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que les quatre murs, et vous aurez un temple protestant, au frontispice duquel vous pourrez placer en grosses lettres: Temple de la raison individuelle. Pour en faire la dédicace, invitez quiconque croit en soi et proteste contre l'église romaine. «O sublime raison de mon individu! je crois en toi et je t'adore, s'écriera chaque fidèle en entrant; c'est toi seule qui règnes dans ce temple! c'est toi, toi seule qui m'y apprends si je dois croire à la Bible, et puis ce qu'elle veut me dire. Ah! reçois donc pour toujours mes hommages et ma foi ! » Ensuite, après avoir ainsi proclamé le symbole commun à tous, chacun fera son acte de foi individuelle. Le luthérien dira: en vertu de mon libre examen, je conclus que la Bible est un livre divin, et j'y vois clairement que dans le moment de la sainte Cène on reçoit réellement le corps du Christ dans le pain, ou sous le pain, ou avec le pain ; mais je proteste contre la transsubstantiation des Romains. Le calviniste reprendra: Moi aussi, après avoir librement examiné, j'ai reconnu la divinité des Écritures saintes, et j'y vois plus clair que le jour, que dans la Cène, au lieu de Christ, on ne reçoit que sa figure et son souvenir; en conséquence je proteste contre la présence réelle des papistes. Le socinien continuera Oui, la Bible est un ouvrage infiniment respectable; aussi, après l'avoir librement scruté, mon esprit y a découvert que les mystères de la foi ne sont que des figures de rhétorique, et que

Christ est seulement un grand prophète; en foi de quoi je proteste contre le Dieu-Homme des catholiques. Le déiste à son tour : Sans doute Messieurs, la raison de chaque homme est sa souveraine règle ; or la mienne me dit qu'elle se suffit à elle-même ; par conséquent, je proteste contre tout ce que l'église romaine nous débite sur les Écritures, les prophéties et les miracles. Ensuite le matérialiste : Qu'il est beau de voir ainsi proclamer les droits souverains de la raison de chaque individu! Oui, Messieurs, c'est à ma raison et à ma raison seule, d'examiner, juger, réformer les opinions, même les plus universelles et les plus anciennes ; je proteste donc hautement, en vertu de ma suprématie intellectuelle, contre l'immortalité, le paradis et l'enfer de la superstition pontificale. Que je suis ravi de vous entendre, s'écriera l'athée! vous reconnaissez donc avec moi que la première de toutes les vérités, c'est que mon intelligence est à elle-même son centre, sa lumière, sa loi et son juge: en récompense, apprenez la découverte consolante qu'elle a faite ; même que nos esprits ne reconnaissent rien audessus d'eux, de même l'univers n'a point de maître ; je proteste donc de tout mon être et contre le fanatisme de Rome et contre le Dieu qu'elle nous prêche. A merveille, conclura le sceptique : vous m'assurez tous de concert que je ne dois écouter que moi-même, et que c'est mon esprit qui doit tout juger en dernier ressort, même ce que

de

vous venez de dire ; je vous déclare donc, après avoir tout librement examiné, qu'il n'y a rien de certain au monde : conséquemment je proteste, non-seulement contre l'église romaine mais encore contre ceux qui protestent contre elle, et enfin contre moi-même.

Il me semble, messieurs de la Revue, que, le principe du libre examen et de la suprématie de l'esprit privé une fois admis, il est impossible de ne pas avouer toutes ces conséquences, impossible de ne pas les envisager comme de simples nuances de la réformation protestante; et je tiens qu'à toutes ces professions de lutheranisme, de calvinisme, de socinianisme, de déisme, de matérialisme, d'athéisme, de scepticisme, un protestant qui veut être conséquent avec soi-même n'a d'autre réponse à faire que de dire amen. Tel est du moins le jugement de mon esprit individuel, qui, selon vous, doit être pour moi le nec plus ultrà de la certitude; que si malgré cela je me trompe, veuillez bien me montrer comment et en quoi; surtout expliquez-vous d'une manière nette et précise, et soyez bien d'accord avec vousmêmes.

J'insiste là-dessus, parce que, suivant mon libre examen, voilà ce qui vous manque fréquemment; en voici encore une preuve : Vous reconnaissez pour vos frères les anglicans, les Russes et les Grecs, chez qui cependant on voit une hiérarchie, des cérémonies pompeuses, même la

croyance à la confession, l'invocation des saints, la vénération de leurs reliques et images, la prière pour les morts, etc. Comment donc alors pouvez-vous sans inconséquence reprocher à l'église romaine, comme des superstitions et des idolâtries qui vous ont contraints de vous séparer d'elle, des choses que vous trouvez en soi indifférentes ou excusables, puisqu'elles ne vous empêchent pas de fraterniser avec l'église anglicane, l'église grecque et l'église russe? Notre grand crime est-il peut-être d'avoir un pape? mais l'église anglicane en a bien un, et ne laisse pas pour cela d'être la gloire du protestantisme. Bien plus, le premier pape qu'elle a eu, et à qui elle doit sa propre existence, n'était-ce pas le mari de cinq ou six femmes, qui divorçait avec l'une, envoyait l'autre à l'échafaud, quand il avait envie d'une nouvelle ? Après lui, n'a-t-elle pas eu un petit pape de neuf ans, qui même avant d'être sorti de tutelle apprit aux prélats et fidèles de l'église établie les dogmes qu'ils avaient à croire et les prières qu'ils avaient à dire? Ensuite n'a-t-elle pas eu une papesse Élisabeth, qui, malgré tout ce que l'histoire en raconte, n'en est pas moins le modèle des vierges protestantes ? Enfin, cette même église n'est-elle pas tous les jours dans le cas d'avoir pour papesse ou pour pape un enfant au berceau ou entre les bras de sa nourrice? D'un autre côté, une partie des églises réformées d'Allemagne n'ont-elles pas trouvé un pape civil et mi

litaire à Berlin? ne leur a-t-il pas envoyé une bulle ministérielle pour leur enjoindre de placer des images des saints dans les temples, des chandeliers et des crucifix sur les autels? ne lui ontelles pas obéi avec une servilité toute papistique ? Et vous n'en dites mot? et vous criez uniquement contre nous, parce qu'à l'exemple de vos ancêtres, nous continuons d'obéir au pape de Rome comme au successeur de saint Pierre?

Voici un autre exemple du peu d'accord qui règne dans l'ensemble de vos idées: Un marchand de Lyon vous a expédié, sinon de son atelier, du moins sous sa signature, un article d'érudition écclésiastique. Dans votre dernière Revue, vous en étalez un échantillon que j'ai trouvé richement brodé d'inconséquences. Il nous reproche entre autres la conduite scandaleuse de quelques papes vers le onzième siècle ; puis il demande si de pareils pontifes pouvaient être les juges suprêmes de la foi. Mais, messieurs, avant tout, comment pouvez-vous, sans une inconséquence prodigieuse, reprocher à qui que cesoit, fût-ce à un pape, un crime quelconque ? Les auteurs de votre glorieuse réforme ne protestent-ils pas, contre l'église romaine, que les bonnes œuvres ne sont pas nécessaires? que c'est la foi seule qui sauve, malgré le nombre et la grandeur des iniquités ? que la justice, la grâce de Dieu une fois acquise par le baptême ou autrement, on ne peut plus la perdre, quelque péché, blasphême, meurtre,

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