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les terres, possessions et seigneuries à lui advenues en la ville et vicomté de Paris (1). » Mais la royauté était à Bourges avec Charles VII. Une partie des bourgeois quittent Paris. Bedfort, l'habile régent, sent qu'il ne peut compter sur ceux qui restent. Ne croyant pas à l'avenir, il cherche à prolonger le présent. Mais il faut qu'il se retire à Rouen, et bientôt les bourgeois, libres du joug étranger, saluent de leurs acclamations le retour du roi qui semble le retour de la France.

La bourgeoisie ne considérait plus seulement dans le roi le défenseur de son indépendance. Elle seconda la royauté, Louis XI et ceux d'entre ses successeurs qui suivirent sa ligne, dans la poursuite de l'unité administrative et de l'égalité de tous devant le trône : deux idées qui, toujours chères à la classe moyenne, la rendirent indifférente à la perte des libertés publiques et des vieilles franchises. Hors de là, quand on parle de son esprit politique, il ne faut pas entendre des croyances fixes, des doctrines arrêtées. Le désir de s'accroître, voilà le fond de cet esprit dont la surface fut toujours mobile.

Elle fut royaliste contre l'aristocratie: et si elle opposa au protestantisme tant de résistance, ce fut moins parce qu'il troublait l'unité de la foi que parce qu'il menaçait l'unité nationale, en voie de se former. Elle résista moins à une doctrine qu'à un parti. Elle voyait l'aristocratie arborer la Réforme et cacher dans les plis de ce drapeau un retour à la féodalité: telle fut la cause de la persévérance qu'elle déploya dans cette lutte. Aussi, quand la royauté paraît fléchir, elle s'en sépare et continue à défendre seule sa propre cause. « La Ligue empêcha que la France catholique et monarchique ne subît le joug d'un protestantisme républicain et féodal (2), » dit M. Lacombe, qui a bien saisi son vrai caractère. Mais entre les hommes de cette époque, plus riche qu'on ne le croit en beaux caractères, pourquoi affecter de choisir les noms les moins purs? Pourquoi, parmi les parlementaires, choisir seul Barnabé Brisson, président du Parlement de la Ligue, que les Seize immolèrent comme pour le punir d'avoir servi la Ligue par ambition ou par peur? Il est vrai que l'on a voulu relever sa mémoire en disant que, toujours fidèle au roi, il n'aurait accepté les honneurs que pour préparer son retour. Singulière fidélité qui s'exerce par la trahison (3)! M. Lacombe donne aux ligueurs des représentants moins nobles encore. Nicolas Poulain fut espion à l'Hôtel-de-Ville, délateur au Louvre. Cruce, que l'on surnommait le Résolu, était d'une résolution

(1) Chateaubriand. Analyse de l'Histoire de France.

(2) Histoire de la bourgeoisie, t. II, p. 245.

(3) Les Bourgeois célèbres, p. 275-297.

qui ne faillit jamais dans les massacres. Bussy-le-Clerc ne trahissait pas la Ligue, mais, par sa violence, trahissait ce qui devait en être l'esprit. Brigart fut l'imitateur de Nicolas Poulain et l'ami de Bussy-le-Clerc. Le prévôt des marchands, Michel la Chapelle-Marteau, descendant de Marcel, n'avait ni le courage ni le génie de son aïeul (1). Les moins dignes de conduire un parti sont parfois ceux qui surprennent la direction et appellent ainsi, par la place éclatante qu'ils occupent, l'attention de l'histoire.

La Réforme avait pénétré en France sous le règne de François Ier. Un autre mouvement sous le règne de ce prince avait commencé à s'opérer avec force dans la bourgeoisie. En même temps que la noblesse délaissait les charges publiques, la bourgeoisie s'en emparait. La fortune lui attirait les charges vénales: les fortes études la rendaient maîtresse des autres charges, et comme on l'a justement observé, n'étaient pas inutiles pour atteindre les charges vénales mêmes, soumises à des conditions de grades et d'examens. Elle eut aussi le monopole du commerce, interdit aux nobles. Elle suivit ces deux directions à travers le règne réparateur de Henri IV, célébra la gloire du grand Roi dans les splendides fêtes de son Hôtel-de-Ville, et sous ce règne de vile bourgeoisie, comme Saint-Simon l'appelle, se développa dans la richesse et l'influence. Sa marche fut un peu ralentie au XVIIIe siècle : mais elle se renferma dans ces études actives qui devaient lui ramener l'ascendant, et il vint une époque éclairée par de belles et généreuses espérances, assombrie bientôt par de funestes déceptions, où la bourgeoisie, devenue puissante à l'ombre du trône par un progrès séculaire, mais énervée dans ses mœurs et troublée dans sa foi par un siècle d'erreurs et de désordres, fut assez forte pour renverser un roi du trône, assez faible pour le laisser monter à l'échafaud. Ce roi était le saint et pur Louis XVI. Assis sur le trône régénéré de Louis XV, il avait essayé vainement d'établir entre la nation et la royauté une alliance trop courte, qui, en se rompant, déchira la France. Les réformes s'étaient perdues dans la Révolution le jour où Bailly, l'élu de la bourgeoisie parisienne, avait au Jeu-de-Paume levé la main pour consacrer les serments tumultueux des députés et leurs rebelles protestations.

M. Lacombe fait peu connaître les habitudes politiques de la bourgeoisie. Ainsi, quand il arrive à sa Lutte avec le prolétariat, nous aurions voulu suivre dans sa marche la transformation que, par l'affaiblissement des croyances, l'esprit politique de la bour

(1) Les Bourgeois célèbres, p. 217-275.

geoisie a subie depuis un siècle. Jamais, peut-être, cet esprit n'a eu moins de consistance qu'au siècle où l'opinion publique a pu se manifester avec une liberté plus grande ces contradictions méritent d'être étudiées. La bourgeoisie se défie des puissances qui la protégent et ne se défie pas de celles qui la menacent ou qui lui nuiseat. Sous les deux dernières monarchies. elle lisait, sans prévoir des conséquences inévitables, les écrits où la foi de la France était tournée en coupable dérision, et qui, lus aussi par le peuple, en le dépouillant des restes de sa foi, lai ravissaient la patience et le respect. Sous une monarchie qui la favorise, elle donne le signal de la révolte; sous une monarchie qu'elle-même a faite, elle en donne l'occasion. Si les agitations populaires éclatent, elle s'estime heureuse, pourvu qu'on la défende, de sacrifier aux intérêts du jour cette liberté qu'elle revendiquait si fièrement car elle veut, avant tout, le libre développement des intérêts matériels; et, après avoir trouble la paix, la réclame à tout prix.

Il faut s'inspirer de pensées plus hautes pour atteindre la pa cification intérieure de la société. M. Lacombe le comprend e il invoque la Religion. Il est assez à regretter que ses paroles trop générales, ne s'adressent pas directement à la bourgeoisie Montrer, comme il le fait, que la France doit exercer sur monde un apostolat de religion et de liberté, c'est donner san doute une belle et opportune conclusion; mais la bourgeoisie comme la France, a sa mission propre. Quelle achève vers le saintes croyances un retour déjà commencé; qu'elle entraine par un ferme exemple, les classes populaires qu'autrefois so exemple a perdues: la paix de l'avenir réside là.

Georges SEIGNEUR.

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L'un des Propriétaires-Gérant, CHARLES DE RIANCEY.

PARIS. DE SOYE ET BOUCHET, IMPRIMEURS, 2, PLACE DU PANTUKON,

SAMEDI 10 JUIN 1854.

L'AMI DE LA RELIGION

PIEMONT.

(N° 5695.)

-

LE MINISTÈRE PIEMONTAIS ET LE SAINT-SIÉGE. INTERPELLATIONS DE M. LE COMTE SOLARO DELLA MARGARITA A LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS. DISCUSSION A PROPOS DE LA NOMINATION DE M. DE PRALORMO COMME MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE.

Depuis longtemps, le ministère piémontais affecte d'entretenir le public de ses négociations avec le Saint-Siége. A la fin de l'année dernière, il laissait des organes presque officiels de sa politique annoncer la conclusion de ses différends avec Rome, jusqu'à la veille du jour où une Allocution pontificale couvrait de confusion les auteurs de cette manœuvre, en donnant à leurs allégations le plus solennel démenti. Est-ce encore pour propager de fausses espérances que le gouvernement sarde a voulu conférer à son envoyé auprès de la Cour romaine le titre de ministre plénipotentiaire? Le doute, au moins, pouvait s'élever, et il était essentiel qu'il ne durât pas davantage.

La discussion du budget des affaires étrangères à la Chambre des députés a eu, entre autres bons résultats, celui de fournir à l'un des hommes les plus considérables du pays l'occasion de mettre le cabinet en demeure d'expliquer ses sentiments et son - attitude.

A deux reprises la question a été solennellement agitée. D'abord, dans la séance du 7 mai, M. le comte Solaro della Margarita a fait entendre des interpellations catégoriques et pressantes autant que dignes. Dans la séance du 10, le vote de l'article relatif au traitement du nouveau ministre plénipotentiaire, a remis le même débat à l'ordre du jour.

Dans ces deux circonstances, M. de Cavour et M. da Bormida, le premier président du conseil, le second ministre des affaires étrangères, ont pris la parole. S'ils n'ont pas donné à l'opinion conservatrice les éclaircissements qu'elle sollicitait, c'est qu'ils ont manqué ou de la franchise ou du courage que réclame la situation. Dans un cas comme dans l'autre, leurs réponses vagues et contradictoires ne jettent pas moins de jour sur la triste voie dans laquelle ils persévèrent, et rien ne démontre mieux combien ils sont au dessous des circonstances auxquelles ils doivent faire face.

Nous reproduisons une partie du discours prononcé, le 7, par M. le comte della Margarita. Les journaux piémontais euxmêmes n'ont pu nous en faire connaître le texte complet que

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tardivement, à cause de la multiplicité des incidents qui l'ont suivi, et dont le récit a, dans les premiers moments, absorbé leurs colonnes. Nous le recueillons aujourd'hui comme un document qui n'a rien perdu de son actualité. Il appartient, d'ailleurs, à l'histoire religieuse et politique du Piémont, autant à cause de la manière large et précise dont les faits y sont exposés qu'en raison même du caractère et de l'autorité de l'illustre orateur.

Il était certes permis plus qu'à personne à l'ancien ami, au conseiller fidèle de Charles-Albert, de demander compte à ses successeurs du dépôt d'honneur et de considération qu'il avait lui-même si noblement gardé et accru, tant qu'il exerça une influence prédominante sur les affaires publiques. Le langage du patriotisme le plus pur s'allie bien, dans une telle bouché, à la défense des intérêts sacrés de la religion.

M. le comte Solaro della Margarita a commencé ainsi :

Le budget des dépenses du ministère des affaires étrangères ramène naturellement l'attention sur la politique et donne lieu à de graves réflexions. L'honneur, l'éclat, la prospérité d'un Etat, l'autorité morale dont il doit jouir auprès de toutes les nations, dépendent de la nature de ses relations extérieures non moins que de la bonté de ses institutions. Celles-ci produisent le calme, assurent l'observation des lois, une sage économie, ́une industrie florissante, des progrès commerciaux et la concorde entre les citoyens : mais l'indépendance pleine et parfaite se rattache étroitement à la nature des relations extérieures. L'indépendance est le bien suprême des nations, c'est leur existence même; et celle-là ne mérite point le nom de nation, qui ne sait pas, à tous égards, se soustraire au joug pesant des influences du dehors.

A

Si je fais cette remarque, c'est que, parmi nos modernes improvisateurs politiques, il n'en manque pas qui vont criant qu'avant l'époque actuelle, et quand nous étions sous la loi d'un roi absolu, nous manquions d'indépendance. On l'a souvent répété, mais on ne l'a pas prouvé ; c'était impossible; oui, il était impossible de démontrer par des faits qu'a`vant 1848, la plus belle partie du devoir de la monarchie de Savoie aurait été, sinon complétement négligée, du moins mal remplie. Mais laissons-là le passé. Pour ne m'occuper que du présent, j'aimerais que M. le ministre des affaires étrangères pùt m'apprendre que la splendeur de la cour s'est accrue, et que notre indépendance est mieux assurée. Après ces considérations d'un ordre général, mais dont l'àpropos ne pouvait être contesté, M. le comte della Margarita a abordé directement le grave sujet qui allait saisir et passionner son auditoire :

Mon dessein, a-t-il repris, n'est pas d'embarrasser le ministre, en le provoquant à révéler ici ce qui doit demeurer secret. Je connais la délicatesse des relations politiques; et, quand bien même la voie que l'on suit aujourd'hui ne serait pas conforme aux anciennes traditions qui ont assuré la puissance et la grandeur de cé pays, je ne provoquerais pas à cet égard une discussion politique.

Mais il est un sujet qui ne compromet la position du pays envers aucune puissance, un sujet qui excite l'intérêt général, et pour lequel chacun a le droit de demander la vérité aux ministres. Ce droit, j'en use comme représentant de la nation.

Quel est l'état de nos relations avec le Saint-Siége? A quel point sont arrivées les négociations qu'on poursuit, dit-on, depuis tant d'années, et que nous avons bien des raisons de croire loin encore d'avoir atteint la moitié de leur terme?

Dans l'exposé préliminaire de ce budget, je vois, comme un acte respectueux pour le Saint-Siége, qu'on veut élever au rang de ministre plénipotentiaire le comte de Pralormo,

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