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tous, parlant fans ceffe de befoin, d'avidité d'oppreffion, de défirs, & d'orgueil, ont transporté à l'état de Nature, des idées qu'ils avoient prifes dans la fociété; ils parloient de l'Homme Sauvage, & ils peignoient l'homme Civil. Il n'eft pas même venu dans P'efprit de la plupart des nôtres de douter que l'état de Nature eût exifté, tandis qu'il eft évident, par la lecture des Livres Sacrés, que le premier Homme ayant reçu immédiatement de Dieu des lumieres & des Préceptes, n'étoit point lui-même dans cet état; & qu'en ajoutant aux Ecrits de Moïfe la foi que leur doit tout Philofophe Chrétien, il faut nier que, même avant le Déluge les hommes fe foient jamais trouvés dans le pur état de Nature, à moins qu'ils n'y foient retombés par quelque événement ex

traor

traordinaire Paradoxe fort embarraffant à défendre, & tout à fait impoffible à prou

ver.

COMMENÇONS donc par écarter tous les faits car ils ne touchent point à la quef

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tion. Il ne faut pas prendre les recherches dans lefquelles on peut entrer fur ce fujet, , pour des vérités historiques, mais feulement pour des raifonnemens hypothétiques & conditionnels; plus propres à éclaircir la Nature des chofes, qu'à montrer la véritable origine, & femblables à ceux que font tous les jours nos Phyficiens fur la formation du Monde. La Religion nous ordonne de croire que Dieu lui-même ayant tiré les Hommes de l'état de Nature, ils font inégaux parce qu'il a voulu qu'ils le fuffent; mais elle ne nous défend pas de for

mer

mer des conjectures tirées de la feule nature de l'homme & des Etres qui l'environnent, fur ce qu'auroit pu devenir le Genre-humain, s'il fût refté abandonné à lui-même. Voilà ce qu'on me demande, & ce que je me propofé d'examiner dans ce Difcours. Mon fujet intéreffant l'homme en général, je tâcherai de prendre un langage qui convienne à toutes les Nations; ou plûtôt, oubliant les temps & les lieux, pour ne fonger qu'aux hommes à qui je parle, je me fuppoferai dans le Lycée d'Athenes, répétant les Leçons de mes Maîtres, ayant les Platons & les Xenocrates pour Juges, & le Genre humain pour Auditeur.

Homme, de quelque Contrée que tu fois, quelles que foient tes opinions, écoute; Voici ton histoire telle que j'ai cru`la lire,

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non dans les Livres de tes femblables qui font menteurs, mais dans la Nature qui ne ment jamais. Tout ce qui fera d'elle, fera vrai: Il n'y aura de faux que ce que j'y aurai mêlé du mien fans le vouloir. Les temps dont je vais parler font bien éloignés: Combien tu as changé de ce que tu étois ! C'est pour ainfi dire la vie de ton espéce que je te vais décrire d'après les qualités que tu as reçues, que ton éducation & tes habitudes ont pu dépraver, mais qu'elles n'ont pu détruire. Il y a, je le fens

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un

âge auquel l'homme individuel voudroit s'arrêter; Tu chercheras l'âge auquel tu defirerois que ton Efpece fe fût arrêtée. Mécontent de ton état prefent, par des raisons qui annoncent à ta Poftérité malheureuse de plus grands mécontentemens encore, peut-être

voudrois-tu pouvoir rétrogader; Et ce fentiment doit faire l'Eloge de tes premiers ayeux, la critique de tes contemporains, & l'effroi de ceux qui auront le malheur de vivre après toi.

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