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LES PRÉDICATEURS

DE L'AVENT ET DU CARÊME

A LA CATHÉDRALE D'AUTUN

1377-1784

L'usage des prédications faites pendant le temps de l'Avent et du Carême n'est pas particulier à notre siècle et à ceux qui l'ont immédiatement précédé. Plus anciennement, l'Église avait reconnu la nécessité de destiner certaines époques de l'année à un enseignement plus complet et plus étendu et à une explication plus précise des graves devoirs de la pénitence et de l'expiation. Quel que soit le temps auquel remontent ces prédications, nous ne les trouvons pas en usage à Autun avant la fin du quatorzième siècle soit qu'elles n'aient pas eu lieu antérieurement, soit plutôt que, par suite de l'absence de toute rétribution allouée au prédicateur1, elles n'aient laissé aucune trace dans les registres de la Chambre des comptes du Chapitre 2, principale source à laquelle nous empruntons les renseignements suivants. Ajoutons que ces registres remontent seulement à 1377 et que nous ne possédons aucun renseignement sur les années antérieures.

1. On lit, en effet, dans un Essai d'une histoire de la paroisse de Saint-Jacques de la Boucherie, par L. Villain, « qu'on ne donnoit ordinairement au prédicateur que ce que l'on recevoit des quêtes faites dans l'église. » Le même auteur ajoute que ce ne fut qu'en 1497 que l'on commença à joindre au produit des quêtes six écus valant 10 livres, 10 sols. P. 62. Paris, 1758, in-12.

2. Ces registres, qui remontent à 1377, sont conservés aux Arch. dép. de Saôneet-Loire.

Dans le principe, les prédications de l'avent et du carême avaient pour ministres exclusifs les religieux de l'ordre de Saint-Dominique, connus sous le nom populaire de Frères Précheurs ou de Jacobins, et ceux de l'ordre de Saint-François, appelés Frères Mineurs ou Cordeliers. La plupart de ceux qui se faisaient entendre à Autun appartenaient aux maisons de leur ordre établies à Dijon et à Beaune. La maison des Frères Prêcheurs de Dijon remontait à 1237, et celle des Frères Mineurs de la méme ville à 1243; celle des Cordeliers de Beaune, à 1247, et celle des Jacobins à 1482. Au début, les uns et les autres se partageaient la tâche des prédications annuelles, ainsi que le fait connaitre le registre de la Chambre des comptes du Chapitre pour l'année allant du 1er juin 1377 au 1er juin 1378:

1377.

Fratribus minoribus et jacobitis, cuilibet ordini in elemosina dati fuerunt II floreni valentes... III f. ш gr.

Le compte de 1384-1385 reproduit la même mention qui, malgré son laconisme, ne peut s'appliquer qu'aux prédications, ainsi que les comptes suivants le feront mieux connaître :

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1384. Jacobitis et cordiferis datum fuit more solito in elemosina.... III f. шIII gr.

Ces termes in elemosina semblent indiquer que la rétribution était facultative et que le prédicateur la recevait plutôt à titre d'aumône que comme prix d'une parole qui, comme parole de Dieu, ne pouvait s'apprécier en argent et devait être gratuite.

Le compte de 1394 est conçu en termes analogues :

1394. Dati fuerunt in elemosinam fratribus jacobinis et minoribus, pro eorum conventibus, et eorum cuilibet xx gr. valentes... III f. IIII gr.

Ainsi qu'on le voit, la série des comptes présente de

nombreuses lacunes. Il faut descendre jusqu'en 1404 pour rencontrer une nouvelle mention.

1404.

Pro elemosina data predicatoribus et minoribus, cuilibet XX gr. valentes.... II f. шIII gr.

Ensuite, nous ne trouvons aucun compte avant celui de 1416:

1416. Pro fratribus minoribus, alias cordigeriis, et predicatoribus...

IIII fr.

Ces prédications, faites pendant l'avent et le carême, n'étaient pas les seules auxquelles l'Église avait recours pour entretenir la foi et combattre le relâchement. A des intervalles plus éloignés, après les grandes guerres et les crises sociales qui les suivaient presque toujours, des missions, d'un caractère plus pathétique et plus émouvant, tendaient à retenir ou à ramener dans la voie chrétienne les populations trop portées à s'en écarter et à persévérer dans le désordre. C'est à cette forme d'apostolat qu'on peut rattacher la mission que saint Vincent Ferrier donna à Autun en 14171. Rien ne permet de se faire aujourd'hui une idée de ces missions colossales qui s'adressaient moins à la population d'une ville qu'à celle de toute une région, qui réunissaient un chiffre invraisemblable d'auditeurs et dans lesquelles le grand apôtre était suivi de cent trente religieux de son ordre et de compagnons destinés à partager les labeurs occasionnés par une telle affluence d'auditeurs : catéchistes pour instruire les plus ignorants; conciliateurs pour mettre fin aux haines et apaiser les différends; notaires pour rendre authentiques les restitutions et prendre acte des réparations. C'était comme un torrent auquel aucun obstacle

1. Avant de paraitre à Autun, saint Vincent Ferrier avait successivement, en 1417, donné des missions à Clermont, à Moulins au commencement du mois de février, à Lyon et à Mâcon. V. Saint Vincent Ferrier à Moulins, in-12 de 69 p. Moulins, 1888.

TOME XXIX.

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ne pouvait résister et qui balayait le limon déposé durant une longue période de licence et d'anarchie. A cette date de 1417, en pleine guerre de Cent Ans, il s'agissait, en effet, de remettre en état les consciences troublées par soixante années de désordre. Quand il parut à Autun, l'illustre missionnaire arrivait de Mâcon où il s'était arrêté du 5 au 13 mai et où ses prédications sur le jugement dernier1 et l'apparition de l'Antechrist avaient produit le plus grand effet et répandu l'épouvante. Sa présence à Mâcon et ses discours à un auditoire de quatre-vingt mille personnes sont ainsi mentionnés dans un manuscrit contemporain de sa prédication :

MCCCCXVII-XVIII maii. Ebdomadaque precedenti frater Vincentius, summus predicator, ordinis fratrum predicatorum, fuerat Matisconi, et ducebat certos discipulos qui se verberabant et alios verberari faciebant, et predicavit octo diebus continuis in prato Regis, et aliquando erant in suis sermonibus xxi mille persone, et dicebat quod Antichristus erat natus et habebat quindecim annos..... 2

Ces prédications, accompagnées de flagellations et de pénitences publiques, avaient lieu en plein air; aucun édifice n'étant assez vaste pour contenir un nombre aussi formidable d'auditeurs. A Mâcon, elles eurent pour théâtre une prairie, dite le Pré du Roi ou le Breuil, située au nord de la ville, sur les rives de la Saône. Le bourgeois de Tournus, Jehan des Prés, au journal duquel nous avons emprunté cette trop courte mention, était sans doute au nombre des quatre-vingt mille auditeurs du grand apôtre, et son témoignage, précieux à recueillir, est complété par le récit suivant, emprunté aux registres municipaux de Mâcon :

1. On a, en effet, Sermo S. Vincentii, ordinis fratrum predicatorum, de Fine mundi. C'est sans doute celui qu'il prêcha dans le cours de ces missions.

2. La suite a été coupée. Bibliothèque nationale, F. latin, n° 18351, fol. xxvIII.

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