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Il semble résulter de cet examen, que la châtellenie de Montcenis ne pouvait être envisagée comme une source de profits pécuniaires, mais plutôt comme une organisation administrative faite pour parer aux nécessités de la défense du territoire. Il est vrai qu'une forteresse de cette nature avait alors une valeur inappréciable, si l'on considère que son but était de soustraire au pillage les contrées soumises à sa protection.

(A suivre.)

E. FYOT.

SUR LA

TERRE DE LA TOURNELLE-EN-MORVAN

(NIÈVRE)

RÉDIGÉ EN 1771

01

La seigneurie de la Tournelle dans le haut Morvan, commune d'Arleuf, relevant du comté de Château-Chinon, était une des plus importantes du Nivernais et appartenait à la puissante et antique maison de ce nom dès le onzième siècle. Cette terre fut érigée en marquisat par Louis XIV en 1680 avec ses justices, bailliages et grueries de Beauregard, Poisson, Maison-Comte, Aron, Lugny, etc. Le marquis Jean-Baptiste-Louis de la Tournelle vendit sa terre avec ses dépendances, le 30 mars 1765, à Julien Guillin de Pestre, écuyer, comte de Seneffe, en Belgique, conseiller, secrétaire du roi, maison et couronne de France, qui le reprit de fief le 13 septembre de l'année suivante et le 26 octobre 1769. Cette énorme propriété, qui échut en partage à Isabelle de Pestre, mariée à JosephPierre Foulon de Doué, fut en partie démembrée à la Révolution, et du château, dont les deux tiers furent alors démolis, il ne reste qu'une aile restaurée récemment. Elle appartient aujourd'hui à M. le comte Aldonce de Durfort qui, par alliance avec cette ancienne famille, en est devenu le propriétaire actuel.

Les archives et titres féodaux du château de la Tournelle furent brûlés sur la place d'Arleuf en 1793; heureu

sement un inventaire analytique de ce trésor historique avait été fait au moment de la vente à M. de Pestre et conservé par la famille. C'est dans ces papiers intéressants, que nous nous proposons de publier, que s'est rencontré le manuscrit que nous donnons in extenso. Il nous parait avoir un très grand intérêt, surtout pour l'exploitation des bois dans le Morvan au milieu du dix-huitième siècle, suivant le système de coupes qui a prévalu et qui est absolument pratiqué de nos jours de la même manière qu'il l'était il y a plus d'un siècle et demi. Ce mémoire, dont l'auteur nous est inconnu, doit être l'œuvre d'un homme d'affaires du nouveau propriétaire qui fit la reprise de fief le 26 octobre 1769 ainsi que nous l'avons vu, et c'est sans doute peu de temps après qu'il fut rédigé. Il fait voir combien, dans le haut Morvan, la propriété forestière était déjà peu rémunératrice, malgré les débouchés que le flottage des bois lui avait procurés.

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La terre de Tournelle est située dans une contrée appellée le Morvand, qui fait partie de la province du Nivernois, sur les confins de la Bourgogne.

Château-Chinon est regardé comme la capitale du Morvand. Ce pays est rempli de montagnes et de forêts; son commerce consiste dans la vente des bois à brûler que l'on conduit à Paris par le flottage de la rivière d'Yonne et dans l'élever des bestiaux dont les habitants tirent un grand profit. La majeure partie des domaines exploitables sont en prés et paturages; il ne se recueille dans la partie cultivée que du seigle, des menues graines et du sarrazin, dont le produit, quelqu'il soit, ne suffit jamais pour la subsistance du pays qui est très peuplé.

Le bourg d'Arleuf est le chef-lieu de la terre de la Tournelle; il est à cinq lieues d'Autun, une lieue de Chateau-Chinon, treize de Nevers. Arleuf est du diocèse d'Autun et de la généralité de Moulins; c'est la coutume du Nivernois qui régit le Morvand.

On compte dans l'étendue de la terre, six fiefs dominant, sçavoir: la Tournelle, Poisson, Fachin, Lancray, le Beaugis et Maison Comte, qui tous relèvent à foy et hommage au comté de Chateau-Chinon appartenant à M. de Mascrany, maître des requestes honoraire, ancien président du grand Conseil. Ces justices occupent en longueur six à sept lieues de pays, sur une lieue et demy et deux lieues de large; elles s'étendent sur cinq paroisses, sçavoir: Arleuf, Chaumard, Courancy, Planchey et Chateau-Chinon, mais il n'y a que les deux premières, dont le propriétaire de la Tournelle soit seigneur. La seigneurie de Courancy luy est contestée par le comte de ChâteauChinon; il y a cependant des Mrs de la Tournelle, qui ont porté le nom de M" de Courancy, mais M. de Mascrani a toujours protesté contre ce qui pourroit nuire à ses droits, et il a nommément fait opposition à ce sujet, dans le dernier décret.

Il n'y a dans la terre de la Tournelle, aucune présentation ny nomination de bénéfice; les curés des deux paroisses dont la seigneurie est directe sont a la nominance de M. l'évêque d'Autun.

Les officiers de justice dependant de la Tournelle consistent en un bailli, un procureur fiscal, un greffier, des avocats et procureur postulant attachés au baillage du comté de Château-Chinon; les plaids se tiennent par quinzaine, dans des lieux différents, qui dépendent du ressort des justices; on va par appel au baillage de Saint Pierre le Moutier dans le Nivernois, et de là au parlement de Paris, actuellement au conseil supérieur de Clermont Ferrand.

La Tournelle a droit de grurie et par appel à la table de marbre, quelquefois au bureau de la ville où le prévôt de Paris préside quand il s'agit de faits concernant le commerce des bois destinés pour les approvisionnements de la capitale.

Arleuf a 320 feux et environ deux mille âmes; le bourg où est l'église est à 500 toises du château de la Tournelle; la paroisse a une étendue de plus de deux lieues, composée de 30 ou 32 villages: on appelle village en général sept a huit maisons ensemble; il y en a de quatre, même de deux.

Le pays, comme on l'a dit, est extrêmement montueux, les terres assez mauvaises et l'agriculture mal entendue dans les parties que l'on cultive, mais les habitants en sont dédommagés par le travail que leur fournit constamment pendant l'hiver l'exploitation des

forêts, depuis qu'on a trouvé le moyen du flottage; les montagnes fournissent des sources abondantes que l'on rassemble avec soin dans de petits étangs au haut des ravins, qui tous ont une pente forcée vers l'Yonne que l'on appelle dans le pays la grande rivière, et c'est par le secours de ces étangs que l'on donne aux eaux l'impétuosité nécessaire pour l'enlèvement des bois.

Le Morvand a un autre avantage bien plus précieux pour les habitants, et on ne peut pas douter qu'on ne luy doive la population qui s'y trouve; c'est le commerce des bestiaux dont chaque particulier s'occupe, soit par ses propres facultés, soit par le secours des chetels; les deux tiers du pays sont en bois, la moitié de l'autre est en pâturages excellents quoique souvent à my-côte, parce qu'on les arrose avec art, en tirant un parti très intelligent des sources dont presque toutes les côtes de ce pays abondent; l'espèce du bétail est petite mais d'une qualité supérieure et dès que le printemps arrive, il se tient dans beaucoup d'endroits des foires fréquentes qui favorisent ce genre de commerce. Du reste point de débouché, ny de communications établies; la poste ne parvient de Nevers à Château-Chinon que tous les quinze jours, avec incertitude, et par le moyen de messagers que les inconvénients de la saison arrêtent souvent pendant l'hiver; la route d'Autun est plus fréquentée; c'est de cette ville que l'on tire les ressources de la vie et il y a lieu de croire que lorsque la communication projetée de Châlon à Nevers passant par Autun et Château-Chinon sera ouverte en entier, le passage du Nivernois dans la Bourgogne sera fréquenté et mettra le pays du Morvand plus à portée des secours dont il a souvent besoin; cette route n'est encore tracée que par parties; elle ne l'est pas dans les environs de la terre de la Tournelle, et c'est ce qui fait que les sujets de cette terre sont forcés d'aller faire leurs corvées au loin; il est à désirer que Mrs les intendants de Dijon et de Moulins s'entendent pour qu'elle le soit dans toute sa direction afin de pouvoir solliciter l'employ des habitants à portée de leurs foyers.

Il paroît démontré que les cinq sixièmes de ce qui compose le Morvand est en bois ou en pâturages; la partie cultivée ne l'est pas avec attention, dans beaucoup d'endroits; elle ne produit que peu d'orge et de seigle, de l'avoine et du blé noir; on n'y voit point de froment; le paysan fait grand cas de la bouillie d'avoine et de sarrazin, dont il fait sa principale nourriture; on commence aussy depuis quelques temps à faire usage des pommes de terre que l'on appelle truffles; il est important que la culture de ce légume puisse s'étendre par les ressources qu'elle peut procurer.

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