Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

mes ainfi forcés à fe tenir raffemblés. D'ailleurs, ils fe feroient difperfés, fi le mal avoit été rapide, & que ç'eut été un changement fait du jour au lendemain; mais ils naiffoient fous le joug; ils avoient l'habitude de le porter quand ils en fentoient la pefanteur, & ils fe contentoient d'attendre l'occafion de le fecouer. Enfin, déja accoutumés à mille commodités qui les forçoient à fe tenir.raffemblés, la difperfion n'étoit plus fi facile que dans les premiers temps, où nul n'ayant besoin que de foi-même, chacun prenoit fon parti fans attendre le confentement d'un autre.

Pag. 137.

2

(*14.) LE Maréchal de V*** contoit que dans une de fes Campagnes, les exceffives friponneries d'un Entrepreneur des Vivres ayant fait fouffrir & murmurer l'armée, il le tança vertement & le menaça de le faire pendre. Cette menace ne me regarde pas, lui répondit hardiment le fripon, & je fuis bien aise de vous dire qu'on ne pend point un homme qui difpofe de cent mille écus. Je ne fais comment cela fe fit, ajoûtoit naïvement le Maréchal; mais en effet il ne fut point pen

pendu, quoiqu'il eût cent fois mérité de l'être.

Pag. 169.

(*15.) LA juftice diftributive s'oppoferoit même à cette égalité rigourcufe de l'état de Nature, quand elle feroit pratiquable dans la fociété civile ; & comme tous les membres de l'Etat lui doivent des fervices proportionnés à leurs talens & à leurs forces, les Citoyens à leur tour doivent être diftingués & favorisés à proportion de leurs fervices. C'eft en ce fens qu'il faut entendre un paffage d'Ifocrate dans lequel il loue les premiers Athéniens d'avoir bien fu diftinguer quelle étoit la plus avantageufe des deux fortes d'égalité, dont l'une confifte à faire part des mêmes avantages à tous les Citoyens indifféremment, & l'autre à les diftribuer felon le mérite de chacun. Ces habiles politiques, ajoûte l'orateur, banniffant cette injufte égalité qui ne met aucune différence entre les méchans & les gens de bien, s'attachérent inviolablement à celle qui récompense & punit chacun felon fon mérite. Mais premiérement il n'a jamais exifté de société, à quelque dégré de corruption qu'elles aient pu parvenir, dans laquelle on ne fit au

Cune

cune différence des méchans & des gens de bien; & dans les matieres de moeurs où la Loi ne peut fixer de mesure affez exacte pour fervir de regle au Magiftrat, c'est très-fagement que, pour ne pas laiffer le fort ou le rang des Citoyens à fa discrétion, elle lui interdit le jugement des perfonnes pour ne lui laiffer que celui des actions. Il n'y a que des mœurs auffi pures que celles des anciens Romains qui puiffent fupporter des Cenfeurs, & de pareils Tribunaux auroient bientôt tout bouleverfé parmi nous : C'est à l'eftime publique à mettre de la différence entre les méchans & les gens de bien: le Magiftrat n'eft juge que du droit rigoureux; mais le peuple est le véritable juge des mœurs; juge intégre & même éclairé fur ce point, qu'on abuse quelquefois, mais qu'on ne corrompt jamais. Les rangs des Citoyens doivent donc être réglés, non fur leur mérite perfonnel, ce qui feroit laiffer au Magiftrat le moyen de faire une application prefque arbitraire de la Loi, mais fur les fervices réels qu'ils rendent à l'Etat & qui font fufceptibles d'une estimation plus exacte.

FIN

BIBLIOTH

PB LA VILLE DE LYON

« ZurückWeiter »