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mythes égyptiens; les divinités secondaires sont la personni. fication des attributs du dieu suprême, ou celle des noms sous lesquels il était adoré dans des sanctuaires distincts. Ce dieu suprême, Baal, Hadad ou Adonis, cause et prototype du monde visible, a une double essence: il résume et possède les deux principes de toute génération terrestre, le principe mâle et le principe femelle; c'est une dualité dans l'unité : conception qui, par suite du dédoublenient des symboles, a donné naissance à la série des divinités femelles. Les inscriptions donnent sur ce point des indications positives. Tanit est surnommée Pené-Baal, c'est-à-dire facies, persona Baalis. Astarté est surnommé SchemBaal, c'est-à-dire nomen ou numen Baalis. La déesse n'est donc qu'une forme du dieu, une seconde personne divine qui par son association avec la première constitue l'unité suprême. Chacun des couples divins adoré sous des noms divers dans les nombreux temples de l'Asie occidentale constitue une unité complète, reflet de l'unité primitive. Ce système, par suite du développement des observations astronomiques et physiques, s'identifie avec le culte de la nature et des astres. Le dieu mâle devient le soleil, le dieu femelle la lune, les divinités secondaires les étoiles par là tout cet ordre d'idées rentre dans le grand système attribué aux Chaldéens, dans les théories astrologiques et pythagoriciennes.

M. de Vogüé donne un exposé rapide de ces théories, telles que nous les font connaître les écrits de Diodore, de Plutarque et d'Origène, puis il continue en ces termes :

« Ce système, si bien équilibré en apparence, où tout révèle la recherche philosophique et le goût des formules, ne porte pas l'empreinte d'une très-haute antiquité; néanmoins il est, dans ses parties essentielles, antérieur à tous les monuments connus et se présente à nous comme l'œuvre de philosophes panthéistes et astronomes travaillant sur un fonds de traditions monothéistes. J'en dirai autant de la compilation confuse qui porte le nom de Sanchoniathon, et qui, dépouillée de son habit grec et evhémériste, se ramène à un système qui n'est pas sans analogie avec le précédent. La notion du dieu personnel est aussi absente de la cosmogonie chaldéenne, mais son souvenir est présent, et

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la trace de ce souvenir est plus profonde dans Sanchoniathon que chez les Chaldéens proprement dits. Au commencement de la première cosmogonie, celle qui paraît justement la plus ancienne, on voit planer sur les espaces chaotiques le souffle divin, esprit éternel, puissant, qui, s'il ne crée pas de rien la matière, est du moins la cause unique de ses transformations et de la vie qui l'anime. L'opération par laquelle s'accomplit cette création est indiquée dans des termes qui méritent toute notre attention. En effet, c'est à l'amour de l'esprit divin pour ses propres principes et à l'union féconde qui en est la suite qu'est attribuée par Sanchoniathon la naissance de toutes choses. Cette notion est fondamentale c'est l'explication philosophique et beaucoup plus spiritualiste de l'opération divine cachée sous l'union du père et de la mère cosmiques des Chaldéens. Elle nous montre Dieu créant par l'action réciproque des deux principes qui composent son unité, le principe actif et le principe passif; elle nous montre par quelle opération de l'esprit s'est établie la croyance à la dualité dans l'unité, au dieu double et un des inscriptions. La relation entre cette phrase et les textes précédemment commentés est évidente. Dieu décomposé en ses principes (άpxaí), c'est Shem-Baal, Pené-Baal; l'amour de Dieu pour ses principes, c'est l'union de Baal avec Shem-Baal, autrement dit, c'est l'union conjugale de Baal et d'Astarté, de Tammouz et de Baaltis, d'Adonis et de Vénus...; en un mot tous les couples divins dont la multiplicité a continué, tout en contribuant à l'effacer complétement, la tradition de la divinité primordiale. »

L'auteur montre ensuite comment ces idées religieuses ont donné naissance aux symboles figurés. La première notion plastique du dieu un et double a été l'androgynisme; les plus anciennes divinités, telles que la Vénus de Paphos, ont ce caractère. Plus tard, quand la notion du dieu femelle, distinct du dieu mâle, eut surgi, la figure virile et la figure féminine servirent à les représenter; les idées accessoires et complémentaires furent rendues à l'aide de figures d'animaux. Le lion et le taureau sont les principaux symboles, le premier, de la puissance mâle, ignée, solaire; le second, de la puissance femelle, humide, lu

naire. La déesse orientale est presque toujours représentée montée ou assise sur le lion. Dans ce cas, le lion paraît, non comme symbole de la déesse, mais comme symbole du dieu qui lui est associé. Le groupe de la figure humaine assise, ou debout sur un animal, représente donc une idée complète, une unité. M. de Vogüé démontre ce point par l'analyse du mythe d'Europe, commentaire grécisé d'un groupe phénicien, dans lequel le taureau symbolise la puissance active du principe humide, et la femme la puissance passive de ce même principe ou la terre, autrement dit, groupe symbolisant la fécondation de la terre par l'eau.

Après avoir ainsi expliqué les caractères généraux de la déesse Anat comme forme secondaire de la grande déesse de Syrie, M. de Vogüé s'attache à déterminer ses caractères spéciaux qui sont d'être belliqueuse, sanguinaire et à quelques égards chaste. Ces qualités contrastent singulièrement avec la nature voluptueuse et lascive de la grande déesse. Mais ces contradictions sont l'essence même du panthéisme mythologique, la même divinité pouvant, suivant le rapport sous lequel on la considère, être à la fois mâle ou femelle, chaste ou lascive, bienfaisante ou malfaisante.

L'inscription de Lapithos nous montre comment cette notion secondaire a pu prendre naissance. Anat y est qualifiée Force des vivants; la déesse est donc, au point de vue philosophique, la personnification de la force vitale du souffle venant de Dieu qui anime le corps humain, lui donne la fermeté, le courage, la dureté même. Ces qualités sont rendues plastiquement par les armes dont la figure de la déesse est revêtue, par l'attitude mâle et guerrière qui lui est donnée; puis, par une réaction assez commune du symbole sur le mythe, le personnage ainsi représenté devient un être guerrier, farouche, exigeant sur ses autels des sacrifices humains et de ses prêtres le sacrifice de la volupté.

Astronomiquement, Anat est la planète Vénus. Elle paraît avoir pour symbole spécial la chèvre ou le bouc, par suite d'un jeu de mots sur l'expression Az Haïim, « force des vivants » Az signifiant aussi « chèvre ».

Anat a pour divinité mâle associée un personnage que les inscriptions égyptiennes nomment Reshpou et non Renpou, comme on lit ordinairement et fautivement son nom. C'est le dieu Reshep dont les inscriptions expliquées par M. de Vogüé apprennent l'existence. C'est la personnification de la foudre, une des formes du dieu igné, solaire, adoré sous des noms divers dans toute l'Asie occidentale. Il était adoré à Citium sous le nom plus spécial de Reshepkhets qui désigne les traits même de la foudre et l'assimile à Zeus Keraunios. Une autre forme de la même divinité a été reconnue par M. de Vogüé sur un scarabée phénicien où elle est appelée Melqart Retsep, c'est-à-dire « la pierre ardente», la stèle d'émeraude qui brillait au fond du sanctuaire de l'Hercule tyrien, le feu de l'autel qui seul représentait la divinité dans le temple de Gadès, le bétyle, l'abbadir, émanation de la foudre.

Reshep rentre donc dans la série des Baal, de même que sa compagne rentre dans la série des Astarté ou Vénus asiatiques. Le couple formé par Anat et Reshep représente donc, comme chacun des couples divins adorés en Phénicie et en Syrie, une image complète de la divinité une dans sa dualité.

Mais la notion de la dualité entraîne celle de la triade : chez les Phéniciens elle n'est pas aussi claire que chez les Egyptiens; néanmoins, M. de Vogüé la retrouve dans les monuments figurés qui représentent le dieu enfant, soit isolé, soit sur les genoux de sa mère, soit symboliquement sous la forme d'un veau allaité par une vache.

En terminant, M. de Vogüé donne quelques détails sur les renseignements paléographiques fournis par les nouvelles inscriptions de Chypre; leur date étant certaine, ces renseignements sont très-précieux; ils donnent des points fixes qui permettent de classer les principales périodes de l'histoire de l'écriture phénicienne, et de déterminer leurs limites.

Après cette lecture, l'Académie se forme en comité secret.

MOIS DE JUIN.

Séance du vendredi 7.

PRÉSIDENCE DE M. DE LONGPÉRIER.

Il est donné lecture de la correspondance officielle.

M. le sénateur, préfet de la Seine, par une lettre adressée au Président, en date du 23 mai, soumet à l'appréciation de l'Aca-· démie un projet d'inscription en langue française, pour le monument voté le 18 août 1866, par le conseil municipal de Paris, avec le concours du conseil général du département, et qui doit s'élever à la source de la Seine. Ce monument est aujourd'hui terminé, et M. le préfet en envoie un croquis dont l'image du fleuve sculpté par M. JOUFFROY, de l'Académie des Beaux-Arts, occupe le centre et sur lequel est indiquée la place de l'inscription. Renvoi de la lettre et des pièces qui y sont jointes à la Commission des inscriptions et médailles.

L'Académie se forme en comité secret.

La séance étant redevenue publique, l'Académie adopte les conclusions du rapport lu par M. RENAN, au nom de la Commission chargée d'examiner les deux mémoires envoyés pour le concours prorogé du prix Bordin sur les données relatives à l'histoire et à la géographie de la Palestine contenues dans le Talmud, etc. En conséquence, elle décerne le prix Bordin au mémoire no 2 et accorde une mention honorable au n° 1. M. le PRÉSIDENT, après avoir ouvert le pli cacheté joint au mémoire no 2 et vérifié la devise, fait connaître le nom de l'auteur, M. Neubauer, qui sera proclamé dans la prochaine séance publique annuelle. - Quant au no 4, le pli cacheté ne sera ouvert et le nom de l'auteur publié qu'autant qu'il en aurait manifesté le désir.

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M. DE ROUGE termine la lecture en communication de la première partie de son travail « Sur les invasions des peuples de la Méditerranée en Egypte vers le XIVe siècle avant notre ère. »

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