DEDICAC E. pag. X. (*1.) Herodote raconte qu'après le meurtre du faux Smerdis , les fept libérateurs de la Perse s'étant assemblés, pour délibérer sur la forme de Gouvernement qu'ils donneroient à l'Etat , Otanès opina fortement pour la république; avis d'autant plus extraordinaire dans la bouche d'unSatrape, qu'outre la prétention qu'il pouvoit avoir à l'Empire, les grands craignent plus que la mort une forte de Gouvernement qui les force à respecter les hommes. Otanès, comme on peut bien croire, ne fut point écouté ; & voyant qu'on alloit procéder à l'élection d'un Monarque , lui qui ne vouloit ni obéir ni commander , céda volontairement aux autres Concurrens fon droit à la couronne, demandant pour tout dédommagement d'être libre & indépendant, lui & fa postérité ; ce qui lui fut accordé. Quand Herodote ne nous apprendroit pas la restriction qui fut mise à ce Privilége, il faudroit nécessairement la supposer; autrement Otanès, ne reconnoissant aucune forte de Loi & n'ayant de compte à rendre à N2 personne; personne, auroit été tout puissant dans l'Etat & plus puissant que le Roi même. Mais il n'y avoit guéres d'apparence qu'un homme capable de se contenter en pareil cas d'un tel privilége, fût capable d'en abuser. En effet, on ne voit pas que ce droit ait jamais causé le moindre trouble dans le Royaume, ni par le sage Oranès, ni par aucun de ses defcendans. PRE FACE. pag. LIII. (*2.) Dès mon premier pas je m'appuye avec confiance sur une de ces autorités refpectables pour les Philosophes, parce qu'elles viennent d'une raison solide & sublime qu'eux seuls savent trouver & fentir. Quelque intérêt que nous ayons à nous à connoître nous-mêmes, je ne sais fi nous ,, ne connoiffons pas mieux tout ce qui n'est » pas nous. Pourvûs par la Nature d'orga„ nes uniquement destinés à notre conserva„ tion, nous ne les employons qu'à recevoir », les impressions étrangeres , nous ne cherchons qu'à nous répandre au dehors, & à exifter 27 is exister hors de nous ; trop occupés à mul tiplier les fonctions de nos sens & à aug„ menter l'étendue extérieure de notre être, „ rarement faisons-nous usage de ce sens in„ térieur qui nous réduit à nos vrayes di mensions , & qui sépare de nous tout ce qui n'en est pas. C'est cependant de ce sens dont il faut nous servir, si nous voulons. „ nous connoître ; c'est le seul par lequel „ nous puissions nous juger. Mais comment donner à ce sens fon activité & toute son étendue? Comment dégager notre Ame, dans laquelle il réside, de toutes les illusions de » notre Esprit ? Nous avons perdu l'habitude „ de l'employer , elle est demeurée sans exer cice au milieu du tumulte de nos sensations corporelles, elle s'est defsechée par le feu de nos passions ; le cæur , l’Esprit , le sens travaillé contre elle. Hift. Nat. T. 4. p. 151. de la Nat. de l'hom 2 tout a » me. DISCOUR S. pag. 10. (*3.) Les changemens qu'un long usage de N 3. mars marcher sur deux pieds a pu produire dans la conformation de l'homme, les rapports qu'on observe encore entre ses bras & les jambes antérieures des Quadrupedes , & l'induction tirée de leur maniére de marcher, ont pu faire naître des doutes sur celle qui devoit nous être la plus naturelle. Tous les enfans commencent par marcher à quatre pieds & ont besoin de notre exemple & de nos leçons pour apprendre à se tenir debout, II y a même des Nations Sauvages , telles que les Hottentots qui, négligeant beaucoup les Enfans, les laissent marcher sur les mains fi longtemps qu'ils ont ensuite bien de la peine à les redresser ; autant en font les enfans des Caraïbes des Antilles. Il y a divers exemples d'hommes Quadrupedes ; & je pourrois entre autres citer celui de cet Enfant qui fut trouvé en 1344. auprès de Hesse où il avoit été nourri par des Loups, & qui disoit depuis à la Cour du Prince Henri, que s'il n'eût tenu qu'à lui , il eût mieux aimé retourner avec de vivre parmi les hommes. Il avoit tellement pris l'habitude de marcher comme çes animaux , qu'il fallut lui attacherdes piéces de eux que de bois qui le forçoient à se tenir debout & en équilibre sur ses deux pieds. Il en étoit de même de l'enfant qu'on trouva en 1694. dans les forêts de Lithuanie & qui vivoit parmi les Ours. Il ne donnoit , dit Mr. de Condillac, aucune marque de raison, marchoit , sur ses pieds & sur ses mains, n'avoit aucun langage & formoit des sons qui ne ressembloient en rien à ceux d'un homme. Le petit Sauvage d'Hanovre qu'on mena il y a plusieurs années à la Cour d'Angleterre ; avoit toutes les peines du monde à s'assujettir à marcher sur deux pieds : & l'on trouva en 1719. deux autres Sauvages dans les Pyrenées, qui couroient par les montagnes à la maniére des quadrupedes. Quant à ce qu'on pourroit objecter que c'est le priver de l'usage des mains dont nous tirons tant d'avantages ; outre que l'exemple des singes montre que la main peut fort bien être employée des deux maniéres cela prouveroit seulement que l'homme peut donner à ses membres une deftination plus commode que celle de la Nature, & non que la Nature a destiné l'homme à marcher autrement qu'elle ne lui enseigne. MAIS N4 |