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dans les bois. Les Sauvages s'approchoient peu à peu pour examiner l'étendard de paix, élevé dans la solitude; un aimant secret sembloit les attirer à ce signe de leur salut. Alors le missionnaire sortant tout à coup de son embuscade, et profitant de la surprise des Barbares, les invitoit à quitter une vie misérable, pour jouir des douceurs de la société.

Quand les Jésuites se furent attaché quelques Indiens, ils eurent recours à un autre moyen pour gagner des âmes. Ils avoient remarqué que les Sauvages de ces bords étoient fort sensibles à la musique; on dit même que les eaux du Paraguay rendent la voix plus belle. Les missionnaires s'embarquèrent donc sur des pirogues avec les nouveaux catéchumènes ; ils remontèrent les fleuves, en chantant des cantiquès. Les néophytes répétoient les airs, comme des oiseaux privés chantent pour attirer dans les rets de l'oiseleur les oiseaux sauvages. Les Indiens ne manquèrent point de se venir prendre au doux piége. Ils descendoient de leurs montagnes, et accouroient au bord des fleuves pour mieux écouter ces accens : plusieurs d'entr'eux se jetoient dans les

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ondes, et suivoient à la nage la nacelle enchantée. L'arc et la flèche échappoient à la main du Sauvage : l'avant-goût des vertus sociales, et les premières douceurs de l'humanité, entroient dans son âme confuse; il voyoit sa femme et son enfant pleurer d'une joie inconnue; bientôt, subjugué par un attrait irrésistible, il tomboit au pied de la croix, et mêloit des torrens de larmes aux eaux régénératrices qui couloient sur sa tête.

Ainsi la religion chrétienne réalisoit dans les forêts de l'Amérique ce que la fable raconte des Amphion et des Orphée : réflexion si naturelle, qu'elle s'est présentée même aux missionnaires (1); tant il est certain qu'on ne dit ici que la vérité, en ayant l'air de raconter une fiction.

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République chrétienne. Bonheur des Indiens.

Les premiers Sauvages qui se rassemblèrent

à la voix des Jésuites furent les Guaranis,

(1) Charlevoix.

peuples répandus sur les bords du Paranapané, du Pirapé et de l'Uraguay. Ils composèrent une bourgade, sous la direction des pères Maceta et Cataldino, dont il est juste de conserver les noms parmi ceux des bienfaiteurs des hommes. Cette bourgade fut appelée Lorette; et dans la suite, à mesure que les églises indiennes s'élevèrent, elles furent comprises sous le nom général de Réductions. On en compta jusqu'à trente en peu d'années, et elles formèrent entre elles cette république chrétienne, qui sembloit un reste de l'antiquité, découvert au Nouveau-Monde. Elles ont confirmé sous nos yeux cette vérité connue de Rome et de la Grèce que c'est avec la religion, et non avec des principes abstraits de philosophie, qu'on civilise les hommes, et qu'on fonde les empires.

Chaque bourgade étoit gouvernée par deux missionnaires, qui dirigeoient les affaires spirituelles et temporelles des petites républiques. Aucun étranger ne pouvoit y demeurer plus de troisj ours; et, pouréviter toute intimité qui eût pu corrompre les mœurs des nouveaux chrétiens, il étoit défendu d'apprendre à parler la langue espa

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