bien redoutable. Pour le rappeler au sentiment de sa position, sur laquelle il paraît se faire de complètes illusions, le gouvernement prussien peut suspendre l'exécution du traité conclu avec lui, et ne plus contribuer aux frais de ses petites manifestations anarchiques; mais ce n'est point un si minime incident qui peut empêcher la Prusse de suivre en paix le cours de ses heureuses destinées. Le suffrage universel, appliqué pour la première fois à la formation du Parlement douanier, a donné, dans tous les grands centres allemands, sans en excepter Munich, centre et foyer du particularisme, la majorité au parti national. Ce premier essai promet beaucoup pour l'avenir. Dans quelques jours, donc, l'Allemagne tout entière, celle du Nord et celle du Sud, sera représentée à Berlin par une assemblée dont les attributions, si les gouvernements voulaient s'y prêter un peu, pourraient sortir de leur programme limité et s'élever au rôle de nos anciens Etats généraux.

Il est dit que la Prusse et l'Italie auront, en toutes choses, une commune destinée. La Prusse a Georges IV et les agitations guelfes de Hietzing; l'Italie a François II et les complots toujours renaissants du palais Farnèse; les troubles qui ont éclaté ces jours derniers dans l'Italie méridionale sont provoqués par les agents bourboniens. Le cabinet de Florence, qui voit clair dans le jeu de François II, n'est nullement disposé à laisser le repos de l'Italie exposé plus longtemps aux périls que lui font courir ces tentatives coupables. Des démarches diplomatiques auxquelles le gouvernement français a prêté son appui moral et sa haute autorité, vont couper court à ces complots, et l'Italie pourra revenir, avec calme, aux affaires sérieuses. Le Parlement est vivement poussé, par les nombreuses adresses qu'il reçoit de tous côtés, à concentrer ses efforts sur les questions essentielles qui intéressent le crédit public. On espère que la reprise des séances, un moment interrompues par le chômage des jours du carnaval, sera le signal de cette vie nouvelle et de ce sage retour aux saines pratiques d'un gouvernement régulier.

Cet exposé politique serait incomplet si nous ne faisions pas mention des graves incidents qui se sont produits aux Etats-Unis. Le président Johnson est mis en accusation. Par cet acte violent, le conflit entre le président et le Congrès va sans doute trouver une solution. Le successeur de M. Lincoln ne semble pas résigné à subir les décisions du comité de reconstruction sanctionné par un vote de la Chambre des représentants; il rassemble des troupes autour de Washington, et semble disposé à porter Ia question sur un terrain extra-légal. Au degré d'anarchie où en sont arrivés les pouvoirs établis, la ressource d'un coup d'Etat est peut-être la seule à laquelle il soit possible de recourir, la seule qui puisse trancher le différend. Quoi qu'il en soit, il faudrait être doué d'une opiniâtre illusion pour ne point voir que les Etats de l'Union n'en ont pas fini avec la guerre civile

et sont sur la pente d'une décadence politique des plus redoutables. Le germe de cette discorde est dans des institutions qui ont été si longtemps pour l'Europe un objet d'admiration et d'envie. L'esprit républicain a ses despotismes et ses brutalités; il n'est pas une meilleure sauvegarde que l'esprit monarchique des droits et des libertés, lorsqu'il s'écarte des principes de justice et qu'il est dominé par des passions aveugles. Le jour où l'on a violenté les Etats du Sud, le lien fédéral a été brisé; le droit de la force a reçu la dangereuse sanction du succès, et s'est introduit dans les institutions et dans les pratiques de cette république modèle. Le peuple américain recueille maintenant ce qu'il a semé; il ne devra pas se plaindre si M. Johnson, ne pouvant triompher par les droits de la raison, se décide à recourir à l'irrésistible argument de la force.

Le secrétaire de la rédaction, PASCAL PICARD.

ALPHONSE DE CALONNE.

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LE LUXE A ROME SOUS LA RÉPUBLIQUE (2e partie), par M. H. BAUDRILLART, de
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LES NOMS DE FAMILLE, Etude sur leur origine, par M. E. RITTER.

LES CALVINISTES FRANCAIS DU XVIe AU XVIIIe SIÈCLE (2e et dernière partie), par
M. A. PHILIBERT-SOUPÉ .

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L'AMÉRIQUE RUSSE, SA CESSION AUX ÉTATS-UNIS, par M. H. VATTEMARE.
LE PÈRE ET LE FILS, roman (3e partie), par M. ANTONIN MULÉ.
LA CRÉANCE JECKER : Réponse de M. Jecker à M. de Kératry
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M. C. CLODONG..

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par M. CH. MARTIN.
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LE PARAGUAY, la dynastie des, Lopez, avant et pendant la guerre actuelle, par
M. JOHN LE LONG.

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LA NOUVELLE LOI SUR LA PRESSE ET LES RAPPORTS AUXQUELS ELLE A DONNÉ LIEU,
par M. LOUIS LIÉVIN.

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CHRONIQUE LITTÉRAIRE, par M. A. CLAVEAU.

366

CHRONIQUE POLITIQUE, histoire de la quinzaine.

373

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