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comble, dans un état plus déplorable par rapport

» aux mœurs que par rapport aux biens de la vie? Car il leur restoit encore quelque chose des débris » de leur fortune, au lieu qu'il ne leur restoit plus >> rien des mœurs chrétiennes (1).

.. N'est-ce pas la destinée des peuples » soumis à l'empire romain, de périr plutôt que de » se corriger? Il faut qu'ils cessent d'être pour cesser » d'être vicieux. En faut-il d'autres preuves que » l'exemple de la capitale des Gaules (2)? ruinée » jusqu'à trois fois de fond en comble, n'est-elle pas plus débordée que jamais? J'ai vu moi-même,

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pénétré d'horreur, la terre jonchée de corps morts. » J'ai vu les cadavres nus, déchirés, exposés aux » oiseaux et aux chiens : l'air en étoit infecté, et la » mort s'exhaloit pour ainsi dire de la mort même. » Qu'arriva-t-il pourtant? ô prodige de folie, et qui » pourroit se l'imaginer! une partie de la noblesse, » sauvée des ruines de Trèves, pour remédier au

(1) Sed quid ego loquor de longè positis et quasi in alio orbe submotis, cùm sciam etiam in solo patrio atque in civitatibus Gallicanis omnes ferè præcelsiores viros calamitatibus suis factos fuisse pejores? Vidi siquidem ego ipse Treveros domi mobiles, dignitate sublimes, licet jam spoliatos atque vastatos, minùs tamen eversos rebus fuisse quàm moribus. Quamvis etiam depopulatis jam atque nudatis aliquid supererat de substantié, nihil tamen de discipliná. ( De Gub. Dei, lib. VI, in-8°. ed. tert. cum notis Baluz. p. 139. )

(2) Trèves. Cette ville étoit alors la résidence du préfet des Gaules, et les empereurs y faisoient leur séjour ordinaire quand ils s'arrêtoient dans les provinces en-deçà du Rhin et des Alpes.

» mal, demanda aux empereurs d'y rétablir les jeux

>> du Cirque.

» ....

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... Pense-t-on au Cirque, quand on est menacé » de la servitude? ne songe-t-on qu'à rire, quand on de la mort?.....

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le

que coup

n'attend » Ne diroit-on pas que tous les sujets de l'empire >> ont mangé de cette espèce de poison qui fait rire

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et qui tue? Ils vont rendre l'âme, et ils rient! » Aussi nos ris sont-ils partout suivis de larmes,

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et nous sentons dès à présent la vérité de ces paroles » du Sauveur : Malheur à vous qui riez, car vous pleu» rerez! » (Luc, 6, 25. )

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(De la Providence, liv. 5, 6 et 7.)

Le cardinal Bellarmin fait remarquer que le zèle de Salvien pour la réformation des mœurs lui avoit fait trop généraliser la peinture qu'il fait des vices de son siècle. Tillemont fait une observation semblable: il dit que la corruption ne pouvoit pas être si universelle dans un temps où il y avoit encore tant de saints évêques. Le livre de Salvien parut en 439. Douze ans auparavant, Saint-Augustin avoit publié, sur le même sujet, son grand ouvrage de la Cité de Dieu, qu'il avoit commencé en 413, après la prise de Rome par Alaric. A la profondeur des pensées, à la parfaite justesse des vues, on reconnoît dans ce livre le plus beau génie de l'antiquité chrétienne.

Les païens attribuoient les malheurs de l'empire à l'abandon du culte des dieux, et les chrétiens foibles ou corrompus en prenoient occasion d'accuser la Providence. Saint Augustin remplit le double objet

de répondre aux reproches des uns, d'éclairer et de consoler les autres. Il montre aux païens, en parcourant l'histoire depuis la ruine de Troie, que les anciens empires, comme ceux des Assyriens et des Egyptiens, avoient péri, quoiqu'ils n'eussent pas cessé d'être fidèles au culte des dieux; il rappelle particulièrement aux Romains ce que leurs pères avoient souffert lors de l'incendie de Rome par les Gaulois, pendant la seconde guerre Punique, et surtout du temps des proscriptions de Marius et de Sylla. Il fait voir que ce dernier avoit été bien plus cruel que les Goths; que ceux-ci avoient du moins épargné tous ceux qui s'étoient réfugiés dans les basiliques des apôtres et les tombeaux des martyrs, protection qu'on n'avoit jamais vue, dans toute l'antiquité, procurée par les temples des dieux; et qu'ainsi, en accusant la religion chrétienne, ils se rendoient encore coupables d'ingratitude. Il leur dit ensuite que leur perte avoit pour principe la corruption de leurs mœurs, dont il fait remonter l'époque à la construction du premier amphithéâtre, que Scipion Nasica voulut en vain empêcher; corruption que Salluste a peinte avec tant de force, et qui faisoit dire à Cicéron, dans son traité de la République (1), écrit soixante ans avant J. C., qu'il comptoit l'état de Rome pour déjà ruiné, par la chute des anciennes

mœurs.

Saint Augustin dit aux chrétiens que les gens de bien commettent toujours beaucoup de fautes ici-bas

(1) Fragment conservé dans la Cité de Dieu, liv. II, ch. 21.

qui méritent des punitions temporelles ; mais que les vrais disciples de Jésus-Christ ne regardoient pas comme des maux la perte des biens, l'exil, la captivité, ni la mort même, et qu'ils n'espéroient le bonheur que dans la cité du ciel, qui est leur véritable patrie.

Cet ouvrage n'est que le développement de la fameuse lettre que le saint docteur avoit écrite, lors de la prise de Rome, au tribun Marcellin, secrétaire impérial en Afrique. Peu de temps après, ce même Marcellin fut calomnieusement accusé d'être entré dans une conspiration contre l'empereur, et il fut condamné à perdre la tête, ainsi que son frère Appringius. Comme ils étoient ensemble en prison, Appringius dit un jour à Marcellin : « Si je souffre >> ceci pour mes péchés, vous dont je connois la vie » si chrétienne, comment l'avez-vous mérité?

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Quand ma vie, dit Marcellin, seroit telle que vous » le dites, croyez-vous que Dieu me fasse une petite »gráce, de punir ici mes péchés, et de ne les pas » réserver au jugement futur (1)? »

(Note de l'éditeur.)

(1) Parvumne, inquit, mihi existimas conferri divinitùs beneficium (si tamen hoc testimonium tuum de vitá meá verum est) ut quod patior, etiamsi usque ad effusionem sanguinis paliar, ibi peccata mea puniantur, nec mihi ad futurum judicium reserventur.

(S. Aug. ad Cæcilianum, ep. 151. )

FIN DES NOTES DU QUATRIÈME VOLUME.

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