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Séance du vendredi 14.

PRÉSIDENCE DE M. DE LONGPÉRIER.

Il est donné lecture de la correspondance officielle.

M. le ministre de l'instruction publique, par un message du 8 juin, accuse réception des exemplaires qui lui ont été adressés du rapport de la Commission spéciale chargée par l'Académie d'examiner le projet d'un Corpus inscriptionum semiticarum, rapport dont les conclusions ont été adoptées par elle et en vertu duquel une Commission définitive a été nommée pour préparer, rédiger et publier, sous ses auspices, ce travail nouveau qu'elle s'est imposé. M. le ministre s'associe avec empressement à la pensée de l'Académie et l'assure qu'il est tout disposé à seconder par les moyens qui dépendent de son administration une entreprise dont la réussite doit être si profitable aux études archéologiques et si honorable pour notre pays,

M. le Président de l'Institut, par une lettre du 12, prie M. le Président de l'Académie de l'inviter à désigner un lecteur pour la représenter dans la séance générale du mercredi 3 juillet prochain. Cette désignation est mise à l'ordre du jour de l'Académie pour la séance du 24 courant.

M. l'abbé Bargès, professeur d'hébreu à la Sorbonne, écrit à M. le Président, en date du 14 juin, pour l'informer qu'il croit devoir se présenter au choix de l'Académie, comme aspirant à remplir la place que la perte de M. REINAUD, succédant de si près à celle de M. MUNK, rend de nouveau vacante parmi les orientalistes. Il rappelle ses travaux, ses services, ses titres principaux dans la science et dans l'enseignement et joint à sa lettre la liste complète de ses ouvrages. Le nom de M. l'abbé Bargès sera inscrit sur la liste des candidats.

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M. le Président avertit l'Académie que, le délai prescrit par le règlement étant écoulé, il y a lieu par lui de la consulter sur le remplacement de M. REINAUD. Il donne lecture des articles 14 et suivants et pose successivement les questions qui en résultent.

Sur la première question, l'Académie décide au scrutin, par 29 voix contre une (sur 30 votants), qu'il y a lieu de remplacer. Sur la seconde question, la fixation de l'époque, l'Académie décide, à la majorité de 16 voix contre 15, l'ajournement de l'élection au mois de novembre et fixe au 8, date de la première séance de ce mois, la discussion des titres des candidats qui doit précéder l'élection.

L'Académie se forme en comité secret pour entendre la lecture, faite par M. DELISLE, du rapport de la Commission chargée d'examiner les ouvrages envoyés au concours du prix Gobert pour 1867.

La séance étant redevenue publique, M. Lenormant, autorisé par le bureau, donne lecture, en communication, de la note suivante :

Sur une gemme
à légende himyaritique.

« Jusqu'à présent on a publié cinq gemmes portant des inscriptions en caractères himyaritiques, qui ont été toutes réunies par M. le docteur A. Levy dans une même planche du Journal de la Société orientale allemande (1). Les monuments de cette classe sont, en effet, d'une extrême rareté. Je n'en connais pour ma part que deux en dehors de ceux qui ont été ainsi édités. Le premier est un camée appartenant à M. le baron Roger de Sivry, et que j'espère pouvoir quelque jour placer en original sous les yeux de l'Académie. Le second est une intaille dont j'ai l'honneur de déposer un dessin plus que médiocre sur le bureau. C'est une chalcédoine brouillée, de forme ovale, assez fortement bombée en scarabéoïde. Je l'ai vue il y a quelques années entre les mains de mon ami, M. Th. Baltazzi, qui l'avait acquise au Caire d'un marchand de Moka et

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(1) Zeitschr. der deutsch. morgenl. Gesellsch., t. XIX, pl. xxxv.

qui doit la posséder encore à Constantinople, où il est aujourd'hui fixé. L'empreinte en donne l'inscription suivante en deux lignes, accompagnant la figure symbolique que M. DE LONGPERIER a qualifiée du nom de mandragore.

La forme des lettres est anguleuse et pour certains signes très-particulière. Nous ne retrouvons le même type paléographique que sur un cylindre du Musée Britannique, gravé sous le no 39 dans la planche xvIII de la publication anglaise. Nous serions assez disposé, pour notre part, à le regarder comme le type le plus archaïque de l'alphabet national de l'Yémen. Malgré les particularités très-spéciales qui le distinguent, on peut, je crois, transcrire sans hésitation sérieuse la légende de la gemme de M. Baltazzi. Les mots n'y sont pas séparés par des points ou par un trait vertical, circonstance très-rare dans les monuments himyaritiques; mais la coupure nous paraît s'en faire d'elle-même, car cette brève légende ne contient que le nom propre du possesseur de la pierre et celui de son père :

בנשין בן עברעתתר

Le premier nom, pin, appartient à une classe d'appellations viriles essentiellement propres aux Himyarites, qui se composent du radical suivi d'un nom de divinité et caractérisent le personnage comme fils de cette divinité, exactement de la même manière que les noms propres grecs en yévns, tels que Atoyέvns, Epuoyέvns, etc. Ici nous avons Ben-Sin, « le >> fils du dieu Sin ou Lunus »; dans la ligne 2 de l'inscription publiée par M. de Wrède, on lit le nom propre de même formation, « le fils de El (4) ». On chercherait vainement des noms analogues dans les autres idiomes sémitiques, où par contre ceux qui désignent un dieu comme le père du personnage sont très-multipliés, par exemple chez les Hébreux 78, cujus pater Jehovah.

Au premier abord il semblerait fort tentant de ranger dans la même

בנחדד himyaritiques, le בנאל et le בנשין classe de noms propres que le

de la Bible, appellation de trois rois successifs de Damas. Mais on a retrouvé dans les inscriptions cunéiformes mention d'un de ces princes et son nom y est donné sous une forme qui ne permet plus une semblable étymologie; d'ailleurs, comme les rois nommés dans la Bible étaient araméens, si leur nom avait voulu dire « fils de Hadad » divinité syrienne bien connue Dans la seconde inscription phénicienne d'Athènes on lit un nom propre 2, qui semble tout d'abord correspondre pour le sens à notre paz de l'Yémen. Mais la traduction que donne pour ce nom le texte

בנהדד et non ברהדד il aurait éte

(1) Il est bon de rapprocher, comme émanant d'une idée analogue, le titre de υἱὸς θεοῦ ἀνική του Αρεως que prend le roi abyssin Aizanas dans l'inscription grecque trouvée à Axoum par Salt (Voy. Franz, dans le Corp. inscr. graec., t. III, p. 515). Ce même titre se retrouve dans la seconde inscription d'Adulis, mais rendu par une périphrase (Voy. Franz, ibid., p. 512), et nous en avons l'exacte traduction éthiopienne dans les plus vieilles inscriptions d'Axoum en langue ghez (Dillmann, Zeitschr. der deutsch. morgenl. Gesellsch., t. VII, p. 356).

grec de la même inscription, Nouuvios, prouve qu'il ne signifiait pas <«<le fils du dieu-lune », mais « le fils de la nouvelle lune, » ce qui le range dans la même catégorie que 'Eloulatos ou bin, << né dans le nois d'Eloul », na, « né le jour du Sabbat », Paschalis, « né à la Pâques ». Ce qui achève du reste de démontrer que le nom fourni par l'inscription phénicienne d'Athènes n'avait pas une signification religieuse polytheiste, c'est que le premier livre des Macchabées (1) nous offre un Juif appelé Nouuvios, lequel devait bien évidemment être aussi un 2.

Le dieu Sin est déjà mentionné dans une des tables de bronze du Musée Britannique (pl. v, no 6, de la publication anglaise; pl. xxvi du mémoire de M. Osiander), laquelle contient une dédicace qui lui est faite; il y est dit DN 7, « seigneur de Alem », localité que l'on n'est pas encore parvenu à identifier. Son culte dans l'Yémen est donc un fait incontestable (2).

Sin est un des personnages les mieux connus du panthéon assyrien, dans lequel les beaux travaux de M. Oppert ont complétement élucidé son rôle. Il est aussi mentionné dans les livres des Mendaïtes (3). Enfin, M. Chwolson a établi l'importance du culte de Sîn dans le paganisme si tardivement persistant des habitants de Harrân (4).

J'ai déjà, dans une première communication que l'Académie a bien voulu entendre avec bienveillance, signalé les noms propres composés du radical y avec un nom de divinité, comme très-multipliés chez les Himyarites, de même que chez tous les autres peuples sémitiques. Nous avons ici un nom de ce genre dans лñуу, « le serviteur d'Â't'tor. »

Le personnage divin d'A't'tor, très-fréquemment mentionné dans les inscriptions nationales de l'Yémen, a été étudié par M. Fresnel (5) et par moi-même (6); je crois que l'on peut considérer sa nature et son caractère comme solidement déterminés. C'est une forme androgyne de la Vénus orientale (7), étroitement analogue à la Venus barbata de Chypre (8) et au « roi Astarté, dieu solaire, »an be wha, de la seconde des inscriptions phéniciennes d'Oum-el-Awamid. Mais il est un point de vue relatif à cette divinité, que l'on n'a pas mis jusqu'à présent en lumière et sur lequel je demande la permission de m'arrêter quelques instants.

Le nom divin ny a ceci de très-intéressant que, par la permutation duen et la suppression de la terminaison féminine n, il fournit précisément la transition entre les deux noms très-voisins et certainement identiques à l'origine, de la divinité femelle, wy chez les Chananéens et Hathor chez les Egyptiens. Bien que nous trouvions Hathor établie dans le panthéon de l'Egypte dès les temps les plus reculés où nous fassent remonter les monuments, bien que les hiérogrammates aient donné à son

(4) XII, 46; XIV, 22; XV, 15.

(2) Voy. Osiander, Zeitschr. der deutsch. morgenl. Gesellsch., t. XIX, p. 242-244.

(3) Norberg, Codex Nazaraeus, t. I, p. 54 et 98; Onomastic., t. 108. (4) Die Ssabier und das Ssabismus, en de nombreux endroits.

(5) Journal asiatique, 4e série, t. VI, p. 499 et suiv.

(6) Monographie de la voie sacrée Eleusinienne, t. I, p. 339 et suiv. (7) Cf. Scharestâny, ap. Pocock. Spec. hist. Arab., p. 120, éd. de

White.

(8) Serv., ad. Virg. Æneid. II, v. 632. Macrob. Saturn. III, 8.

nom une signification égyptienne en y appliquant une orthographe symbolico-syllabique qui lui attribue le sens d'«< habitation d'Horus »>, Hathor n'est certainement pas une divinité d'origine propre égyptienne. C'est avec Seth la divinité étrangère que les Egyptiens ont le plus anciennement adoptée. Dans le principe (on peut le discerner aujourd'hui), Hathor était la déesse nationale de cette population des Anou, parente des Egyptiens proprement dits, mais en même temps bien distincte d'eux et également apparentée aux Chananéens, que M. DE ROUGE (1) propose d'assimiler aux y de la Genèse, qui, avant Ménès, habitaient une partie de l'Egypte et dont plus tard un rameau formait encore la population de la presqu'île du Sinaï. Les centres principaux et les plus antiques du culte d'Hathor en Egypte sont en effet précisément les villes que leurs noms désignent comme ayant été d'abord les cités des Anou, Héliopolis (appelée par excellence An), Denderah (qui reçoit quelquefois ce même nom de An) et Hermonthis (An-res, l'An du sud).

Sans doute, Hathor, par suite de l'antiquité même de l'introduction de son culte, se montre à nous comme tenant une place essentielle dans le cycle d'Horus, et plus tard, vers la XIXe dynastie, quand les Egyptiens se trouvèrent en relations intimes avec les peuples de Chanaan, ils se mirent à adorer également l'Aschthoreth de ceux-ci, en conservant fidèlement son nom. Aschthoreth forme dès lors un personnage à part, qui se relie au cycle de Seth ou Baal. Mais les Egyptiens eux-mêmes, dans un certain nombre de monuments, rapprochent Hathor, Aschthoreth, Anata et Kadesch de manière à faire bien voir qu'ils en connaissaient et admettaient l'identité primitive.

Hathor est la divinité spéciale de l'établissement d'Ouadi-Magarah, fondé à la suite des conquêtes du roi Snéfrou à côté des mines de cuivre de la région des Anou du Sinaï. A Karnak (2) elle est nommée « dame du pays de Poun, » c'est-à-dire de l'Arabie méridionale (3), ce qui nous ramène précisément au pays où nous voyons le culte d'A't'tor en pleine vigueur. Les Egyptiens connaissaient très-bien la religion de l'Arabie et l'on peut trouver à ce sujet dans leurs monuments des informations tout à fait précieuses. Ainsi à Philae (4) la déesse Anoukis, qui semble d'origine extra-égyptienne, reçoit le surnom de « Ment, dame du Poun; » or, il est bien difficile de ne pas rapprocher ce nom de celui de l'idole que les Juifs adoraient dans leurs moments de paganisme (5), et il se localise plus spécialement dans la religion de l'Arabie si l'on se rappelle que la pierre sainte, objet du grand pèlerinage entre la Mecque et Médine jusqu'au temps de Mahomet, s'appelait Menat, (6).

Le symbole qu'accompagne l'inscription sur la gemme de M. Baltazzi et dans lequel M. DE LONGPERIER (7) a reconnu si ingénieusement la plante

(1) Mémoire sur les monuments des six premières dynasties, p. 6 et suiv.

(2) Voy. Brugsch, Geographische Inschriften altægyptischer Denkmæler, t. II, p. 16.

(3) Voy. Brugsch, Geographische Inschriften, t. II, p. 14 et suiv.
(4) lbid., t. II,
p. 16.

(5) Winer, t. II, p. 82.

(6) CAUSSIN DE PERCEVAL, Histoire des Arabes, t. I, p. 269; t. II, p. 649 et 688; t. III, p. 242.

(7) Description des médailles du cabinet Magnoncour, p. 88.

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