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duite du César. J'introduisais seulement la comparaison d'une échelle; je désapprouvais l'ambitieux qui veut la monter en sautant des échelons, et je louais celui qui cherche à s'approcher de la royauté par degrés.

» Plusieurs me répondirent : Cette manière de procéder est bonne pour le peuple, tandis que notre chef est déjà empereur.

Mais il ne règne pas, repris-je; et, si vous me permettez une observation, je vous dirai que le nom dont on qualifie votre système est peu honorable. Je m'exprimais ainsi, parce que je craignais de prononcer le mot usurpation. J'annonçai ensuite le projet de l'empereur d'adopter le César et de le nommer son fils.

Mais le fils de l'empereur sera-t-il privé du pouvoir?

Sans doute. C'est ainsi que les meilleurs souverains en ont agi. J'ai cité alors l'exemple du divin Constantin et de quelques autres qui ont conféré à leurs fils la dignité de César, et les ont ensuite nommés empereurs. Il s'agissait de leurs propres enfants, tandis que le prince qui est devant mes yeux n'est qu'un fils adoptif. Puis je m'arrêtai, après avoir prononcé le mot adoptif.

» Les auditeurs, comprenant bien mon intention, énoncèrent plusieurs des causes qui avaient amené la rébellion. «Je sais tout cela, leur dis-je, et j'en ai eu le cœur déchiré plus d'une fois. Sans doute vous avez beaucoup souffert, mais rien ne peut justifier la rébellion. » Puis, m'adressant au César: « Pour vous, Prince, vous n'avez pas été attaqué dans votre honneur. La seule chose dont vous puissiez vous plaindre, c'est de n'avoir pas obtenu ce que vous désiriez. Quant aux malheurs dont vous vous prétendez victime, ce n'est pas notre empereur qui en est cause, ce sont d'autres personnes. Renoncez donc à vos projets et revenez à un parti plus sage. Ayez soin de votre père pendant sa vieillesse, si vous voulez hériter du sceptre suivant les lois de l'empire. >>

>> Je parvins enfin à le convaincre en ajoutant quelques arguments nouveaux. Plusieurs voix confuses s'élevèrent alors derrière moi. Les uns prétendaient que mon éloquence était irrésistible; d'autres vantaient l'énergie de mes paroles, d'autres la puissance de mon argumentation.

» Comnène alors, commandant le silence : « L'orateur a parlé avec une grande indépendance; il a suivi la marche naturelle des événements et les a racontés de la manière la plus simple. Il ne faut donc pas troubler l'assemblée et interrompre notre entretien. »

» A ces mots, quelques-uns de ses amis s'écrièrent, sans doute pour m'intimider: « Mais, ô souverain, sauvez l'orateur qui est en danger. Plusieurs ont déjà l'épée hors du fourreau; ils le mettront en pièces au moment où il sortira d'ici. »

» Mais moi, me contentant de sourire : « Si, en récompense des honneurs et des avantages que je vous apporte, vous voulez attenter à mes jours, n'est-il pas vrai que vous êtes des tyrans et que vous vous accusez vous-mêmes? Vous voulez m'imposer silence et me faire changer d'opinion. Vos efforts seront vains; je resterai inébranlable; ma langue et mon cœur ne varieront point. »>

L'usurpateur alors se lève de son trône, comble Psellus de louanges et congédie l'assemblée. Puis, prenant les ambassadeurs en particulier, il leur avoue qu'il a été entraîné malgré lui dans la révolte. On épie tous ses mouvements, et il lui est impossible de fuir: « Si, ajoute-t-il, vous me faites le serment de rapporter fidèlement à l'empereur ce que je vais vous dire, je vous découvrirai tous les secrets de mon âme. Je ne demande pas maintenant le pouvoir souverain; le titre et les attributs de

César me suffisent. Que l'empereur donc m'adresse d'autres lettres dans lesquelles il me promettra de ne pas céder le pouvoir à un autre, de n'ôter à aucun de mes compagnons d'armes les dignités dont je les ai revêtus, et de me faire part d'une portion de la souveraineté, en me permettant de disposer des emplois subalternes et de quelques grades militaires. Ce que je demande là, c'est moins pour moi que pour les autres. S'il me fait ces promesses, je m'empresserai d'aller rendre à mon souverain et à mon père les honneurs que je lui dois. Toutefois, comme je fais ces aveux à l'insu de mes troupes, je vous remettrai deux lettres. L'une sera écrite conformément à leur volonté; je la leur donnerai pour qu'elles en prennent connaissance. Quant à l'autre, elle sera rédigée secrètement et devra rester ensevelie au fond de votre âme. Aujourd'hui nous passerons la journée ensemble; demain vous partirez. >>

Comnène fit ensuite asseoir les ambassadeurs à sa table, et leur donna l'occasion d'admirer son exquise politesse. Car le prince, laissant de côté toute étiquette, était devenu très-familier avec eux.

Le lendemain de bonne heure, avant de partir, ils vinrent prendre les lettres avec le cérémonial ordinaire et s'embarquèrent pour Constantinople. En arrivant, leur premier soin fut d'aller raconter à l'empereur tout ce qu'ils avaient vu et les secrets que l'usurpateur leur avait confiés. Ils lui remirent en même temps les doubles lettres dont ils étaient porteurs. Michel les lut plusieurs fois et leur fit répéter tout ce que Comnène leur avait dit. Enfin il les assura que son intention était de faire ce que ce dernier désirait; puis il ajouta : « Je mettrai mon sceau impérial à l'écrit qui mentionnera toutes mes promesses, et je confirmerai par serment qu'elles seront à tout jamais inviolables. Dites au prince que prochainement je le ferai participer à la puissance souveraine ; j'emploierai tous les moyens pour aplanir les obstacles qui pourraient s'opposer à cette mesure. Si j'hésite encore, qu'il me le pardonne. Je crains le peuple et le Sénat qui ne manqueront pas de désapprouver mon dessein. Afin donc d'éviter des troubles, je remets à un autre moment l'exécution de mes promesses; c'est là, j'en suis convaincu, le parti le plus sage à prendre. Partez donc vite, et retournez au plus tôt près du prince. »>

Le surlendemain ils se rendirent auprès de ce dernier. Son extérieur et son entourage étaient bien moins imposants que lors de leur première visite. Comnène reçut les lettres et en donna lecture en présence de toute l'armée. Cette lecture lui fit beaucoup d'honneur; parce qu'il fut prouvé qu'il consultait moins ses propres intérêts que ceux de ses amis.

Les ambassadeurs confient ensuite au prince tout ce que l'empereur leur avait dit secrètement. Ces nouvelles le comblent de joie. Il convoque immédiatement les troupes et leur fait savoir que, pour le moment, chacun doit retourner chez soi et attendre une occasion plus favorable. Puis il dit à Psellus et à ses compagnons que son intention est de se mettre à la discrétion de l'empereur. Ils partiront bientôt pour aller lui annoncer cette nouvelle. Quant à lui, le César, il les suivra de près, et, pour prouver sa confiance dans les promesses de son souverain, il entrera seul et sans pompe dans Byzance.

La veille du jour fixé pour le départ, des gens accoururent dès l'aurore pour le féliciter de ce que Michel Stratiotique avait déposé le pouvoir souverain par suite de la trahison du Sénat. Il avait été forcé de se déguiser et de se réfugier dans le temple de Sainte-Sophie. Cette nouvelle fit peu d'impression sur Comnène. Les ambassadeurs eux-mêmes n'en furent pas autrement troublés. Ils pensaient que c'étaient de faux

bruits inventés à dessein. Mais bientôt les nouvelles se succèdent les unes aux autres, chacune venant confirmer la première. Ils se trouvèrent alors dans une grande perplexité.

Ils se décident à se rendre à la tente du César. Ce dernier était occupé à dicter une lettre pour l'empereur. Il leur répéta ce qu'il leur avait dit précédemment. Les événements ne l'avaient point changé. Il sortit avec eux en dehors de sa tente. Au même moment arriva un homme tout couvert de sueur et pouvant à peine parler. Il annonçait la déchéance de Michel et les préparatifs qu'on faisait dans Constantinople. Un bâtiment était prêt à recevoir Comnène, et une foule de gens attendaient avec des torches. Il affirmait avoir tout vu de ses propres yeux. Il finissait à peine son récit, lorsqu'il en arriva un autre, puis un autre, et tous ensemble dirent la même chose. Enfin se présenta un personnage recommandable à tous égards, lequel raconta les détails de ce triste drame. C'est alors seulement que le prince se décida à croire la nouvelle. Il fit rentrer les ambassadeurs dans leur tente et organisa tout pour son départ.

Quant à Psellus, il était désespéré. La vie lui était à charge. Il sentait qu'il lui en fallait faire le sacrifice. Il croyait que tout le monde était contre lui; sa seule ressource était de s'abandonner à son malheureux sort. Il redoutait surtout le nouvel empereur; il l'avait engagé à redevenir presque un simple citoyen, ce qui lui faisait craindre un châtiment sévère. Pendant que ses collègues dormaient, il attendait à chaque instant l'arrivée des bourreaux. Au moindre bruit il était frappé d'épouvante. et se croyait sur le point d'être égorgé. C'est en proie à de pareilles frayeurs qu'il passa une partie de la nuit. Vers le matin il fut un peu plus calme. Il lui semblait que son malheur serait moins horrible, s'il était mis à mort pendant le jour. Ayant fait quelques pas en dehors de sa tente, il aperçut de tous les côtés des feux et des torches; la confusion paraissait régner partout.

Bientôt l'ordre du départ est donné et on se dirige vers la ville. Le soleil n'était pas levé lorsque l'empereur monta à cheval et se mit en route. Tous le suivaient. Psellus, tristement préoccupé de son sort, réfléchissait aux moyens de se justifier, et de lui expliquer pourquoi il l'avait engagé à accepter les propositions du souverain déchu. Sur ces entrefaites Comnène le fait appeler, et, oubliant tout ce qui s'était passé entre eux, il commence à lui parler des affaires secrètes de l'Etat. Il le consulte et lui demande comment il doit s'y prendre pour mériter d'être rabgé parmi les meilleurs souverains. Psellus reprend courage. Il répond à tout et cherche à mériter son approbation. Après s'être entretenu avec lui, l'empereur fait venir les deux autres ambassadeurs et leur communique ses idées, tout en les priant de lui prêter leur assistance.

Comnène est bientôt entouré de tous les citoyens qui accouraient de divers côtés. Les uns portaient des flambeaux en son honneur, comme pour une divinité, les autres lui offraient de l'encens, d'autres cherchaient tous les moyens de lui plaire et d'attirer ses regards. Tous le fêtaient. On dansait autour de lui, et son entrée dans la ville ressemblait à celle d'un dieu. Non-seulement le peuple, le Sénat, les négociants, les laboureurs, célébraient cette fête, mais aussi ceux qui cultivent les muses, les philosophes, les habitants des montagnes et même les ermites. Tous quittaient leurs rochers, leurs antres, leurs collines; renonçant à leurs contemplations célestes, ils descendaient dans les plaines, dans les hippodromes; et assiégeaient l'entrée des palais impériaux.

Le nouvel empereur, doué d'un esprit supérieur, ne se laissait point aller au sentiment de l'orgueil, Connaissant les changements et les

revers de la fortune, il n'était point ébloui et conservait le plus grand calme. Se retournant vers Psellus : « Sage philosophe, dit-il, je crois que cette félicité est pleine de dangers, et j'ignore si tout ceci finira heureu

sement.

Vous soulevez là un problème de haute philosophie. J'ai lu des traités très-savants, ainsi que des livres remplis de prières ferventes ayant pour but de rendre le destin favorable. Il résulte de mes lectures que celui qui passe d'une vie malheureuse à une vie heureuse fait changer en même temps et pour toujours sa destinée. En parlant ainsi, je me conforme à la doctrine des anciens Grecs. Quant à notre dogme chrétien, il ne comporte pour nous rien de prédestiné. Nous ne sommes soumis à aucune nécessité absolue, et la fin a toujours de l'analogie avec les actions antérieures. Si donc, négligeant les conseils suggérés par une sage philosophie, vous vous laissez éblouir par l'éclat de votre situation actuelle, la justice divine vous arrêtera dans vos succès. Dans le cas contraire, tout vous réussira; ainsi ayez bon espoir. Dieu n'est pas jaloux des biens qu'il nous envoie souvent il continue à protéger ceux qu'il a comblés d'honneurs et de félicités. Commencez sur moi-même la pratique de la vertu. Ne me haïssez pas de ce qu'étant venu auprès de vous en qualité d'ambassadeur, je me suis permis de vous parler avec liberté. J'avais mission de le faire, et je n'ai pas voulu trahir la confiance que l'empereur avait mise en moi. Non pas que je fusse animé de mauvais sentiments à votre égard, mais mon attachement pour lui m'en faisait un devoir. >>

Pendant que Psellus parlait, les yeux de Comnène s'étaient remplis de larmes. Ce dernier reprit : « J'aime mieux la langue sévère qui alors me disait de dures vérités, que la langue dorée qui aujourd'hui me comble de louanges et de flatteries. Ainsi que vous me le recommandez, je vais commencer sur vous l'exercice de la vertu. Je fais de vous le meilleur de mes amis, et je vous nomme président du Sénat. »

Cependant la journée s'avançait. Il était déjà midi. On entre dans le port. Bientôt paraît le vaisseau impérial. Le peuple jetait des fleurs devant l'empereur et poussait des exclamations de joie. Comnène monta sur ce vaisseau, et, après avoir traversé la Propontide, il entra dans la capitale de l'empire, ayant à ses côtés Michel Psellus et les deux autres ambassadeurs.

C'est ainsi, presque naturellement, que fut installé le nouveau souverain. L'histoire byzantine est pleine de turbulences, d'anarchies et de catastrophes du même genre. De ces deux empereurs, l'un, Michel Stratiotique, incapable de régner, est chassé de son palais, et se retire à Constantinople dans la maison qu'il occupait avant de monter sur le trône. L'autre, Isaac Comnène, se fera d'abord chérir de ses peuples, en les gouvernant avec sagesse; mais, bientôt dégoûté des grandeurs humaines, il abdiquera, et, prenant l'habit monastique, il ira finir ses jours dans le monastère de Studium, où il n'acceptera que les fonctions les plus humbles. >>

Séance du vendredi 9.

PRÉSIDENCE DE M. DE LONGPÉRIER.

M. LE PRÉSIDENT informe l'Académie que M. le Secrétaire perpétuel, quittant Paris pour quelques semaines, a chargé M. WAL

LON de le remplacer en son absence. En conséquence, il appelle M. WALLON au bureau.

M. LE PRÉSIDENT annonce à l'Académie la mort de M. BOECKI, associé étranger, et se fait l'interprète des sentiments douloureux que cause à la compagnie la perte de ce savant illustre.

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M. le Secrétaire dépose sur le bureau de l'Académie trois brochures destinées au prochain concours des Antiquités nationales, par M. Morin, professeur à la Faculté des lettres de Rennes. I. Les BRITANNI: Essai d'ethnographie (Paris et Rennes, 1862, in-8°); - II. Remarques sur les contes et les traditions populaires des Gaels de l'Ecosse occidentale (sans date), in-8°; III. De l'état des forces romaines en Bretagne vers le ve siècle, d'après la Notice des dignités de l'Empire (sans date), in-8°. Le concours des Antiquités de 1868 n'étant ouvert qu'aux ouvrages publiés dans le cours des années 1866 et 1867, la première de ces brochures ne peut y prendre part. Pour les deux autres qui sont sans date, l'auteur sera prié de faire connaître à quelle époque elles ont été publiées.

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M. LITTRÉ fait hommage à l'Académie de la 16e livraison de son Dictionnaire de la langue française.

M. HAURÉAU offre le tirage à part de son Mémoire sur l'Eglise et l'Etat sous les premiers mérovingiens.

M. Ch. Robert, correspondant, écrit à l'Académie pour lui offrir le commencement de son ouvrage sur les légions romaines.

Sont encore offerts à l'Académie les ouvrages suivants :

4° Nouvelles leçons sur la science du langage, par M. Max Müller, correspondant de l'Académie (traduction française de MM. Harris et Perrot). T. 1: Phonétique et étymologie (Paris, 1867, 4 vol. in-8°).

2o Le Mahabharata, trad. par M. Hipp. Fauche, t. vire (Paris, 1867, 4 vol. in-8°).

3o Le Mahabharata, etc., Examen critique de la traduction de M. Hipp. Fauche, par M. Hauvette-Besnault (br. in-8°, extr. du Journal asiatique). 4o La Turquie à propos de l'Exposition universelle de 1867, par M. Frans Outendirck (Paris, 1867, in-8°).

5o Etudes scandinaves, par M. E. Beauvois. (4 vol. in-8°).

6o Histoire légendaire des Francs et des Burgondes aux III et 1Ve siẻcles (1 vol. in-8°), par le même.

7° Etude sur l'Aréopage athénien, thèse présentée à la Faculté des lettres de Paris, par M. Ern. Dugit, ancien membre de l'Ecole française d'Athènes (Paris, 1867, in-8°).

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