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sollicitations du fidèle royaliste qui voulait absolument se retirer de Ja vie publique. M. de Feletz eut une occasion solennelle de manifester les sentiments qui l'animaient, quand il répondit, comme chancelier de l'Académie française, au discours de réception prononcé par M. Cousin, dans la séance du 5 mai 1831. Il ne craignit pas de louer le récipiendaire d'avoir été volontaire royal en 1815, et Fun éloge délicat de Charles X et du duc d'Angoulême couronne trèsbien ce discours.

A la mort de Petit-Radel, administrateur de la Bibliothèque Mazarine, les conservateurs de cet établissement se réunirent et demanas dèrent au ministre que cette place fût donnée à leur confrère, M. de Felelz. M. Pelet de la Lozère s'empressa de déférer à un vœu égalesment honorable pour ceux qui l'exprimaient et pour celui qui en était l'objet.

En 1838, une grave maladie qui lui survint, donna de justes alarmes à ses amis. Son premier soin fut d'appeler le curé de sa paal roisse, homme recommandable par toutes les vertus de son état, et c'est de sa main qu'il reçut les consolations et les secours de la religion. M. de Quelen s'empressa de visiter son confrère à l'Académie; il fut singulièrement touché de la tendre piété et de la douce résiEgnation du malade. « J'ai reconnu en lui, disait-il au retour, le con

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fesseur de la foi sur les pontons de Rochefort. » Cependant la constitution saine et vigoureuse de M. de Feletz triompha de cette longue et cruelle maladie. Pendant douze années encore, ceux qu'il honorait de ses bontés et de son amitié purent jouir du charme de sa conversation. Ils ne cessaient d'admirer les ressources de son esprit qui, loin de vieillir, semblait acquérir avec les années plus de fraîcheur et de grâce. Son instruction profonde et variée lui permettait d'apprécier les littérature ancienne et modernes; ses jugements sur les hommes et sur les livres, étaient d'un goût exquis. Personne ne brillait plus que lui dans une société par des réparties promptes, des trails heureux, des pensées délicates, des aperçus ingénieux et quelquefois profonds. Mme de Staël, si redoutable dans la conversation, s'avisa un jour chez M. de Vitrolles d'attaquer le spirituel critique sur les unités d'Aristote et d'Horace; les doctrines classiques trouvèrent leur habile défenseur qui, sans oublier les égards dus à une femme illustre, mit les rieurs et les juges impartiaux de son côté. Devenu depuis quelques années presque aveugle, il allait peu dans le monde, mais une société choisie se réunissait chez lui; c'est là qu'il était agréable de l'entendre parler de Châteaubriand, de Fontanes, de Delille, de Michaud, de Bonald, avec qui il avait été intimement lié, et de presque tous les hommes célèbres de son époque. Le Cardinal de Beausset lui avait voué une affection particulière; le Cardinal de la Luzerne aimait à s'entretenir avec lui de l'ancien clergé de France et des savantes apologies de la religion qu'il avait composées pendant son exil.

M. Borderies, mort Evêque de Versailles et M. Deshons, Evêque de Troyes, n'oublièrent jamais leur ancien camarade de collége dont il étaient si dignes d'apprécier le rare talent littéraire et la pureté de principes religieux. M. de Quelen, qui savait combien M. de Felet avait souffert pour la religion et avec quel éclat il l'avait défendue lui offrit un canonicat dans sa métropole. Il lui envoya le beau dis cours qu'il avait prononcé pour les orphelins du choléra, en le prian d'en dire un mot dans le Journal des Débats. C'était en 1834: le ré dacteur en chef se douta de la nature des réflexions qui découleraien de la plume de l'ingénieux critique, et il empêcha son article de pa raître en insérant tout entier le discours de M. de Quelen : ce qui étai une malice de bon goût. M. de Feletz avait connu à Périgueux, où habite sa famille, l'illustre Evêque de cette ville que ses vertus et ses talents devaient élever plus tard sur le siége de Reims. Jusqu'à sa mort il conserva les relations les plus intimes avec le savant prélal, et il se plaisait à rendre hommage à ses profondes connaissances théologiques, à la droiture de son cœur et à l'affabilité de ses manieres. Rien n'était plus agréable que de l'entendre causer avec Mg l'Evêque de Montpellier! Quel charme ils mettaient en agitant ensemble des questions morales, religieuses et littéraires! Ainsi, puisqu'il est reconnu, comme a dit un homme d'esprit, que c'est louer quelqu'un que de nommer ses amis, rien ne manque à l'éloge de M. de Feletz.

Ses derniers moments ont été éprouvés par de cruelles souffrances. Ceux qui l'ont vu sur son lit de douleur, calme et résigné, savent quelle intrépidité chrétienne il a opposée aux approches de la mort, et combien sa patience a été inépuisable. Ses rapports ont été plus intimes, plus suivis encore avec M. le curé de Saint-Gervais-desPrés, sa paroisse, qui, depuis longtemps, dirigeait sa conscience. Toujours bon, doux, affectueux, après avoir rempli avec une piété profonde les devoirs sacrés que la religion prescrit, il a voulu remercier une nièce chérie qui mettait depuis plusieurs années tout son bonheur à lui prodiguer les soins les plus tendres et les plus éclairés. Ses amis n'ont pas été oubliés, et leur nom est venu se placer plus d'une fois sur ses lèvres mourantes. Puisse leur douleur recevoir quelque consolation en se rappelant qu'une sainte mort a terminé, le 14 février 1850, une vie honorable et digne d'éloges! L'abbé DASSANCE.

BOURSE DU 19 AVRIL.

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Le 5 p. 100, 89 90 à 89 50. - Le 3 p. 100, 55 90 à 55 70. Actions de la Banque, 2.225 00. — Obligations de la Ville, 1,270 00. Nouvelles Obligations, 1,152 00.5 p. 100 belge, 99 114. Emprunt romain, 78 112.

L'un des Propriétaires-Gérants, CHARLES DE RIANCEY.
Paris, imp. BAILLY, DIVRY et Comp., place Sorbonne, 2.

DIMANCHE 21 AVRIL 1850.

(N° 5024.)

L'AMI DE LA RELIGION.

Seconde lettre de Mgr l'Evêque de Langres

A M. DE MONTALEMBERT,

Sur la part que peuvent prendre les laïques dans les discussions
relatives aux affaires de l'Eglise.

Paris, en la fête de Saint-Léon, Pape et Docteur de l'Eglise, 11 avril 1850
Monsieur et très-digne ami,

Au mois de novembre 1844, pour répondre à la demande que vous aviez bien voulu m'en faire, j'ai eu l'honneur de vous écrire une lettre sur la part que pouvaient prendre les laïques dans les questions relatives à la liberté de l'Eglise. Cette lettre ayant été reproduite sous toutes les formes, on a daigné croire qu'elle avait servi d'encouragement à la presse religieuse. S'il en était ainsi, j'aurais d'abord à m'en réjouir, puisque les services rendus en ces derniers temps à l'Eglise et à la société par les journaux catholiques ont été fort importants; mais alors aussi j'aurais le devoir d'examiner si depuis cette époque cette intervention d'un pouvoir nouveau dans les affaires de l'Eglise s'est toujours arrêtée aux limites que j'avais sommairement indiquées en 1844, et qu'elle ne pourrait franchir sans perturbation et sans péril.

Nous avons souvent conféré ensemble, Monsieur et très-digne ami, sur la puissance du journalisme moderne considéré en général; et je sais mieux que personne avec quelle haute intelligence vous en appréciez les immenses dangers.

Cette puissance sans mission régulière et sans responsabilité personnelle, qui tous les jours s'attaque officiellement aux pouvoirs établis, qui tous les matins va plus ou moins les discréditer dans l'âme de ceux-là mêmes qui doivent les respecter et leur obéir, ressemble à je ne sais quelle machine de guerre placée derrière des redoutes inaccessibles, qui frapperait incessamment une citadelle, sans qu'on pût ni atteindre ni voir la main mystérieuse qui la ferait agir. İl est évident que, dans de telles conditions, cette citadelle devrait tomber en ruines.

Aussi l'expérience a-t-elle prouvé que le journalisme renverse les Etats les plus fortement assis. Les explosions de 1830 et de 1848 étaient devenues inévitables à la première étincelle et c'est par les journaux que la mine avait été chargée.

Ce qui est surtout à remarquer pour l'application que je vais faire de ces considérations générales qui sont devenues parmi nous des vérités vulgaires, c'est que les deux gouvernements qui viennent L'Ami de la Religion. Tome CXLVII.

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successivement de succomber en France n'ont pas été renversés précisément par des feuilles systématiquement hostiles, mais plutôt par les critiques obstinées de journaux prétendus amis.

Le journalisme est donc aujourd'hui parmi nous ne puissance énorme, surtout pour détruire. Or, cette puissance, si redoutable dans les Etats, est entrée dans l'Eglise, où nous avions compris qu'elle ne serait admise que comme simple et docile auxiliaire. Jamais dans nos paroles, même les plus encourageantes (1), nous ne lui avons reconnu d'autres titres; et jamais surtout nous n'avons entendu qu'un journal catholique, fût-il rédigé par des prêtres, discuterait les choses même purement extérieures de l'Eglise, comme d'autres journaux discutent les choses de l'Etat.

Nous ne l'avons jamais compris de la sorte, parce que d'abord, comme je vais l'établir, cette action irrégulière du journalisme dans l'Eglise pourrait y produire des ravages analogues à ceux dont je viens de parler, et aussi parce que, si cette intervention des subordonnés dans les affaires de l'Etat se justifie en quelque sorte par le système qui attribue à la volonté collective des peuples le droit de choisir les dépositaires du pouvoir civil; dans l'Eglise, au contraire, le pouvoir doit, sous peine d'hérésie, être reconnu comme venant immédiatement de Dieu par la hiérarchie des premiers pasteurs (2).

Maintenant je me demande si le journalisme religieux, dont je me plais à reconnaître de nouveau tous les services, n'a pas quelquefois, et notamment au sujet de la dernière loi sur l'enseignement, devancé la parole et inquiété l'action des pasteurs légitimes en ce qui concernait les intérêts et le gouvernement de l'Eglise; car, évidemment, les rapports entre ses premiers pasteurs et les Etats appartiennent à son gouvernement.

Les journaux catholiques, qui se sont alors placés, comme c'était leur droit, dans des opinions diverses, se sont-ils contentés d'examiner les raisons pour ou contre le projet de loi en discussion? Lorsque l'Episcopat commençait à peine à délibérer, n'ont-ils pas pris tout d'abord un parti absolu? Lorsque l'Eglise se taisait, n'ont-ils pas dicté avec empire la conduite à tenir exclusivement? Et plusieurs d'entre eux n'ont-ils pas été jusqu'à charger des plus durs reproches, quelquefois même des condamnations les plus effrayantes, ceux qui paraissaient vouloir suivre une autre voie, ou même ceux qui manifestaient encore de l'indécision? N'ont-ils pas, par exemple, employé à leur égard les mots de trahison, de sacrilége, d'apostasie; et cela, quand Rome, consultée depuis longtemps, gardait le silence (3)?

(1) Voir Cas de conscience. Septième cas, deuxième partie.

(2) Propositio quæ statuit « potestatem a Deo datam Ecclesiæ, ut communicaretur pastoribus, qui sunt ejus ministri pro salute animarum, » sic intellecta ut a communitate fidelium in pastores derivetur ecclesiastici ministerii ac regiminis potestas, (est) hæretica. Bull. Auctorem fidei Pii PP. VI.

(3) Rome, qui procède ordinairement avec une si prudente lenteur, sait bien se bâter

Il y a plus. On a pris à partie l'Episcopat lui-même. On y a fait des catégories, ou plutôt, sans s'occuper du scandale qu'on pouvait produire parmi les peuples, on a partagé les Evèques en plusieurs camps; on les a fait parler, même quand ils ne le voulaient pas, les uns contre les autres; et, probablement sans s'en rendre bien comple, on a exploité les noms, les paroles, les écrits des Evêques au profit d'opinions personnelles dont cependant on ne pouvait pas être sûr, puisqu'il s'agissait d'une certaine conduite à tenir et que l'Eglise ne se laisse imposer sa conduite par qui que ce soit. On ne peut pas le méconnaître, voilà ce qui s'est passé parmi nous.

Or, n'est-ce pas là une initiative prise et une action exercée dans l'Eglise, sur l'Eglise, sur les fidèles et même sur les premiers pasteurs de l'Eglise? Et, maintenant, je me demande ce que c'est que cette action considérée avec les yeux du chrétien; je me demande si cette initiative, quand même elle ne serait pas si impérieuse, est bien dans l'ordre dès lors qu'elle devance l'action de ceux qui ont seuls la charge du gouvernement de l'Eglise (1); enfin je me demande si le journalisme, qui pourrait continuer à rendre de si précieux services en combattant les ennemis de la religion sur les innombrables points de dogme, de morale et de discipline déjà définis, ne deviendrait pas au contraire un véritable danger par son intromission anticipée, précipitée, passionnée dans cette partie du gouvernement de l'Eglise qui touche à ses rapports avec les pouvoirs publics, et pour lesquels, surtout dans nos jours d'ébranlement général, elle a tant besoin de décider dans le calme et d'agir dans sa pleine liberté.

En effet, que résulte-t-il dans les affaires de l'Etat, de l'action si puissante du journalisme? Que les gouvernements ne sont pas libres; qu'ils sont dominés dans leurs actes par des appréciations, par des décisions, presque par des injonctions qui leur forcent la main : en sorte que souvent, tout en ayant leurs convictions bien arrêtées, ils se voient contraints, pour éviter un plus grand mal, de renoncer à

quand l'Eglise est vraiment menacée dans quelques-uns de ses droits ou de ses principes. J'en ai personnellement reçu des preuves irrécusables. Je n'en citerai qu'une que je n'avais pas cru devoir encore faire connaître, et qui me paraît bien frappante. On se rappelle que le 26 mai 1848, le ministre de la justice vint à la tribune nationale présenter un projet de loi pour le rétablissement légal du divorce. Eh bien! le 10 juin suivant, trois lettres assez longues, signées par Pie IX lui-même, partaient de Rome pour les trois Evêques membres de l'Assemblée constituante, pour l'Evêque de Quimper, pour celui d'Orléans et pour moi, et venaient nous exhorter, dans les termes les plus énergiques, à combattre cette proposition. Or, nous n'avions ni écrit ni fait rien écrire à Rome. Maintenant peut-on croire que si les qualités bonnes ou mauvaises de la los sur l'enseignement avaient été aussi absolues qu'on l'a dit, le Saint-Siége consulté dans tous les sens, ne se fût pas hâté de répondre? A-t-il donc gardé le silence dans les récentes affaires de Turin? ne s'est-il pas hâté, au contraire, de manifester aux yeux du monde catholique sa suprême improbation?

(1) Sicut mente corpus regitur, ita et per Episcopos Ecclesia regitur. (Conc. Atrebat. 1025.) Saint Cyprien avait déjà dit: Episcopum (esse) judicem a Deo datum et Ecclesiæ gubernatorem. (Ep. 69.)

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