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voyageurs

plus à l'est la grande route de Tok-soun utilisée depuis lors par les russes, Prjévalsky (en 1876) et Regel (en 1879) étant passés plus à l'ouest dans les mêmes montagnes.

Malgré les rigueurs d'un hiver exceptionnel, tel que depuis quinze ans on n'en avait pas vu ici d'aussi rude, notre voyage se fit sans accident, en suivant l'itinéraire indiqué.

En dehors de son intérêt géographique, je tenais à visiter le massif des Tien-shan, parce que, dans ses pâturages, sont campées deux des plus puissantes tribus mongoles, les Tourgouts et les Khoshots. Les premiers habitent la partie occidentale du massif, les seconds la partie orientale; ils ont été établis dans ces territoires par le gouvernement chinois, après leur émigration hors du territoire russe, en 1770, sous la conduite du célèbre Oubashi ou Oushe-khan. Le Khan actuel des Tourgouts, son descendant direct, habite à 40 kilomètres à l'ouest de Kara-shar, et, a sous ses ordres trois autres rois ou princes secondaires qui portent les titres mongols de pei-le, de kun et de djassak. Le roi (pei-le) des Koshots est campé à 30 kilomètres au nord-est de la ville, près du Bagratch-koul, avec deux djassaks, l'un près du lac à 10 kilomètres de Kara-shar, l'autre à Tchaghan-toungai, à 50 kilomètres plus au nord-est. Ce sont ces derniers que j'ai spécialement visités et dont j'ai traversé le territoire, sur le versant méridional des Tien-shan, le versant nord, inhabité en cette saison, dépendant nominalement du Khan des Tourgouts.

Parti de Kara-shar, le 8 janvier, avec trois hommes et trois chevaux de bat, je me dirigeai, d'abord, vers le sud-est, en longeant les bords du Bagratchkoul, pour visiter, en son camp de Tebiligi-tai, le roi des Khoshots, dont j'ai parlé plus haut. Ce jeune homme, âgé de vingt-quatre ans, à la figure fine et intelligente, m'accueillit fort bien et me donna les guides et les ordres nécessaires pour traverser son territoire. Piquant au nord-est, nous entrâmes dans les montagnes pour déboucher, le surlendemain, sur le plateau de Tchaghantoungai (en mongol: les roseaux blancs), où habite le djassak dont il a été question plus haut.

Continuant l'ascension des montagnes vers le nord, nous franchîmes, deux jours après, une première passe appelée Boro-tai-amen (en mongol: le col de la station grise), à 3 860 mètres d'altitude, pour redescendre dans la gorge d'Oussou-tai (la station de la rivière), torrent gelé, orienté vers l'est. Le lendemain, nous passions trois cols successifs appelés: Argan-tai-amen (le col de la station du confluent?), dont le plus élevé a 3780 mètres d'altitude. Descendant, vers le nord-est, la gorge du torrent, également gelé, de Zouroum-tai, nous débouchames, le lendemain, sur le vaste plateau qu'arrose la rivière Alougour (Algoy sur les cartes), près d'un ancien fort abandonné. Cette région, depuis Teha ghan-toungai, est inhabitée et inhabitable en cette saison aussi fus-je très surpris d'y trouver, installées sur la glace, près de 200 grandes tentes de Kir

ghiz émigrant de la région comprise entre Ouroumtchi et Tarbaga-tai. Ces Kirghiz ou Khassaks seraient chassés, disent-ils, par le manque de pâtu rages; ceux que j'ai vus ne formaient que l'avant-garde de l'émigration et 2000 tentes seraient prêtes à les suivre. Il est curieux que ces pâturages des Khassaks, jadis considérés comme les meilleurs de la région, soient aujourd'hui insuffisants à les nourrir; aussi croirais-je plus volontiers à la raison que certains m'ont donnée de leur émigration, à savoir, les vexations et les exactions des autorités chinoises. Ils sont venus chercher un refuge dans les montagnes, d'où leur présence chassera bientôt les Mongols, plus faibles, moins nombreux, et, moins hardis.

Comme on a pu le voir par ce qui précède, deux séries de cols correspondant à deux chaînes de montagnes, séparent le plateau de Tchaghan-toungai de la vallée de l'Alougour: il n'était marqué jusqu'ici qu'une seule chaîne sur les cartes les plus récentes; par contre deux autres y sont portées entre l'Alougour et Ouroumtchi or il n'en existe qu'une en réalité, c'est la chaîne des Hai-shan (montagnes noires) que nous franchîmes par un col situé à 2870 mètres d'altitude. A partir de là, nous descendîmes sur le versant nord du massif, beaucoup plus froid que l'autre; dans les gorges on trouve de grands sapins, dont il est question dans les livres chinois. On remarquera la faible altitude des cols traversés, dont aucun n'atteint 4000 mètres ceci me rend très douteuse la découverte, faite au nord-ouest de ma route par le voya. geur russe Groum Grjimaïlo, d'une montagne de 6000 mètres, le Dos Megen Ora. Comme il ne l'a vue que de loin, en longeant le pied des Tien-shan, il en aura très probablement exagéré la hauteur par une illusion d'optique fréquente en ces régions. Il m'a été, en tout cas, impossible d'apercevoir, du haut des cols traversés, cette montagne, qui aurait dû les surplomber de beaucoup.

En continuant notre route vers le nord, nous arrivàmes, dix jours après notre départ de Kara-shar, à Ouroumtchi (en chinois : Ilong-miao-tse, la pagode rouge, ou Ti-hoa-fou), capitale de la nouvelle province du Sin-Kiang. Il est curieux que cette cité, l'une des plus grandes et des plus importantes de l'Asie centrale, comptant 40 000 habitants, n'ait été visitée jusqu'ici que par quelques voyageurs russes; cela tient à sa situation dans un pays pauvre et froid, en dehors des routes habituelles aux explorateurs, qui préfèrent passer par les oasis plus agréables de Kashgarie. Cependant le commerce étranger est ici aussi important que celui même de Kashgar et les statistiques des douanes russes montrent que, pour l'exportation au moins, il passe plus de marchandises par le poste frontière de Djarkend, pour se diriger de là sur Kouldja et Ouroumtchi, que par Irkechtam sur Kashgar. Ce commerce est fait presque entièrement par des musulmans, sujets russes, originaires du Ferghanah (Andidjanlyks) ou d'Orenbourg (Nogaïs). On en compte près de 200 dans la

seule région d'Ouroumtchi; des maisons de commerce purement chinoises, principalement de Tien-tsin, y ont aussi leurs représentants. A côté du gouverneur chinois du Sin-Kiang (fou-tai) est placé depuis ces dernières années un consul russe chargé des intérêts des sujets du Tsar ci-dessus indiqués; l'escorte de 40 Cosaques qui lui est donnée, suivant la règle constante de la politique russe en Chine, lui assure, pour la protection de ses nationaux et la défense de leurs intérêts, un prestige, et une autorité qui manquent souvent aux consuls d'autres nations.

D'Ouroumtchi je me suis rendu à Kouldja, en longeant le versant nord des Monts Célestes, et, un mois après, je franchissais à Korgos, près de Djarkend, la frontière russe, juste un an après mon départ de Pékin, ayant ainsi, pendant ce temps, traversé, de l'est à l'ouest, toute l'Asie centrale.

Le reste du voyage s'effectua par le Semiretché, le Turkestan russe, la Caspienne et le Caucase, d'où j'effectuai une reconnaissance en Arménie jusqu'au pied du mont Ararat, et, de là, par Batoum, la mer Noire et Constantinople, je rentrai en France d'où j'étais parti deux ans et demi auparavant, ayant accompli entièrement le programme qui m'avait été tracé.

CHARLES-EUDES BONIN.

Mission Gendron au Congo français

Explorations de la brigade Jobit

(PLANCHE 4)

DU GABON A L'ALIMA

Notre colonie naissante du Congo français a été, au début de 1899, partagée entre plusieurs sociétés concessionnaires dont le domaine est défini par les cours des rivières ou les lignes de faîte séparant leurs bassins. La détermination de ces limites, dans ces régions à peine connues, sera une œuvre de longue haleine, dont le soin a été laissé aux sociétés intéressées, suivant les progrès de leur pénétration vers l'intérieur. Les levers que devront exécuter leurs agents, raccordés entre eux, constitueront, dans quelques années, la carte de ces régions, carte dont la valeur dépendra de l'exactitude du canevas géodésique sur lequel on les aura reportés.

C'est ce canevas géodésique, sorte de colonne vertébrale destinée à porter l'édifice géographique du Congo français, que la mission Gendron avait. entrepris d'établir, en juin 1899. Deux grandes lignes avaient été déjà fixées par les travaux, d'une haute valeur scientifique, de M. de Brazza le long du cours de l'Ogooué, et de M. Mizon, entre Franceville et Concouati. Il restait à relier, soit par une chaîne de triangles, soit par une ligne de positions. géographiques certaines, relevées astronomiquement, les deux capitales de notre colonie équatoriale, Libreville et Brazzaville.

M. le commandant Gendron, qui disposait de six officiers et de trois sous-officiers, les répartit en deux brigades qui devaient avancer de chaque extrémité de la ligne, et se rencontrer dans le bassin de l'Alima. Lui-même, gardant MM. Bunoust, Larrouy et Martin, les sous-officiers Gibouleau et Papin, partit de Brazzaville, et, se dirigeant droit au nord, amorça pendant 60 kilomètres une triangulation régulière, très complète. Mais ces travaux furent interrompus par suite des graves événements du Chari, où nos topographes furent envoyés pour renforcer la mission Gentil.

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L'autre brigade, laissée à Libreville sous la direction du lieutenant Jobit,

LA GÉOGRAPHIE. III.

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comprenait MM. Læfler et Demars, lieutenants, et le maréchal des logis Chalet. Elle devait, d'abord, rechercher la meilleure route de terre reliant Libreville à N'Djolé, point terminus de la navigation à vapeur sur l'Ogooué. Là, au lieu de remonter le cours de l'Ogooué, que ses rapides ont fait délaisser comme voie commerciale, la brigade devait gagner Franceville par la vallée du N'Gounié, qui, espérait-on, serait une voie plus facile à la navigation.

Le lieutenant Lofler, se détachant vers le sud, devait compléter les explorations antérieures de la Nyanga et reconnaître les facilités de pénétration que ce fleuve peut offrir entre la côte et le bassin de l'Alima.

De Franceville, la deuxième brigade devait rejoindre la première à travers le plateau des Akokouyas, fermant ainsi la chaîne de leurs itinéraires. Seule, cette dernière partie du programme ne put être exécutée.

Indépendamment des résultats géographiques, dont nous parlerons à la fin de cette notice, les officiers de la brigade Jobit ont recueilli les renseignements suivants sur les régions encore inconnues qu'ils ont parcourues.

De la côte jusqu'à l'Ogooué, toute la partie du Congo français située au nord du 2o de Lat. S. est couverte d'une forêt vierge, très fourrée, riche en lianes à caoutchouc, en beaux bois durs, dont la faune se réduit à des éléphants et à des milliers de singes. C'est le prolongement de la forêt du Mayombé, si tristement connue par les voyageurs allant de Loango à Brazzaville. Sa puissante végétation arrête une quantité d'eau considérable, en même temps que son épais feuillage tamise les ardeurs du soleil et ramène la température aux limites très moyennes de 18°, la nuit, et, de 28°, à midi. Mais l'humidité constante dont est saturée l'atmosphère rend très pénible cette température peu élevée. Les brumes sont fréquentes pendant la saison sèche (de mai à septembre), et les tornades deviennent journalières durant la saison des pluies. Celle-ci n'a pas d'époque fixe pour toute la région. Plus on s'éloigne de la côte, plus elle est tardive; elle dure plus longtemps sur les districts montagneux et élevés, qui reçoivent presque constamment une petite pluie fine, sans préjudice des violents orages.

Après avoir signalé ce caractère général de la forêt équatoriale, nous allons exposer, pour chaque région traversée, les particularités qu'elle présente, au point de vue du relief du sol, de sa constitution géologique, des cours d'eau qui l'arrosent, des populations qui l'habitent et des ressources qu'elle peut offrir.

De Libreville à N'Djolé. - Le pays des Pahouins, entre Libreville e N'Djolé, est un ancien plateau où les cours d'eau tributaires du Gabon ou de l'Ogooué ont creusé des sillons, orientés du nord au sud, profonds de 50 mètres environ, à pentes très raides (30 à 40'). La mer a envahi la partie

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