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Crime d'ofer prendre quelquefois le parti de la raifon contre l'avis de la multitude. Nec quidquam felicitati humani generis decederet, fi, pulfa tot linguarum pefte & confufione, unam artem callerent mortales, & fignis, motibus, geftibusque licitum foret quidvis explicare. Nunc vero ita comparatum eft, ut animalium que vulgò bruta creduntur, melior longè quàm noftra hâc in parte videatur conditio, ut pote que promptiùs & forfan felicius, fenfus & cogitationes fuas fine interprete fignificent, quàm ulli queant mortales, præfertim fi peregrino utantur fermone. If. Voffius, de Poëmat. Cant. & Viribus Rythmi, p. 66.

Pag. 59:

(11.) PLATON montrant combien les idées de la quantité difcrette & de fes rapports font néceffaires dans les moindres arts, e moque avec raifon des Auteurs de fon temps qui prétendoient que Palaméde avoit inventé les nombres au fiége de Troye, comme fi, dit ce Philofophe, Agamemnon eût pu ignorer jufques-là combien il avoit de jambes? En effet, on fent l'impoffibilité que la

fociété

connus,

fociété & les arts fuffent parvenus où ils étoient déja du temps du fiége de Troye, fans que les hommes euffent l'ufage des nombres & du calcul: mais la néceffité de connoître les nombres avant que d'acquérir d'autres connoiffances, n'en rend pas l'invention plus aisée à imaginer; les noms des nombres une fois il est aisé d'en expliquer le fens & d'exciter les idées que ces noms représentent: mais pour les inventer, il fallut, avant que de concevoir ces mêmes idées, s'être pour ainfi dire familiarifé avec les méditations philofophiques, s'être exercé à confidérer les êtres par leur feule effence & indépendamment de toute autre perception; abftraction très-pénible, très-métaphyfique, très-peu naturelle, & fans laquelle cependant ces idées n'euffent jamais pu se transporter d'une espéce ou d'un genre à un autre, ni les nombres devenir univerfels. Un fauvage pouvoit confidérer féparément fa jambe droite & fa jambe gauche, ou les regarder enfemble fous l'idée indivisible d'une couple, fans jamais penfer qu'il en avoit deux; car autre chose eft l'idée représentative qui nous peint un objet,

& autre chofe l'idée numérique qui le détermine. Moins encore pouvoit-il calculer jufqu'à cinq: & quoiqu'appliquant fes mains l'une fur l'autre, il eût pû remarquer que les doigts fe répondoient exactement, il étoit bien loin de fonger à leur égalité numérique. Il ne favoit pas plus le compte de fes doigts que de fes cheveux; & fi, après lui avoir fait entendre ce que c'eft que nombres, quelqu'un lui eût dit qu'il avoit autant de doigts aux piedis qu'aux mains, il eût peut-être été fort furpris, en les comparant, de trouver que cela étoit vrai.

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(*12.) IL ne faut pas confondre l'Amour propre & l'Amour de foi-même; deux paffions très-différentes par leur nature & par leurs effets. L'Amour de foi-même est un sentiment naturel, qui porte tout animal à veiller à

fa

propre confervation, & qui, dirigé dans l'homme par la raifon, & modifié par la pitié, produit l'humanité & la vertu. L'Amour propre n'eft qu'un fentiment relatif, factice, &

né dans la fociété, qui porte chaque individu à faire plus de cas de foi que de tout autre, qui infpire aux hommes tous les maux qu'ils fe font mutuellement, & qui eft la véritable. fource de l'honneur.

Ceci bien entendu, je dis que dans notre état primitif, dans le véritable état de nature, l'Amour propre n'existe pas ; Car chaque homme en particulier fe regardant lui-même comme le feul Spectateur qui l'obferve, comme le feul être dans l'univers qui prenne intérêt à lui, comme le feul juge de fon propre mérite, il n'est pas poffible qu'un fentiment qui prend fa fource dans des comparaifons qu'il n'eft pas à portée de faire, puiffe germer dans fon ame. Par la même raifon, cet homme ne fauroit avoir ni haine ni défir de vengeance, paffions qui ne peuvent naître que de l'opinion de quelque offenfe reçue; & comme c'est le mépris ou l'intention de nuire, & non le mal qui conftitue l'offenfe, des hommes qui ne favent ni s'apprécier ni fe comparer, peuvent fe faire beaucoup de violences mutuelles, quand il leur en revient quelque avantage, fans jamais s'offenfer réciproqueR 4

ment,

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ment. En un mot, chaque homme ne voyant guéres fes femblables que comme il verroit des Animaux d'une autre efpéce, peut ravir la proye au plus foible ou céder la fienne au plus fort, fans envisager ces rapines que.comme des événemens naturels fans le moindre mouvement d'infolence ou de dépit, & fans autre paffion que la douleur ou la joye d'un bon ou mauvais fuccès.

Pag. 116.

(13.) C'EST une chofe extrémement remarquable que depuis tant d'années que les Européens fe tourmentent pour amener les Sauvages des diverfes contrées du monde à leur maniere de vivre, ils n'ayent pas pu encore en gagner un feul, non pas même à la faveur du Chriftianisme; car nos Miffionnaires en font quelquefois des Chrétiens, mais jamais des hommes Civilifés. Rien ne peut furmonter l'invincible répugnance qu'ils ont à prendre nos mœurs & vivre à notre maniére. Si ces pauvres Sauvages font auffi malheureux qu'on le prétend, par quelle inconcevable dé

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