tiennent donc à la classe des lacs de bordure (Randsee). A l'exception du Nahuel-Huapi, du Viedma et de l'Argentin, tous ont été capturés par les affluents du Pacifique.

Ces lacs sont les témoins de nappes immenses qui remplissaient la dépression longitudinale à l'époque post-glaciaire. Le Lacar, le Lolog, et, le Huechu Lafquen étaient jadis réunis; le Nahuel Huapi s'étendait à un demidegré plus au sud-ouest, jusqu'à la passe Bariloche; le lac du Général-Paz était

FIG. 44.
TERRASSES SUR LES BORDS DU LAC DE BUENOS-AYRES, MONTRANT LE RETRAIT DES EAUX
AU FUR ET A MESURE DE LA PROGRESSION DE LA CAPTURE AU PROFIT DU VERSANT PACIFIQUE.

également beaucoup plus vaste, de même que le Buenos-Ayres, le Viedma, etc. Le niveau atteint par ces lacs post-glaciaires est indiqué partout par de nombreuses terrasses. D'autre part, nombre de nappes ont disparu, et, autour de leurs cuvettes aujourd'hui à sec, apparaît un étagement de lignes d'anciens rivages aussi net qu'au fameux lac de Bonneville. Ces bassins se déversaient vers l'est, c'est-à-dire, vers l'Atlantique; leurs anciennes lignes de côtes présentent toutes une inclinaison générale dans cette direction, et, à leur extrémité orientale s'ouvrent, à la place de la Pré-Cordillère des plaines sillonnées d'anciens lits de cours d'eau. C'est, pendant cette phase lacustre, qu'a débuté l'évolution du réseau. Par les vallées transversales, les lacs ont commencé à se vider dans le Pacifique, et, peu à peu, au fur et à mesure des progrès de l'érosion, leur

LA GEOGRAPHIE. III.

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niveau a baissé. Sur les bords de certaines nappes, on trouve jusqu'à dix terrasses étagées. Le videment de ces bassins a dû être déterminé par le soulèvement de la plaine patagone.

Une fois le réseau lacustre ramené aux dimensions qu'il a aujourd'hui, les phénomènes de capture ont continué, comme le montre l'étude des différents lacs sub-andins. Des rivières, jusque-là conséquentes, sont devenues subséquentes, certaines même obséquentes, suivant les termes introduits par le professeur W. M. Davis dans le vocabulaire géographique. Le versant oriental de la Cordillère des Andes doit être considéré désormais comme le terrain classique par excellence pour l'étude de l'évolution des réseaux hydrographiques. Toutes les vallées de cette région offrent des exemples de capture. Le lac Lacar, qui se déverse aujourd'hui vers le Pacifique par le rio Huahum, s'écoulait primitivement vers l'Atlantique, par le rio Collon Cura. Trois lits de rivière, aujourd'hui à sec, jalonnent ses anciens émissaires, et, le rio Quilquihué qui se rend à l'Atlantique n'est séparé de cette nappe, que par des terrasses fluvioglaciaires qu'il serait facile de couper. Sur les bords du Lacar, six terrasses, et, quatre dans la vallée du rio Huahum, correspondent aux stades de creusement de la vallée transversale.

Un autre exemple de capture s'observe au lac Mascardi, ancienne branche du Nahuel Huapi isolée par des dépôts, soit fluviatiles, soit glaciaires. Aujourd'hui, cette nappe (783 m.) s'écoule par le rio Manson, vers le Pacifique, alors que le lac Gutierrez (785 m.), dont il n'est séparé que par deux cônes d'alluvions, se déverse dans le Nahuel Huapi, et, de là, dans l'Atlantique.

Autour du 42° de Lat. S., la dépression longitudinale est drainée par le rio Puelo. Là encore il y a eu capture. Les affluents du lac Epuyen, la nappe la plus orientale de cette vallée, ne sont séparés du rio Chubut, qui va à l'Atlantique, que par un marais dont l'emplacement sur certaines cartes récentes est occupé par une crète neigeuse. Ce sont des rivières décapitées devenues obséquentes, après avoir été conséquentes.

Dans la section de la dépression longitudinale occupée par le bassin du rio Fetaleufeu, on retrouve également de nombreuses preuves du changement de direction éprouvé par les cours d'eau. En plusieurs endroits, la Pré-Cordillère présente de larges solutions de continuité occupées par des plaines marécageuses à travers lesquelles les rivières se déversaient à une époque antérieure vers l'est. Par celle du Cholila-Maiten passait, par exemple, l'émissaire du grand lac post-glaciaire qui a rempli le bassin du Fetaleufeu, jusqu'au moment où le creusement de la vallée transversale a permis l'écoulement des eaux vers l'est et l'abaissement de leur niveau.

Plus au sud, à l'est de la colonie argentine, 16 de Octubre, le recul du bassin atlantique est remarquablement apparent. Dans une dépression de la Pré

Cordillère occupée par une plaine, la ligne de partage des eaux est formée par un dépôt glaciaire, dont le relief ne dépasse pas 4 mètres, et, serpente au milieu de lits de rivières aujourd'hui à sec.

Une autre coupure de la Pré-Cordillère (43° 10′), la Pampa de Corintos, renferme une cuvette aujourd'hui vide qui unissait les lacs de la dépression longitudinale aux affluents de l'Atlantique. Huit terrasses très nettes marquent le recul des eaux. La décision de l'expert anglais sera très intéressante; elle décidera si cette série de plaines, de marais, et, de dépôts morainiques qui isole le bassin atlantique de celui du Pacifique, constitue la Cordillère des Andes.

Il serait trop long de passer en revue tous les cas de capture des lacs et des rivières de la dépression longitudinale au profit du versant pacifique, d'autant qu'ils se présentent, pour ainsi dire, pour chaque cours d'eau. Bornons-nous à indiquer que ce même changement hydrographique s'est produit pour le lac du Général-Paz et pour le rio Frias.

Le lac La Plata, situé plus au sud, s'écoule vers l'Atlantique, mais, lui aussi, se déversera en sens inverse, dans un avenir prochain. A l'ouest et au nordouest de cette nappe, des lacs dont les émissaires vont au Pacifique ne sont séparés de nappes tributaires du La Plata que par de minces dépôts glaciaires, que l'érosion aura bientôt percés; probablement, à travers ces couches meubles se produisent même déjà des infiltrations.

Cette évolution du réseau hydrographique est très rapide, comme on peut le reconnaître dans la plaine par laquelle la ligne de partage des eaux passe entre le rio Aisen et le rio Mayo (45° 50′). En 1888, la Laguna Blanca était tributaire de l'arroyo Chalia, affluent du Mayo; quelques années plus tard, l'émissaire avait cessé de fonctionner, et, en 1896, son lit ne renfermait plus que quelques ruisselets.

Le lac de Buenos Ayres est un autre très curieux exemple de capture. Juste en face de l'extrémité orientale de cette nappe s'ouvre une large dépression occupée par deux rivières coulant en sens inverse : l'une se rend au rio Deseado, en Patagonie, l'autre, le rio Fenix, après s'être dirigé du nord-ouest au sud-est, tourne brusquement à l'ouest, pour aller au lac de Buenos-Ayres et de là au Pacifique. Le cours supérieur, conséquent, appartenait jadis à l'affluent du Deseado, et, le cours inférieur, aujourd'hui obséquent, est l'ancien émissaire du lac. A l'est du coude formé par le rio Fenix, une cuvette vide et des lits de rivière à sec jalonnent l'ancienne jonction de l'éffluent du Buenos Ayres avec la rivière atlantique. En ce point, le rio pacifique n'est isolé du rio patagon que par une mince nappe de débris détritiques. Un éboulement de la berge constituée par des graviers a suffi pour modifier le régime hydrographique! Cette capture est toute récente, peut-être même, date-t-elle de la période historique. En 1535, le rio Deseado était une grande rivière, du moins des documents historiques le représentent comme

tel; en 1876, lorsque le Dr Moreno le visita pour la première fois, son lit ne

contenait plus que quelques flaques d'eau. Il est permis de penser que ce desséchement est en relation avec les phénomènes de capture relatés plus haut.

Pour prouver l'instabilité du régime hydrographique sur le versant oriental de la Cordillère des Andes, le D' Moreno a introduit l'expérience en géogra