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siècles, convenoit assez bien au culte de l'Etre éternel, incompréhensible, immuable. Et puisque le sentiment de nos maux nous force d'élever vers le Roi des Rois une voix suppliante, n'est-il pas naturel qu'on lui parle dans le plus bel idiome de la terre, et dans celui-là même dont se servoient les nations prosternées pour adresser leurs prières aux Césars?

De plus, et c'est une chose remarquable, les oraisons en langue latine semblent redoubler le sentiment religieux de la foule. Ne seroit-ce point un effet naturel de notre penchant au secret? Dans le tumulte de ses pensées et des misères qui assiégent sa vie, l'homme, en prononçant des mots peu familiers ou même inconnus, croit demander les choses qui lui manquent, et qu'il ignore; de sa prière en fait le charme, et son âme inquiète, qui sait peu ce qu'elle désire, aime à former des voeux aussi mystérieux que ses besoins.

le

vague

Il reste donc à examiner ce qu'on appelle la barbarie des cantiques saints.

On convient assez généralement que, dans le genre lyrique, les Hébreux sont supérieurs aux autres peuples de l'antiquité :

ainsi l'Eglise qui chante tous les jours les psaumes et les leçons des prophètes, a donc premièrement un très-beau fond de cantiques. On ne devine pas trop, par exemple, ce que ceux-ci peuvent avoir de ridicule ou de barbare.

« N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde, etc. (1)» Qu'aux accens de ma voix la terre se réveille,

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etc. »

L'Eglise trouve une autre source de chants dans les évangiles et dans les épîtres des apôtres. Racine, en imitant ces proses (3), a pensé, comme Malherbe et Rousseau, qu'elles étoient dignes de sa Muse. Saint Chrysostome, saint Grégoire, saint Ambroise, saint Thomas d'Aquin, Coffin, Santeuil, ont réveillé la lyre grecque et latine dans les tombeaux d'Alcée et d'Horace. Vigilante à louer le Seigneur, la religion mêle au matin ses concerts à ceux de l'aurore.

Splendor paternæ gloriæ, etc.

Source ineffable de lumière,

Verbe, en qui l'Eternel contemple sa beauté,
Astre, dont le soleil n'est que l'ombre grossière,

(1) Malh. Livre I, ode 3o.

(2) Rouss. Livre I, odes 3e et 10o.

(3) Voyez le cantique tiré de saint Paul.

Sacré jour, dont le jour emprunte sa clarté,
Lève-toi, soleil adorable, etc.

Avec le soleil couchant l'Eglise chante

encore (*) :

Cali Deus sanctissime.

Grand Dieu, qui fais briller sur la voûte étoilée
Ton trône glorieux,

Et d'une blancheur vive à la pourpre mêlée,
Peins le cintre des cieux.

Cette musique d'Israël, sur la lyre de Racine, ne laisse pas d'avoir quelque charme : on croit moins entendre un son réel, que cette voix intérieure et mélodieuse, qui, selon Platon, réveille au matin les hommes épris de la vertu, en chantant de toute sa force dans leurs cœurs.

Mais, sans avoir recours à ces hymnes, les prières les plus communes de l'Eglise sont admirables; il n'y a que l'habitude de les répéter dès notre enfance, qui nous puisse empêcher d'en sentir la beauté. Tout retentiroit d'acclamations, si l'on trouvoit dans Platon ou dans Sénèque, une profession de foi aussi simple, aussi pure, aussi claire que celle-ci :

« Je crois en un seul Dieu, père tout

(*) Voyez la note A à la fin du volume.

puissant, créateur du ciel et de la terre, et de toutes les choses visibles et invisibles. »

L'oraison dominicale est l'ouvrage d'un Dieu qui connoissoit tous nos besoins : qu'on en pèse bien les paroles.

<< Notre Père qui es aux cieux; Reconnoissance d'un Dieu unique.

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>>

Culte qu'on doit à la divinité; vanité des choses du monde; Dieu seul mérite d'être sanctifié.

Que ton règne nous arrive; »

Immortalité de l'âme,

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Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel; »

Mot sublime, qui comprend les attributs de
la divinité; sainte résignation qui embrasse
l'ordre physique et moral de l'univers.
« Donne-nous aujourd'hui notre pain
quotidien;

>>

Comme cela est touchant et philosophique! Quel est le seul besoin réel de l'homme? Un peu de pain; encore il ne lui faut qu'aujourd'hui ( hodiè ); car demain existera-t-il?

«

Et pardonne-nous nos offenses, comme

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nous les pardonnons à ceux qui nous ont
offensés; »

C'est la morale et la charité en deux mots.

«Ne nous laisse point succomber à la tentation; mais délivre-nous du mal; » Voilà le cœur humain tout entier; voilà l'homme et sa foiblesse! Qu'il ne demande point des forces pour vaincre; qu'il ne prie que pour n'être point attaqué, que pour ne point souffrir. Celui qui a créé l'homme, pouvoit seul le connoître aussi bien.

Nous ne parlerons point de la salutation angélique, véritablement pleine de grâce, ni de cette confession que le chrétien fait chaque jour aux pieds de l'Eternel. Jamais les lois ne remplaceront la moralité d'une telle coutume. Songe-t-on quel frein c'est pour l'homme que cet aveu pénible, qu'il renouvelle matin et soir : J'ai péché par mes pensées, par mes paroles, par mes œuvres? Pythagore avoit recommandé une pareille confession à ses disciples: il étoit réservé au christianisme de réaliser ces songes de rertu, que rêvoient les sages de Rome et

d'Athènes.

En effet, le christianisme est à la fois une sorte de secte philosophique, et une antique

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