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2o Commission de justice populaire.

Le 11 octobre 1793, Couthon et Maignet créèrent une commission de justice populaire destinée à juger tous les individus prévenus de contre-révolution autres que ceux qui avaient été pris les armes à la main. La présidence en fut confiée à un comédien nommé Antoine-Vincent Gobet dit Dorfeuille, qui fut égorgé plus tard dans une prison de Lyon, lors des massacres réactionnaires des 4, 5 et 9 mai 1795. La commission tint dix-sept séances et prononça cent quatre condamnations à mort. Une section siégea à Feurs, chef-lieu provisoire du nouveau département de la Loire, prononça quinze condamnations à mort et fut remplacée par une commission révolutionnaire, qui, du 11 décembre 1793 au 11 février 1794, jugea deux cent six individus et en condamna quarante-neuf à mort. Lapalus en fut en dernier lieu président. Aucune personne originaire de Saône-et-Loire ne comparut devant ces deux commissions.

3° Commission révolutionnaire.

Les opérations de la commission de justice populaire ne marchaient pas assez vite au gré des conventionnels. Le 5 frimaire (25 novembre 1793), Collot d'Herbois, Fouché, Albitte et Sébastien de Laporte établirent une commission révolutionnaire destinée à vider promptement les prisons, qui regorgeaient de détenus. Elle était composée de cinq juges et présidée par Parein, qui venait de présider une commission analogue à Saumur1. Sa procédure était fort simple. Il n'y avait ni accusateur public, ni débats, ni plaidoiries. Le chapeau mis de travers et la figure assom

1. Président : Pierre-Matthieu Parein; juges: Antoine Lafaye aîné, Pierre-Aimé Brunière, Joseph Fernex, Nicolas Andrieu, bientôt remplacé par André Corchand. Voir la notice sur Parein, deuxième partie, VII. II fut nommé, à la fin de 1797, commandant du département de Saône-et-Loire; mais, en avril 1798, le gouvernement le soupçonnant, sans doute à raison, d'influencer les élections en faveur des Jacobins, le rappela.

brie par une foule de panaches, Parein posait invariablement. aux accusés quatre questions: - Comment t'appelles-tu? Quelle est ta profession? - Qu'as-tu fait pendant le siège? Tu as été ou tu n'as pas été dénoncé. Et les juges, édifiés, réglaient le sort des accusés à raison de sept par dix minutes.

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On ne se perdait pas dans les formalités. Un signe convenu au guichetier, et c'est tout. Si les juges touchent négligemment la petite hache qu'ils portent sur la poitrine, attachée à un ruban tricolore, c'est la guillotine; s'ils portent la main à leur front, c'est la fusillade; s'ils l'étendent sur la table, c'est l'acquittement. La commission se pourvut cependant d'un registre. Un des juges, Corchand, y consignait les noms de ceux qui devaient aller au supplice, tandis que Parein se réservait d'inscrire les acquittements.

On s'imagine aisément les angoisses des accusés qui, dans leur trouble, ne voyaient ou ne comprenaient pas ces gestes. «L'interrogatoire est-il fini? Votre sort est-il secrètement prononcé? Le guichetier, qui a aperçu le signe décisif, donne un coup sur l'épaule à l'accusé et lui dit : « Suis-moi. » Aussitôt, l'un et l'autre sortent de la salle et prennent en silence le petit escalier tournant qui conduit sous le vestibule de l'hôtel commun et plus bas sous les voûtes de la grande cour et dans les caves. Au bas de l'escalier se trouve l'Élysée ou le Tartare, le ciel ou l'enfer. A gauche est la bonne cave; à droite la mauvaise..... » Et suivant que le guichetier incline d'un côté ou de l'autre, c'est la vie ou la mort.

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La commission n'ignore pourtant pas certaines formes judiciaires. Un geste lui suffit à l'audience; mais elle a une formule toute prête et toujours la même pour tous les con

1. Tableau des prisons de Lyon pour servir à l'histoire de la tyrannie de 1792 et 1793, par A.-F. Delandine, Lyon, 1797, p. 250. - Essais historiques sur les causes et les effets de la Révolution, par Cl.-Fr. Beaulieu, 1801-1803, t. V, p. 413.

damnés. Quand les jugements sont publiés, elle en décore l'en-tête comme d'un frontispice :

La Commission révolutionnaire établie à Commune-Affranchie par les représentants du peuple,

Considérant qu'il est instant de purger la France des rebelles à la volonté nationale;

De ces hommes qui convoquèrent et protégèrent à main armée le Congrès départemental de Rhône-et-Loire;

De ces hommes qui, portant les armes contre leur patrie, égorgèrent ses défenseurs;

De ces hommes qui, complices des tyrans, fédéralisaient la République pour, à l'exemple de Toulon, la livrer à ses ennemis et lui donner des fers;

Oui les réponses aux interrogatoires subis par les ci-après nommés, et attendu que la Commission révolutionnaire est intimement convaincue qu'ils ont tous porté les armes contre leur patrie ou conspiré contre le peuple et sa liberté, et qu'ils sont évidemment reconnus pour être contre-révolutionnaires;

La Commission révolutionnaire condamne à mort.....

Ces motifs imbéciles servaient à toutes fins, et quand de vieux prêtres, de pauvres religieuses passaient en jugement, la Commission les classait sans hésiter dans la catégorie des hommes qui avaient égorgé les défenseurs de la patrie.

Malgré la terreur qui régnait, il se trouva des gens pour dénoncer à la Convention les procédés sommaires de la Commission. Les représentants en mission à Lyon manifestèrent aussitôt une vertueuse indignation. Le 30 pluviôse (18 février), Fouché, Sébastien de Laporte et Méaulle signaient une lettre collective à l'Assemblée et lui certifiaient avec quel dévouement le tribunal remplit ses rigoureux devoirs, avec quelle religieuse méditation les accusés sont examinés, avec quelle courageuse impartialité le juge descend dans leur pensée la plus intime, dans leur conscience, pour en suivre tous les mouvements 1. » Il fallait que ces juges fussent de bien subtils analystes pour scruter

1. Mon. univ. du 7 ventòse (25 février), t. XIX, p. 553.

aussi profondément sept consciences en dix minutes. C'était le dernier mot de la psychologie.

Du 25 novembre 1793 au 6 avril 1794, la Commission prononça mille six cent soixante-neuf condamnations à mort, dont sept cent seize furent exécutées par la guillotine et neuf cent cinquante-trois par la fusillade 1. Le département de Saône-et-Loire fournit son contingent à ce martyrologe. Divers documents permettent de donner assez exactement la liste des accusés; mais on ne saurait préciser de même les motifs des condamnations, puisqu'il n'y avait pas d'instruction. Une simple mention sur le registre constituait toute la procédure. Au reste, les chefs d'inculpation étaient toujours les mêmes. Ou les accusés avaient servi dans l'armée lyonnaise, ou ils avaient témoigné leurs sympathies à la cause de l'insurrection, ou ils étaient seulement suspects de professer un médiocre attachement à la Convention. La Commission jugeait avec la même férocité, avec le même aveuglement stupide que le tribunal révolutionnaire; seulement elle y mettait moins de formes.

L'établissement de la liste des accusés pour le département de Saône-et-Loire exigeait une minutieuse vérification. L'état civil que leur attribuent les jugements est souvent erroné; les noms de familles ou de lieux de naissance ont subi d'étranges travestissements. Arthun (Loire) devient << Autun (Saône-et-Loire); » Bully (Rhône) se transforme en << Rull (Saône-et-Loire) », etc. Les juges connaissaient mal les nouvelles divisions de la France et confondaient fréquemment les départements, quand ils n'en inventaient pas, comme celui de Seine-et-Loire ou encore celui de la Saône avec Amiens pour chef-lieu. Un certain nombre d'accusés, portés à tort comme originaires du département, devaient donc être éliminés. Quant à ceux qui y étaient nés

1. Jusqu'au 10 février (22 pluviôse) les condamnés furent guillotinés ou fusillés. A partir de cette date, la guillotine fonctionna seule.

ou qui l'habitaient, leurs noms, prénoms et qualités ont été transcrits littéralement tels qu'ils sont énoncés aux jugements. Ces indications sommaires ont été ensuite complétées par des renseignements puisés à d'autres sources, soit dans les archives des communes, soit dans les papiers et les traditions des familles, soit dans les différentes listes des condamnés, dont le rapprochement fournit une sorte de contrôle. 1

14 frimaire an II (4 décembre 1793.)

François NOLY, rentier, natif de Mâcon, y demeurant, 24 ans. Mort.

Il appartenait à une vieille famille bourgeoise dont plusieurs membres avaient rempli des charges dans l'administration des États du Mâconnais. Né le 5 février 1769 d'Émilian, conseiller du roi, président de l'Élection de Mâcon, plus tard trésorier des États, il avait épousé, le 28 juillet 1788, Suzanne-Rosalie Benon, fille d'Alexis, notaire à la Chapelle-de-Guinchay (arrondissement de Mâcon), et d'Antoinette Dejoux. Il en avait eu deux fils, dont l'un, Claude-Joseph, dernier du nom, fut anobli le 7 mars 1815, et une fille, Claudine-Émilienne, qui épousa en 1808 Alexandre Guigue de Champvans. Une liste des victimes le qualifie de « contre-révolutionnaire prononcé. Il fut condamné sans avoir été interrogé, avec soixantehuit autres jeunes gens convaincus d'avoir porté les armes.

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1. Voir Tableaux des contre-révolutionnaires mis à mort à Commune-Affranchie, ci-devant Lyon, de l'imprimerie de Revol. Collection complète des jugements rendus par la Commission révolutionnaire de Lyon, publiée par MelvilleGlover, Lyon, 1869. Dictionnaire des individus envoyés à la mort pendant la Révolution, par Prudhomme, Paris, an V. — Liste générale des contre-révolutionnaires mis à mort à Commune-Affranchie, Destefanis, an II. Liste des contrerévolutionnaires révoltés dans la ci-devant ville de Lyon, condamnés à être fusillés, et guillotinės, par Tisset, Paris, an II. - Histoire des tribunaux révolutionnaires de Lyon et de Feurs, par Salomon de la Chapelle, Lyon 1879. - Idem, par E. Fayard, Lyon, 1888.

TOME XXIX

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