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la nature à Dieu, sortir de soi pour entrer dans l'infini de Dieu, monter au ciel en un mot, comme Elie dans le char de feu (1).

L'homme ne peut atteindre seul à cette perfection: il en est de sa faiblesse comme de ces séries convergentes qu'on voit grandir sans cesse et ne recevoir leur entier développement que si, par hypothèse, on y introduit l'Infini. Lui aussi, il ne saurait réaliser par ses propres forces cette infinité à laquelle il aspire Etre fini, comment deviendrait-il par lui-même infini? Il faut que Dieu comble l'abîme et l'élève en quelque sorte jusqu'à lui: «Quand je serai en croix, dit Notre-Seigneur, j'attirerai toutes choses à moi. » Que l'homme réponde à cet attrait; qu'il brise, par la vertu, l'obstacle à la venue du Sauveur, et l'œuvre de Dieu s'accomplira. « Greffée de l'esprit de Dieu, la raison porte alors des fruits qu'elle ne pouvait porter, et comme le dit la poésie, répétant ce que dit la nature :

Elle admire ces fruits qui ne sont pas les siens.

Miratur que novas frondes et non sua poma (2). »

Ce n'est pas sans émotion qu'on entre avec le P. Gratry dans ces mystères. Dieu se tenant au cœur de sa créature, proportionnant les secours à sa faiblesse, cherchant, par le bienfait de la lumière naturelle, à lui en faire désirer une autre, et, sans entraver sa liberté, offrant à ses incertitudes l'attrait toujours vivant de la grâce, c'est là un de ces ineffables poëmes qui chaque jour se réalisent en nous, et devant lesquels la parole expire dans l'adoration. Le style du P. Gratry se prête merveilleusement à cette peinture de la vie intérieure des âmes. Le goût intime qui pénètre sa pensée se communique au lecteur : il semble que sur ces pages, où la candeur de l'Imita tion se mêle à la tendresse de Malebranche et à l'énergie de Pascal, on entrevoie comme une trace de la divine présence, et on comprend cette connaissance dont parle Bossuet, qui ne demeure pas en elle-même et se tourne à aimer.

Que dire après cette imparfaite esquisse? Cet ouvrage est un événement dans l'histoire de la philosophie. En montrant aux mathématiques qu'elles ne peuvent s'élever à leur terme sans rencontrer Dieu, il soumet à la vérité catholique cette science que l'incrédulité relégua trop longtemps en elle-même et rendit stérile dans les hautes sphères du monde intellectuel. Il recueille en un centre commun tous les ordres de connaissances, et prépare cette unité que saint Augustin appelait la forme suprême du beau. Ajoutons encore que ce livre semble destiné à terminer les luttes de la raison et de la foi, et à ramener la paix dans les âmes. Nul n'élève plus haut les philosophes de l'anti

(1) Tome II, page 287-288.

(2) Tome I, page 45.

quité; nul ne fait mieux sentir que leur supériorité consiste à avoir entrevu le christianisme; nul n'expose en traits plus éclatants les splendeurs de la philosophie chrétienne et n'apprend mieux à révérer ces illustres docteurs dont le génie égalait la sainteté. Ces exemples et ces enseignements prouvent assez que la sagesse n'est pas une vaine recherche de l'esprit, mais bien l'œuvre de la volonté et de l'intelligence, s'unissant pour marcher à Dieu. On arrive ainsi préparé à ces formules de la foi, que le P. Gratry a réunies à la fin de son livre; et, en rapportant ce chef-d'œuvre à ces sources divines, on retire de l'admiration même que l'écrivain inspire une croyance plus ferme dans la religion de l'Evangile.

Charles MERcier de Lacombe.

LE CONFLIT DANS LE GRAND-DUCHÉ DE BADE

Mgr l'Evêque de Digne et Mgr l'Evêque de Cahors ont adressé des lettres de félicitations à Mgr l'Archevêque de Fribourg.

Nous avons dit que Mgr l'Evêque de Luçon a, l'un des premiers, écrit dans le même sens à l'illustre Confesseur de la Foi. Jaloux, comme toujours, de s'associer aux sentiments de son pieux et zélé pasteur, le clergé de la ville et du diocèse réunit des offrandes pour les envoyer, avec ses hommages, à Mgr de Vicari. Lorsque la souscription sera close, nous en ferons connaître le chiffre.

La Volkshalle de Cologne publie la lettre suivante que lui adresse un des hommes les plus éminents du grand-duché de Bade:

Monsieur le Rédacteur,

J'apprends à l'instant même qu'il a paru dans votre estimable journal un article qui me désigne comme l'auteur d'une petite brochure publiée à Bade sous le titre de : Missive à monsieur Burger, directeur de la ville de Fribourg.

Si je suis mal informé, pardonnez-moi l'erreur où je puis me trouver à cause de l'espèce d'état de siége où nous, catholiques, nous sommes depuis plusieurs semaines.

Je ne connais ni M. Burger ni le contenu de l'écrit en question. J'apprends cependant que cette brochure est dirigée contre mon très-vénéré Archevêque.

Comme le très-respectable Archevêque de Fribourg, dans la haute position qu'il occupes ne réclame rien que ce que moi-même, dans la sphère restreinte de ma vie politique, j'ai défendu depuis vingt ans comme le droit et la liberté naturelle de l'Eglise catholique, je donnerais un démenti à tous les actes de ma vie si je pouvais me résoudre à jeter dans le plateau opposé

de la balance le poids de mon nom, si léger qu'il puisse être. Je n'ai pas l'habitude d'agir ainsi.

Cette circonstance prouve de nouveau à quels moyens on a recours pour tromper l'opinion publique sur une question de principe historique dont la grandeur s'accommode mal avec la taille du grand-duché de Bade, et pour faire croire à une scission entre les hommes pour lesquels l'Eglise catholique est plus qu'un vain mot.

Agréez, etc.

Hagstetten, 22 décembre 1853.

Henri D'ANDLAW.

L'ignorance dans laquelle se trouve M. d'Andlaw à l'égard de ce que dit la presse périodique s'explique parfaitement par les mesures que le gouvernement badois prend coup sur coup, et que, dans un de ses articles, la Volkshalle caractérise ainsi :

Non seulement les prêtres qui restent fidèles à leur devoir sont jetés en prison et persécutés, mais encore des laïques qui placent leurs convictions religieuses au-dessus de leur emploi ont été destitués dans ces derniers temps; le domicile des citoyens connus pour leur loyauté a été violé par des visites arbitraires, et des personnes que l'on a trouvées en possession d'une brochure qui n'excitait en aucune manière à la désobéissance au gouvernement, mais qui provoquait simplement à l'exercice constitutionnel du droit de pétition, ont été mises en prison.

En outre, toute observation contre ce qui se pratique est interdite à la presse badoise. Les feuilles étrangères sont confisquées l'une après l'autre, et leurs rédacteurs condamnés à l'emprisonnement. A dater du nouvel an, aucun journal catholique ne sera plus probablement admis, attendu que, d'après la législation existante, le débit des journaux peut être interdit aussi longtemps que leurs rédacteurs ne se seront pas présentés pour se soumettre aux condamnations prononcées contre eux. A la séquestration des traitements, à la violation des domiciles, au mutisme imposé à la presse et à la parole, il ne manque donc plus que de mettre un bâillon à la pensée, et le silence du tombeau sera le triomphe de la bureaucratie badoise.

Les Evêques de la province ecclésiastique de Chambéry viennent d'adresser collectivement la réclamation suivante au Sénat du royaume, relativement à l'exemption du service militaire en faveur du clergé séculier et régulier :

Messieurs les Sénateurs,

L'article 98 du projet de loi sur la levée militaire, qui vous a été présenté au mois de juin dernier, renferme des dispositions contraires aux intérêts les plus sacrés de la religion et de la société. Pressés par la sollicitude de leur ministère, les Evêques de la province ecclésiastique de Savoie se font un devoir de vous exposer collectivement leurs observations à ce sujet. Ils vous prient de les accueillir avec l'intérêt que mérite une question d'une si haute importance.

L'exemption du service militaire est une immunité indispensable aux ministres des autels. Ils ne peuvent être admis aux saints ordres qu'après de longues études : l'âge de quinze à vingt-quatre ans est le seul qui soit propre à cette préparation; aussi, cette exemption a-t-elle été accordée jusqu'ici chez toutes les nations chrétiennes, parce que la nécessité en était généralement comprise.

L'article précité comprend, il est vrai, le principe de l'exemption en faveur de ceux

qui aspirent au sacerdoce dans la vie séculière, mais il renferme en même temps une disposition injurieuse aux Evêques et contraire en principe à l'autorité de l'Eglise. II réserve au ministre la faculté de fixer, chaque année et pour chaque diocèse, le nombre des aspirants à l'état ecclésiastique qui pourront jouir de cette exemption. Une telle faculté suppose le droit de juger des vocations, d'apprécier les besoins spirituels de chaque diocèse et de fixer le nombre des prêtres nécessaires pour y subvenir. D'après la constitution divine de l'Eglise, ce droit ne peut appartenir qu'à l'Evêque.

On paraît craindre que le nombre des prêtres ne devienne trop grand; mais nous pouvons assurer que, dans tous les diocèses de cette province ecclésiastique, nous n'avons pas un seul prêtre qui ne soit en fonctions, sauf quelques infirmes. Nous voyons même avec inquiétude que le nembee des vocations va en diminuant chaque année. On trouve facilement la cause de cette diminution dans le peu d'avantages temporels qu'offre aujourd'hui l'état ecclésiastique, dans les injures qu'une presse effrénée-prodigue aux prêtres chaque jour; cette perspective n'est pas encourageante pour les pères de famille.

L'exemption du service militaire est nécessaire aussi à ceux qui se destinent au sacerdoce dans la vie régulière. Si les institutions monastiques ont besoin de quelques réformes, c'est au Saint-Siége à les opérer. S'il n'appartient pas à l'Eglise de réformer l'Etat, bien moins encore appartiendrait-il à l'Etat de réformer l'Eglise. Tout pouvoir qui sort de ses attributions agit révolutionnairement et sans droit. En principe, les ordres monastiques sont nécessaires à l'Eglise, ils font partie de son institution primitive, ils ont produit dans tous les temps un grand nombre de saints et de savants distingués.

Les Frères des Ecoles chrétiennes, de la Croix et de la Sainte-Famille sont dignes aussi d'un vif intérêt; ils se consacrent à l'instruction des pauvres avec un dévouement que la religion peut seule inspirer, et avec un succès qui fait partout la consolation des pères de famille.

Leur refuser l'exemption du service militaire serait prononcer leur destruction dans les Etats de Sa Majesté; car aucun jeune homme ne se vouera à cette pénible carrière de 15 à 18 ans, avec la perspective de tirer au sort pour la levée à 20 ans; et pourtant cette suppression serait un malheur qui exciterait un très-grand mécontentement dans toute

la Savoie.

A ces graves considérations, nous devons en ajouter une autre qui n'est pas moins importante. Tous les habitants de nos diocèses, à pen d'exceptions près, tiennent à la religion catholique plus qu'à la vie. Ils voient avec une profonde douleur le désaccord qui existe en ce moment entre le successeur de saint Pierre et le gouvernement de Sa Majesté. La loi projetée, si vous lui accordez vos suffrages, serait un nouveau sujet de mécontentement, un nouveau sujet de plaintes pour le Saint-Siége, et, par conséquent, un nouvel obstacle à ce concordat, à cette paix religieuse que tous les catholiques désirent depuis si longtemps avec une si grande anxiété.

Nous vous prions, Messieurs les sénateurs, de prendre cet exposé en considération; sorr importance nous parait le mériter.

Nous avons l'honneur, etc.

Signés à l'original :

† ALEXIS, Archevêque de Chambéry. — † ANDRÉ, Evêque d'Aoste. JEAN-FRANÇOIS-MARCELIN, Évêque de Tarente.- FRANÇOIS-MARIE, Évêque de Maurienne. —† LOUIS, Evêque d'Annecy.

Le 23 décembre 1853.

Il vient de paraître à Rome, sous le titre de Gli ultimi giorni dell' accademia di Superga e l'ultimo suo preside, une production du docteur Guillaume Audisio. Il appartenait à l'illustre président et professeur de l'académie royale de Superga, aujourd'hui supprimée, d'élever la voix au moment où les ministres de VictorEmmanuel viennent de consommer ce nouveau forfait contre l'Eglise de Sardaigne. L'on sait d'ailleurs que le docteur Audisio

avait été frappé lui-même, depuis quelque temps déjà, par le gouvernement sarde, pour le courage qu'il avait mis à défendre l'Eglise du Piémont contre des entreprises iniques, et que le Saint-Père lui avait fait accueil dans ses Etats et lui avait donné un honorable emploi. La brochure du docteur Audisio excite, dit-on, à Turin, une grande colère. C'est assez dire qu'elle renferme de grandes vérités admirablement exprimées. Videbunt et contremiscent. Charles DE RIANCEY.

AFFAIRES D'ORIENT

La dépêche suivante a été expédiée, dimanche, 1er janvier, de Vienne, par la télégraphie privée.

On vient de recevoir de Constantinople une dépêche télégraphique qui mérite toute créance.

Une émeute, provoquée par des Ulémas, a éclaté dans la ville; mais elle a été aussitôt réprimée. Elle amènera, assure-t-on, un armistice.

Le Journal des Débats, en reproduisant cette nouvelle, ne croit pas devoir le faire sans y ajouter quelques réserves. On attend du moins, avec impatience, des explications qui permettent davantage d'en apprécier toute la portée. Ainsi quelle a été la cause de l'émeute provoquée, dit-on, par les Ulémas? Ce mouvement aurait-il eu pour prétexte la résolution prise par le Divan et que le Moniteur annonçait l'autre jour, de donner son assentiment aux conseils des quatre puissances protectrices? Aurait-il éclaté à l'avénement des nouveaux ministres et au bruit de la retraite des troupes turques qui avaient envahi les frontières russes en Asie? L'émeute a-t-elle eu les proportions d'une insurrection excitée par le fanatisme des vieux turcs, ou bien n'a-t-elle été qu'une échauffourée de carrefour? Enfin, le parti de la paix, vainqueur dans les rues de Constantinople, se croit-il plus qu'auparavant en état d'imposer à la fierté abattue et découragée du peuple et des troupes, des concessions telles, qu'après les succès qui ont marqué la dernière partie de la campagne de 1853, le czar veuille bien à son tour les accepter? Nous n'avons pas la prétention de répondre prématurément à toutes ces questions.

Tandis que les armées ottomanes sont forcées de reculer, le prince Woronzoff, s'il faut en croire une correspondance particulière de la Patrie, se disposait à prendre l'offensive.

Cette lettre, en date du 2 décembre, assure que le prince venait de recevoir des dépêches importantes de Saint-Pétersbourg. Elles lui annoncent, dit-on, le prochain envoi d'un renfort d'artillerie qu'il avait demandé et qui augmentera de quatre-vingts bouches à feu le matériel mis à sa disposition; elles lui annoncent également que deux nouvelles divisions d'infanterie vont être adjointes à son corps d'armée.

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