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je vous fupplie de le pardonner à la tendre affection d'un vrai Patriote, & au zéle ardent & légitime d'un homme qui n'envisage point de plus grand bonheur pour lui-même que celui de vous voir tous heureux.

Je fuis avec le plus profond respect,

MAGNIFIQUES, TRÈS HONORÉS, ET SOUVERAINS SEIGNEURS,

A Chamberi le Votre très-humble & très-obéif2 Juin 1754. fant ferviteur & Concitoyen,

JEAN JAQUES ROUSSEAU.

L

A plus utile & la moins

avancée de toutes les con

noiffances humaines, me pa

roît être celle de l'homme

(*2.), & j'ose dire que la feule in- (*2.) fcription du Temple de Delphes contenoit un Précepte plus important & plus difficile que tous les gros Livres des Moraliftes. Auffi je regarde le fujet de ce Difcours, comme une des queftions les plus intéressantes que la Philofophie puiffe propofer, & malheureusement pour nous, comme une des plus épineufes que les Philofophes puiffent réfoudre: Car comment connoître la fource de l'inégalité parmi les hommes, fi l'on ne commence par

****

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les

re,

les connoître eux-mêmes ? & comment l'homme viendra-t-il à bout de fe voir tel que l'a formé la Natuà travers tous les changemens que la fucceffion des temps & des chofes a dû produire dans fa conftitution originelle, & de démêler ce qu'il tient de fon propre fonds d'avec ce que les circonftances & fes progrès ont ajoûté ou changé à son état primitif ? Semblable à la ftatue de Glaucus, que le temps, la mer & les orages avoient tellement défigurée, qu'elle reffembloit moins à un Dieu qu'à une bête féroсе l'ame humaine altérée au fein de la fociété par mille caufes fans ceffe renaiffantes, par l'acquisition d'une multitude de connoiffances & d'erreurs par les changemens arrivés à la conftitution des corps, & par le choc con

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tinuel des paffions, a, pour ainsi dire, changé d'apparence, au point d'être presque méconnoiffable; & l'on n'y retrouve plus, au lieu d'un être, agissant toûjours par des principes certains & invariables, au lieu de cette célefte & majestueuse fimplicité dont fon Auteur l'avoit empreinte, que le difforme contrafte de la passion qui croit raisonner & de l'entendement en délire.

Ce qu'il y a de plus cruel encore c'est que tous les progrès de l'Espéce humaine, l'éloignant fans ceffe de fon état primitif, plus nous accumulons de nouvelles connoiffances, & plus nous nous ôtons les moyens d'acquérir la plus importante de toutes, & c'eft

& que

en un fens à force d'étudier l'homme,

que nous nous fommes mis hors d'état

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Il eft aifé de voir que c'eft dans ces changemens fucceffifs de la conftitution humaine, qu'il faut chercher la premiere origine des différences qui diftinguent les hommes, lefquels d'un commun aveu font naturellement auffi égaux entr'eux, que l'étoient les animaux de chaque espéce, avant que diverses causes Physiques euffent introduit dans quelques-unes les variétés que nous y remarquons. En effet, il n'eft pas concevable que ces premiers changemens, par quelque moyen qu'ils foient arrivés, ayent altéré tout à la fois & de la même maniére tous les Individus de l'efpéce; mais les uns s'étant perfectionnés ou détériorés, & ayant acquis diverfes qualités bonnes ou mauvaises, qui n'étoient point inhérentes à leur Natu

re,

les autres refterent plus longtemps. dans

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