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s'étend en longueur sur 25 kilomètres environ; la marée s'y fait sentir fortement, et, les jours de vent, le lac est déchaîné; il doit être d'une navigation difficile. La troisième grande nappe d'eau du territoire du Chubut est le lac Colhué, immense lagune aux eaux dormantes qui se dessèche de jour en jour. Les Indiens disent qu'il doit exister dans le fond de cette lagune un esprit absorbant journellement les eaux du Senguer qui viennent s'y jeter; en effet, le lit du Colhué se rétrécit progressivement et ses eaux n'ont aucun débouché apparent, car le rio Mico qui sort de la lagune a un débit peu considérable. Le système hydrographique du territoire de Chubut est, on le voit, très

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chaîne sont enserrés dans un filet aux mailles étroites de rivières et de cours d'eau qui assurent à cette contrée une fertilité et une richesse remarquables. Ce n'est pas ainsi qu'on a toujours envisagé la Patagonie; et, cependant, telle est, en réalité, au point de vue colonial, cette contrée que l'on croyait aride, laide, morose. La meilleure preuve de l'importance qu'ont déjà prise ces contrées est la lutte acharnée qui se poursuit depuis des années entre les deux républiques sud-américaines, l'Argentine et le Chili, pour la possession de la Patagonie.

On doit constater que le gouvernement argentin développe à grand frais la colonisation de ce territoire. Plusieurs ports viennent d'être crées dans le nord de la Patagonie (à Bahia-Blanca, à Puerta Madryn), et, des forces militaires importantes sont concentrées à Rocca, sur le rio Negro et dans la Pré-Cordillère. Rocca est maintenant relié par un chemin de fer à Buenos

Ayres, et, le télégraphe traversant toute la contrée met en communication les territoires les plus éloignés avec la métropole.

D'autre part, le Chili, par tous les moyens possibles, cherche à étendre sa domination de l'autre côté des montagnes. De là, une contestation de frontière entre cet État et l'Argentine. Le Chili réclame, en effet, comme limite de son territoire, la ligne de partage des eaux inter-océaniques, tandis que l'Argentine n'admet comme telle que l'arête de la chaîne principale des Andes. Là où ces deux lignes se confondent, les limites sont légalement reconnues par les deux Républiques. Mais, en Patagonie, sur un espace de cinq degrés de latitude au moins, l'axe andin principal et la division inter-océanique des eaux sont indépendants l'un de l'autre; aussi l'entente ne peut-elle pas s'établir. L'Argentine, dans le but de faire acte de possession, a fondé, au milieu de cette contrée, une colonie, « la colonie Diez y Seis de Octubre ». C'est à partir de ce moment que la discussion entre les deux nations s'est envenimée et que les explorations se sont succédé de part et d'autre. Grâce aux rapports de explorateurs et des colons, la Patagonie, principalement du côté des Cordillères, se révèle telle qu'elle est réellement : fertile et extrêmement pittoresque dans sa plus grande étendue; ce qui lui a valu, au nord, le nom de Suisse Andine, et, tout particulièrement dans la région litigieuse, le nom de Piémont Patagonien. L'aspect de son sol est des plus variés. Sa richesse du côté de la Cordillère stimule l'initiative du colon; ses ressources minérales et végétales n'attendent que le pic, la charrue et la hache pour être mises en valeur.

En outre, la Patagonie possède un précieux avantage : un climat salubre et tempéré. La plupart des terrains de la Patagonie sont propres à l'agriculture, quelques-uns le sont même à un haut degré. Tous les essais faits jusqu'à présent ont été couronnés de succès; on en a un exemple frappant dans la prospérité de la colonie galloise du Chubut, dont les blés sont de qualité supérieure, et ont obtenu, à l'Exposition universelle de 1889, la plus haute récompense décernée aux blés américains. Il y a deux ans encore, dans une exposition ouverte à Rome pour les produits de l'Amérique du Sud, les céréales du Chubut, blé, maïs, houblon, colza, etc., ont été magnifiquement représentés. En dehors des grandes céréales, tous les produits de notre pays ont été acclimatés là-bas; nos légumes et nos fruits rencontrent en Patagonie un terrain favorable à leur développement. Je me rappelle avoir mangé, dans le sud du territoire, des fraises sauvages d'un goût exquis; les versants des Andes, aux environs du lac Nahuel-Huapi, sont bordés de pommiers naturels donnant des fruits d'une grande saveur. Dans la province de Santa-Cruz, je trouvai une racine d'un goût très agréable; les Indiens tchuelches l'appellent <«<tchali ». Ce légume, qui tient de la pomme de terre et du salsifis, est inconnu en Europe, où il pourrait facilement être cultivé.

A côté de l'agriculture, une autre grande richesse de la Patagonie est l'éle

vage; les terres avoisinant les Andes, bien irriguées et bien abritées contre les vents, devraient regorger d'animaux; les essais déjà nombreux qui ont été tentés ont donné des résultats surprenants.

Des Anglais se sont rendus acquéreurs de grands terrains sur les rives du détroit de Magellan et dans la contrée comprise entre le 50° et le 55° de Lat. S.; ils y ont importé des moutons de race Lincoln qu'ils ont fait venir de leurs possessions des Falkland. Ces moutons s'étant acclimatés tout de suite, les troupeaux ont prospéré et les statistiques de plusieurs années établissent que l'effectif d'un troupeau de race Lincoln importé dans ce pays est doublé en

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trois ans. Durant ces trois années, la tonte de la laine a été un revenu constant. L'élevage des bêtes à cornes a également réussi merveilleusement; il est difficile, dans aucun pays, de manger de la viande de meilleure qualité, plus ferme et plus savoureuse.

En dehors de ces richesses, la Patagonie contient des mines d'or très importantes. Plusieurs filons ont été reconnus au rio Corintos et au lac Fontana; les échantillons soumis à l'analyse ont donné des rendements considérables. On rencontre aussi des alluvions aurifères. Une carte ancienne. intitulée « Mapa del pais del oro» laisse entrevoir une contrée pleine d'alluvions très riches. Un aventurier, Popper, que l'on avait surnommé le roi de la Patagonie, avait amassé une fortune par le lavage des sables aurifères, et, avait même été jusqu'à frapper monnaie avec le métal qu'il retirait des anciens lits des rivières.

D'autres minerais paraissent aussi avoir été exploités; les Indiens fabriquaient anciennement des bijoux martelés en argent pur; le métal qu'ils employaient a été appelé « argent pampa », pour le distinguer des alliages employés dans les objets d'argent de fabrication européenne.

Toute une immense contrée aux environs des lacs Colhué-Huapi et Munster semble très riche en minerai de fer; ma boussole fut folle durant les quelques jours pendant lesquels je circulai dans ce territoire; Burmeister, ayant, dans un voyage précédent, croisé ma route, observa le même phénomène.

De belles forêts, encore vierges dans leur plus grande étendue, ombragent les versants de la Cordillère, tandis que l'intérieur des terres est peu boisé. Ces forêts peuvent fournir à tout le territoire du bois de chauffage et des matériaux de construction de premier ordre. Les chemins nécessaires à leur exploitation sont faciles à ouvrir, grâce aux immenses vallées qui sillonnent, d'ouest en est, la Patagonie entière. Déjà plusieurs scieries mécaniques fonctionnent sur le détroit de Magellan.

Au nord, l'arbre le plus commun sur les versants des Andes est une espèce de pin; il disparaît presque complètement au sud, laissant la place à un arbre appelé improprement chêne « roble », mais, qui a beaucoup d'analogie avec le hêtre. Le « roble » atteint des tailles gigantesques; c'est un bois très résistant qui rend de grands services à l'industrie. Dans les canaux du détroit de Magellan, les forêts de pins reparaissent. Par leur contraste avec les glaciers environnants et la mer, elles donnent au paysage un aspect unique de beauté sauvage et grandiose. Les admirables panoramas des canaux du Beagle et de Smith ont été fréquemment décrits, et, les voyageurs qui ont visité les fjords norvégiens et ceux du détroit de Magellan n'hésitent pas à accorder la préférence à ces derniers.

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Mais ce ne sont point là les seules ressources de la Patagonie. Le colon trouve, sur les côtes de l'Atlantique et jusqu'au pied de la Cordillère, d'immenses salines; au bord de la mer, il peut se livrer à la pêche de la morue et tuer les phoques, qui y foisonnent, car ce coin du littoral est encore vierge de toute exploitation —. Des dépôts de guano pourront lui servir à engraisser les terres des hauts plateaux, moins riches que les terrains des vallées; il extraiera des carrières de pierre et des ardoisières, fréquentes dans l'intérieur, les matériaux nécessaires à la construction de sa maison; les hautes falaises qui bordent l'océan lui fourniront des amas inépuisables d'huîtres fossiles qui, calcinées, produisent une chaux très blanche.

Les nandous et les lamas ou guanacos, qui parcourent les hauts plateaux et les vallées de la Patagonie apportent aussi leur contingent de richesses au pays. Bien que la plume du nandou (Rhea Darwini) n'ait pas la valeur des plumes d'autruche d'Afrique, elle est d'une grande utilité dans l'industrie de luxe. Le guanaco, outre sa chair exquise, fournit une laine soyeuse ayant la

plus grande analogie avec la laine de vigogne. De grandes fabriques, installées au Pérou, l'emploient, m'a-t-on dit, avec succès.

En dehors des grands animaux, le colon trouve dans les plaines de la Patagonie des canards, des outardes, des perdrix, des lièvres, des tatous. Le seul animal féroce du pays est le puma, lion peu dangereux, que les Indiens tuent à coups de « bolladoras »; il n'existe, non plus, ni insectes, ni reptiles venimeux.

En un mot, l'émigrant qui se décidera à tourner ses yeux vers la Patagonie

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y trouvera un pays colonial-type. La preuve en est fournie par la colonie galloise du Chubut.

Fondé en 1865, par quelques émigrés du pays de Galles n'ayant d'autres capitaux que leurs bras, cet établissement a prospéré d'une façon surprenante, bien que les premiers arrivés aient eu à lutter contre des difficultés de toute sorte. Abandonnés de tous, même du gouvernement argentin, en lutte alors avec le Paraguay, ils ont triomphé de tout; en 1896, époque à laquelle je passais au Chubut, la colonie était complètement organisée à tous les points de vue. Elle occupait une étendue d'environ 500 kilomètres carrés. Trois villages y avaient été construits Rawson (366 habitants), Trelew (132 hab.) et Gaiman (118 hab.); ces trois centres étaient reliés par des routes le long desquelles s'échelonnaient des établissements agricoles prospères. La population totale de la colonie était de 2 529 habitants. Une route traversait le territoire de l'est à l'ouest, puis, se déroulant à travers la province, allait rejoindre la Cordillère dans la vallée Diez y Seis de Octubre. Ainsi, la colonie du Chubut, qui, auparavant, n'existait pas même de nom,

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