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CATHOLIQUE,

RECUEIL RELIGIEUX,

PHILOSOPHIQUE, SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE.

TOME TROISIÈME.

PARIS.

IMPRIMERIE DE E.-J. BAILLY ET Cie,

PLACE SORBONNE, No 2.

M DCCC XXXVII.

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L'UNIVERSITÉ

CATHOLIQUE.

« Nous avons annoncé qu'un de nos collaborateurs | pas se répandre ici en de longs discours, s'occupait d'un travail assez étendu au sujet du déplorable écrit de M. de Lamennais; nous en communiquons à nos lecteurs les premiers chapitres. >>

CHAPITRE I,

Observations préliminaires.

Ces dernières années ont vu un fait bien rare dans les annales de l'Église. En s'exilant loin d'elle, M. de Lamennais n'a été accompagné par aucun de ceux qui avaient partagé ses travaux. Tous se sont rangés à la droite du vicaire de Dieu, et ils n'ont suivi que de leurs regards tristes celui qui s'engageait à gauche, dans une route qui conduit on ne peut dire où. Est-ce là comme une scène du jugement dernier ? Nous devons garder, nous gardons avec amour, une espérance meilleure. Dieu voit, dans le passé, des mérites qui montent vers lui comme une prière, et la mémoire de Dieu est misé ricordieuse. Rien ne nous est aussi consolant que cette pensée, rien si ce n'est le désir, que Dieu lit aussi dans le fond de notre âme, de donner, s'il le fallait, tout notre sang pour obtenir à Tertullien tombé la grâce d'une seule larme.

Nous devions accorder à notre douleur particulière les premiers mots de cet écrit, mais nous sentons qu'elle ne doit

et qu'il lui sied bien de s'ensevelir dans une douleur plus sainte, dans la commune douleur de l'Église. Les gémissemens de cette mère divine sont grands, toutefois ce n'est point sur elle qu'elle gémit. Depuis dix-huit siècles, l'épouse de Jésus-Christ est endurcie aux persécutions et aux apostasies, et elle use, avec ses genoux, la pierre du scandale, à force de s'y prosterner pour prier en faveur de ses ennemis. Depuis le renoncement de saint Pierre, nulle défection, nulle chute ne l'étonne. Elle sait qu'à toutes les époques de tribulations, il se rencontrera des disciples infidèles qui diront aussi : Je ne l'ai pas connue, non novi, et qu'ils la renieront à la voix d'une servante passionnée et turbulente, qui prend presque toujours le nom de liberté. Celui qui, dans son zèle emporté, aura tiré l'épée pour en frapper Malchus, celui qui aura souvent blessé de sa dure et sanglante parole le front de ses adversaires, tombera; il tombera sous le coup de ses propres malédictions, afin que tous comprennent que la charité est la meilleure sauvegarde de la foi. A l'aspect de cette chute, une douleur profonde consterne les cœurs fidèles, mais ils n'en sont point troublés. Pluscet esprit sera tombé de haut, plus vivement ils sentiront que leur foi a d'autres bases qu'un respect superstitieux pour la changeante et chétive chose qu'on appelle le génie de l'homme; dans les âmes catholiques, il n'y a point de fétichisme

envers le talent. Si une étoile s'éteignait dans le ciel, aurions-nous besoin pour cela d'être rassurés dans notre foi à l'ordre du monde ?

Lorsque ces grands scandales viennent contrister l'Église, il arrive presque toujours que l'apostasie présente certains caractères qui, indépendamment du fond des choses, établissent des préjugés légitimes contre elle et prémunissent les faibles contre la séduction. Dieu force la nouvelle hérésie à imprimer elle-même sur son front et sur ses mains, suivant l'expression de l'Écriture, le signe de l'aveuglement et de la chute.

Ainsi, d'abord, M. de Lamennais déclare que jusqu'au dernier moment, il n'avait pas compris ce que c'était que le catholicisme. Il avait passé sa vie à l'étudier; il avait écrit un livre sur la tradition de l'Église; il avait traité dans d'autres écrit les questions les plus fondamentales sur l'origine, les caractères et l'étendue du pouvoir spirituel ; et il avait fait tout cela sans se douter au fond de quoi il parlait, sans savoir à quoi l'engageait la profession de la foi catholique. Il disait pourtant alors que la doctrine catholique était un fait palpable, éclatant comme le soleil, que rien n'était plus facile que de la connaître, qu'un catéchisme et du bon sens suffisaient pour cela. Eh bien! ce fait palpable lui avait échappé ; ce soleil, il ne l'avait pas vu; ce catéchisme, il ne l'avait pas compris. Si cela est, quel aveuglement inoui dans sa vie passée! Si cela n'est pas, quel aveuglement plus prodigieux que de se persuader à faux qu'il a été aveugle! Aveuglement pour aveuglement, lequel des deux est le plus probable? Est-ce lorsqu'il confiait à ses notes sur l'Imitation de Jésus-Christ de si humbles et de si touchantes prières pour être préservé de l'orgueil, père des ténèbres, est-ce alors que Dieu le frappait de cécité? ou bien les écailles ne sont-elles tombées de ses yeux que lorsqu'au moment de sa condamnation, dans ce terrible combat intérieur entre l'humilité et la révolte, il a laissé entrer dans son cœur cette parole: Je n'obéirai pas, non serviam! En général, on croit peu aux aveugles qui n'auraient commencé à voir clair qu'à P'instant même où la foudre les a touchés,

M. de Lamennais déclare aussi que le premier et principal mobile de sa résistance a été son attachement à des idées politiques incompatibles avec la doctrine proclamée par Rome. C'est pour retenir ces idées qui aboutissent, en dernière analyse, à présenter la république comme le seul gouvernement légitime, c'est pour cela qu'il s'est décidé à rompre avec l'Église catholique, Sa propre expérience aurait dû lui apprendre pourtant à ne pas s'appuyer, avec une confiance aussi absolue, sur ses opinions politiques du moment. Je ne dis point ceci pour le blesser, Dieu m'en est témoin; je le dis, parce que, dans un aussi grand scandale, il faut tout dire. M. de Lamennais a été le juif errant de la politique. Il a été tour à tour monarchique comme M. de Bonald et la chambre de 1815, bourbonnien comme M. de Châteaubriand, ultraroyaliste comme le Drapeau blanc, ligueur comme le duc de Guise et démocrate comme Carrel. Il n'y a pas, sur le terrain des questions sociales, une pierre solide ou un vain tas de poussière, sur lequel il ne soit monté successivement en criant à haute voix: Voici le fondement du monde! Et, chaque fois; c'était avec la même confiance dans son opinion, le même ton tranchant, le même mépris pour ses adversaires assez stupides ou assez vils pour ne pas répéter avec lui : Voilà le fondement du monde ! Après tant d'inconstances, il lui siérait bien, ce semble, d'être moins hautain envers ce qui n'a jamais varié: les vagabonds doi. vent être humbles. Dieu avait permis tout cela afin que, le jour où M. de Lamennais renierait l'Église au nom d'une théorie politique, il fût dépouillé de toute autorité personnelle précisément en cette matière même, et que ses convictions nouvelles fussent décréditées d'avance par ses perpétuelles variations.

Dieu a permis aussi qu'une autre marque, qui attriste tous les regards de son sinistre éclat, rendit visible à tous l'excès de son aveuglement. Quand j'entends dire que le prêtre d'un Dieu de paix vénère, dans les insurgés de l'anarchie, les martyrs du dix-neuvième siècle, ou que le traducteur de l'Imitation fraternise avec la femme qui a écrit Lělia, je vois le bandeau sur ses yeux, et sur son front le

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