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lance et d'inspection spéciales pour les écoles de jeunes filles établies sous la protection de ces règles inviolables. En rendant ce décret, le gouvernement en a senti la haute gravité; il a compris qu'il ne pouvait rien entreprendre, à cet égard, sans l'autorité épiscopale, et il s'est adressé d'abord à ceux de NN. SS. les Evêques qui siégent dans le conseil supérieur de l'instruction publique. Le Rapport officiel, publié par le Moniteur, déclare que les mesures prises par le décret ont obtenu l'assentiment de ces vénérables Prélats.

De plus, M. Fortoul, sous la date du 26 janvier, a crú devoir écrire à tous les membres de l'Episcopat une lettre circulaire destinée à mettre en relief la pensée de l'administration et la portée des actes qu'elle se propose d'accomplir.

Dans cette circulaire, comme dans le Rapport, M. le ministre ne dissimule pas combien l'inspection des écoles cloitrées est un fait nouveau et sans précédents, et combien les tentatives qui avaient été essayées pour l'établir, après avoir suscité des difficultés inextricables, avaient toujours fini par échouer jusqu'ici. « L'inspection des écoles tenues par des communautés religieuses, dit M. Fortoul, a donné lieu, sur quelques points du territoire, à des difficultés dont la solution ne pouvait être ajournée plus longtemps. » Beaucoup plus explicite dans le Rapport, le ministre avait déjà très-nettement reconnu que les maisons religieuses n'ont jamais été soumises à aucune inspection. Il est, en effet, sans exemple, à ce que nous croyons, que les pensionnats de jeunes filles, tenus par des religieuses cloitrées, aient été visités par des agents quelconques de l'Etat, à quelque titre et à quelque époque que ce soit.

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Dorénavant, aux termes du décret du 31 décembre, celte inspection doit avoir lieu. La circulaire aux Evêques en expose le mode: elle sera faite par des ecclésiastiques nommés par le ministre de l'instruction publique sur la présentation de l'Evêque diocésain. Cette disposition a été, dit la circulaire aux Evêques, « mûrement délibérée par le conseil impérial de l'instraction publique et par le conseil d'Etat. On a remarqué qu'ici M. Fortoul ne répète pas, ainsi qu'il l'avait dit dans le rapport, que cette disposition a « obtenu l'assentiment » des membres de l'Episcopat siégeant au conseil supérieur. Une telle indication eût cependant paru naturelle et elle semblait d'autant plus utile que, si les prélats qui prennent place au conseil ne sont plus élus et investis à ce titre d'un mandat direct, toutefois ils sont toujours considérés par l'opinion comme les représentants de leurs vénérables collègues.

M. le ministre explique ensuite la nature et l'étendue de la surveillance qui devra être exercée. Et c'est ici que prennent

naissance des doutes dont on ne peut s'empêcher de reconnaître T'importance.

Ainsi, en premier lieu, au nom de quelle autorité l'inspection sera-t-elle faite?

La circulaire aux Evêques semblerait déclarer que ce sera an nom de l'autorité ecclésiastique et par délégation de la juridiction spirituelle qui appartient à l'Evêque : « Votre Grandeur, 'dit cette circulaire, a sur tous les établissements ecclésiastiques de son diocèse un DROTT de juridiction spirituelle, qui ne peut être pour Ta puissance civile qu'un sujet de sécurité. Le décret du 31 décembre dernier en a appliqué le PRINCIPE en vous attribuant la présentation des ecclésiastiques qui seront chargés d'inspecter les pensionnats dirigés par des Religieuses. »

Assurément ces paroles sont inspirées par un sentiment de respect et de convenances qui est digne d'éloges. Rien de plus juste que de reconnaître le droit de juridiction spirituelle des Evêques, et rien de plus vrai que de considérer ce droit comme un sujet de sécurité pour la puissance civile.

Mais comment le décret du 31 décembre aura-t-il, selon ses propres expressions, a appliqué ce principe » de la juridiction spirituelle? Les inspecteurs, présentés par l'Evêque, seront-ils des délégués de son autorité? On le devrait croire d'après les termes que nous venons de rapporter.

Ces termes, cependant, sont inconciliables et avec l'exposé des motifs du décret et avec une autre circulaire adressée aux recteurs d'académie sur le même objet. Ainsi cette seconde circulaire dit formellement: « Quant à la surveillance que L'ETAT DOIT EXERCER sur l'éducation donnée à l'intérieur de la ligne de clôture des établissements religieux, » elle est attribuée « aux délégués ecclésiastiques que je nommerai, sur la proposition de Mgr l'Evêque du diocèse. »

Ainsi il s'agirait d'une inspection au nom de l'Etat, et d'inspecteurs présentés, il est vrai, par l'autorité diocésaine, mais nommés et institués par le ministre, et agissant sous la dépendante de l'administration civile.

Est-ce là le vrai sens de la création nouvelle"?

Maintenant, et en second lieu, s'agit-il non pas seulement d'une visite occasionnelle, d'une délégation spéciale et pour une circonstance rare et déterminée? On pourrait te conclure de ce passage de la lettre aux Evêques : « L'inspection sera faite, S'IL A LIEU. » Et même de celui-ci : « Il ne s'agit pas, sans Route, d'une MISSION administrative et salariée, qui exclut par la multiplicité des travaux qui s'y rapportent l'exercice de toute autre fonction. »

Mais, d'un autre côté, la même circulaire ajoute formelle

ment : « CEPENDANT, et les termes du décret le disent assez, les personnes que Vous aurez présentées recevront un TITRE DURABLE auquel seront attachés pour elles des droits et des devoirs PERMANENTS, et qui devra leur inspirer, avec la pensée d'un bien réel à accomplir, le sentiment d'une VÉRITABLE RESPONSABILITÉ. » Ces déclarations appellent une méditation sérieuse. Doit-on y voir, sans en forcer le sens, la création de fonctionnaires, ecclésiastiques il est vrai et présentés par l'Ordinaire, mais tenant du Pouvoir civil un titre durable, des devoirs permanents et des droits qui leur imposent une responsabilité véritable. Que sera notamment ce titre durable? Evidemment il ne sera pas conféré pour une circonstance spéciale: le sera-t-il pour un temps déterminé, pour une année ou pour plusieurs, pour la vie même du titulaire? Que seront les devoirs et les droits PERMANENTS dont parle le ministre, et à l'égard de qui ces droits et ces devoirs imposeront-ils à l'inspecteur ecclésiastique une responsabilité positive et définie? Manifestement il est à croire que ce sera vis-à-vis du gouvernement. Mais alors quelle en sera l'étendue ? Jusqu'à quel point` cette responsabilité se conciliera-t-elle avec la responsabilité et avec les devoirs prédominants que tout ecclésiastique conserve toujours envers son supérieur spirituel?

Quelle sera la sanction des fonctions confiées au titulaire, ainsi que de l'intervention attribuée à l'autorité épiscopale dans sa présentation? Quel sera le mode de révocation? L'agrément de l'Evêque étant nécessaire pour la nomination, la destitution suivrait-elle nécessairement le retrait de cet agrément? Pourrait-on être exposé à voir un ecclésiastique maintenu dans son titre par l'autorité administrative, lorsque l'autorité religieuse ne lui continuerait pas sa confiance, ou même lui retirerait ses pouvoirs? Car, il ne faut pas l'oublier, nul ecclésiastique ne peut entrer dans une clôture sans la permission formelle de l'Ordinaire.

La circulaire fait naître ces questions. Elle ne semble pas les résoudre suffisamment, ou bien, si elle les tranche, demeuret-elle à la fois et dans les limites du pouvoir ministériel et dans celles qu'a dû lui tracer «l'assentiment des prélats, membres du conseil supérieur ?

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Troisièmement, et ce doute n'est pas le moins digne d'être pris en considération, quelle sera la nature et l'étendue de l'inspection, telle que M. le Ministre la comprend?

Le nombre des inspecteurs est laissé au choix de l'Evêque : seulement, il doit être «en proportion des pensionnats dirigés par des associations religieuses du diocèse.» Ce nombre ne devra-t-il pas aussi, et principalement, dépendre du caractère et de la fréquence des visites qu'attend l'administration? Or, qui

fixera ce point si important? Sera-ce l'Evêque? On devrait le supposer, puisque l'autorisation de visiter un monastère ne saurait émaner que de lui; mais si l'inspecteur dépend du ministre, ne sera-ce pas, au contraire, le ministre qui indiquera à ses agents le temps et le nombre des inspections?

D'autant plus que, d'après le décret, des « rapports» devront être rédigés et directement envoyés » à ce même ministre. Ne demandons pas ici si ces rapports devront être communiqués préalablement aux Evêques. Si un doute pouvait s'élever à cet égard, la négative atteindrait profondément la soumission hiérarchique dans l'Eglise. Il n'y a pas un prêtre digne de ce nom qui, recevant de son Evêque l'autorisation exceptionnelle d'entrer dans un monastère cloîtré, ne se croie tenu en conscience de lui soumettre avant tout le résultat de ses observations. Toutefois, il nous eût semblé convenable qu'il fut fait allusion à ce devoir dans la circulaire. Assurément, lorsque le gouvernement a demandé que les rapports ne fussent pas astreints à passer sous les yeux des fonctionnaires ordinaires de l'administration, il a été inspiré par un sentiment de ménagements et d'égards; ce sentiment eût été plus complétement exprimé, et on eût mieux saisi la signification de ces paroles: « Cette disposition (l'envoi direct au ministre) est, pour les délégués ecclésiastiques, une garantie précieuse qui relève leur autorité et doit encourager leur zèle. »

Quant aux objets mêmes de l'inspection, quels seront-ils?

Cette inspection a un caractère tellement exceptionnel qu'elle devrait sans doute être plus pleine de réserve qu'aucune autre. Il s'agit de pensionnats de jeunes filles; il s'agit d'institutions tenues par des religieuses, c'est-à-dire par la piété et par la vertu mêmes; il s'agit de monastères cloîtrés, placés sous l'égide de la religion, sous la protection vigilante de cette juridiction épiscopale, où le gouvernement et l'Etat se plaisent, par l'organe du ministre, à reconnaître une si entière, une si complète sécurité. La liberté religieuse, la pudeur publique, la reconnaissance des siècles, la nature des choses, s'accordent à multiplier les garanties et à commander le respect. Tellement que nos pères et nos contemporains eux-mêmes, les hommes d'Etat du temps ancien et les bureaucrates du temps nouveau, malgré de si étranges et de si injustes préventions, avaient cru pouvoir renoncer à toute surveillance autre que celle qui, dans une société policée, veille sur la paix publique ; et ils avaient laissé, dans leurs humbles et saintes retraites, les vierges consacrées à Dieu accomplir, sous la houlette pastorale, les merveilles de cette éducation forte et chrétienne à laquelle

nous devons la foi courageuse de nos mères, la fidélité dévouée de nos femmes et la pureté angélique de nos filles !

Si ces exemples ne peuvent plus être suivis ; si lorsqu'il ne reste plus trace dans la Constitution nouvelle de cette prescription défiante et étroite, votée en 1848 malgré les efforts des Catholiques et contre eux, et qui étendait sans distinction l'inspection de l'Etat sur toutes les écoles; si, appliquée aux écoles de filles et aux pensionnats placés dans des monastères cloîtrés, cette inspection doit être exercée, non pas seulement par les évêques diocésains, mais par des délégués spéciaux, au moins une telle mission doit, ce semble, être restreinte dans les bornes les plus étroites.

A peine si l'on veut chercher des analogies, tout éloignées qu'elles soient; à peine devra-t-elle ressembler à celle qui est imposée aux institutions libres de jeunes gens; à peine devra-telle porter sur l'hygiène, sur les mœurs, sur le respect des lois; et encore rien qu'à énumérer ces points, ne sent-on pas combien leur constatation est pour ainsi dire inutile.

Sans doute, ce doit être là ce qu'a voulu le décret; sans doute, c'est là ce qu'ont entendu les vénérables prélats qui siẻgent au conseil supérieur.

Mais cependant l'exposé des motifs ne va-t-il pas beaucoup plus loin? Qu'entend-il par cette phrase: « Désormais le gouvernement recevra sur les maisons religieuses qui n'ont jamais été soumises à aucune inspection, des rapports qui lui feront connaître l'esprit et la direction de l'enseignement. »

La loi de 1850 ne donne pas une telle latitude à l'inspection des écoles de garçons. Sous les mots d'esprit et de direction de l'enseignement, ne peut-on pas tout renfermer, même l'examen des méthodes et des procédés d'instruction? Est-ce ainsi que le décret devra être interprété? Les circulaires ne l'indiquent pas; et d'ailleurs, n'est-ce pas une matière d'une assez grave conséquence pour être décidée autrement que par une instruction administrative?

Ainsi, et en résumé :

La source même d'où doit émaner le pouvoir d'inspection dans les écoles cloîtrées; la nature de la mission à confier aux ecclésiastiques chargés de cette inspection; sa durée, ses devoirs et ses droits; et enfin son étendue, son objet et ses limites; telles sont les diverses questions qui se présentent dans l'application du décret du 31 décembre 1853, telles que l'exposent les circulaires du 26 janvier 1854.

Nous savons que ces questions préoccupent vivement les familles catholiques, les communautés religieuses et les véné

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