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du lagopède alpin, et, qu'à cette faune de toundra succéda une faune de steppes, composée de la gerboise, du porc-épic des steppes, du lagomys, du cheval sauvage, de l'hémione, du rhinocéros, du mammouth, et, à certains endroits, de l'antilope saïga. En d'autres termes, lorsque l'adoucissement du climat amena la transformation de la toundra en steppe, la faune changea également.

Il est intéressant de suivre les différents sorts que ces animaux subirent postérieurement. Les mammouths, les rhinocéros lanifères et plusieurs autres espèces disparurent. La faune des steppes existe, au contraire, encore dans l'est, en Russie et en Asie, tandis que les animaux de la toundra ont émigré dans l'extrême nord. Le bœuf musqué ne semble pas avoir été commun en Europe, et doit y avoir disparu de bonne heure. Si, au contraire, il avait survécu en Europe à l'époque glaciaire, il aurait dû, comme le renne, suivre la glace, au fur et à mesure de son retrait vers les Alpes scandinaves. Or, on n'a découvert en Scandinavie aucun reste de cet animal, et, il ne s'est point retiré non plus dans les toundras de Sibérie. Suivant toute vraisemblance, pour des causes qui nous sont inconnues, le bœuf musqué s'est éteint dans l'Ancien Monde dès l'époque glaciaire, tandis qu'il a continué à vivre dans l'Amérique du Nord. Lorsque les glaciers eurent disparu des régions septentrionales du Canada, le bœuf musqué s'y établit.

L'habitat de cet animal dans le nord de l'Amérique s'étend dans le nord-est (voir la carte ci-jointe). Il n'existe plus dans l'Alaska; aujourd'hui, son aire d'occupation, située au nord de la limite septentrionale des bois, est limitée par une ligne partant du Fort Churchill (baie d'Hudson) et rejoignant la côte de l'océan Arctique, à l'est de l'embouchure du Mackenzie; vers le nord, elle s'étend à travers les îles Parry et la terre d'Ellesmere jusqu'aux parties les plus septentrionales de la terre de Grinnel, puis, au delà du Robeson Channel, jusqu'au nord du 83° de Lat. Dans le Grönland septentrional, Peary a rencontré des bœufs musqués en abondance, même à l'Independence Bay (81°37′ de Lat. N.). La deuxième expédition arctique allemande, dirigée par Koldewey, (1869-1870) trouva des exemplaires de ce mammifère dans le Grönland oriental, jusqu'au 77° de Lat. N. - Leur nombre augmentait, à mesure qu'on avançait vers le nord. Il est donc hors de tout doute que le bœuf musqué existe encore plus au nord, le long de la côte orientale, jusqu'à l'Independence Bay où Peary l'a signalé. Vers le sud, les Allemands trouvèrent le bœuf musqué jusqu'à l'embouchure du fjord François-Joseph (73°). L'expédition danoise de Ryder (1891-1892) l'observa sur les bords du Scoresby Sound. De ce côté, il s'étend donc au sud jusqu'au 70°. Au delà du Scoresby Sound le bœuf musqué n'a pas été signalé. Ce fjord est donc la limite méridionale de l'habitat de cet animal sur la côte orientale du Grönland. Les recherches du lieutenant Amdrup nous éclaireront, sans doute, sur la cause de cet arrêt; peut-être

quelque nappe de glace s'étendant très loin en mer ou simplement la pauvreté de la végétation a-t-elle empêché les bœufs musqués de descendre au sud du Scoresby Sound où la végétation est si riche. En tout cas, c'est ici, et, non pas au cap Farvel, comme on l'a dit quelquefois, que se trouve la limite sud de l'aire occupée par ce mammifère dans le Grönland.

Sur la côte occidentale du Grönland, le bœuf musqué n'a jamais existé au sud de la baie Melville; il est donc inconnu dans tout le Grönland danois. Les glaciers couvrant presque entièrement les bords de la baie Melville, ont probablement arrêté ces animaux dans leurs migrations vers le sud. De nos jours, on n'a pas observé de bœuf musqué au sud du canal de Robeson (81° de Lat. N.); toutefois, on en a découvert des restes beaucoup plus loin, par 78° de Lat. N., sur les rives du détroit de Smith. Jadis, dit-on, deux bœufs auraient été tués par 76°30'. Suivant toute vraisemblance, la tribu d'Eskimos établie au nord du cap York a exterminé ce troupeau.

La date de l'arrivée du bœuf musqué sur la côte orientale du Grönland offre un très grand intérêt. En 1869-1870, comme je l'ai déjà dit, l'expédition Koldewey observa cet animal entre le 73° et le 77° de Lat. N.; en 1891-1892, Ryder en vit des exemplaires sur les bords du Scoresby Sound (70°-71°). Par contre, en 1822, lorsque les Scoresby père et fils visitèrent ce fjord, ils n'y rencontrèrent aucun bœuf musqué. Ce fait est d'autant plus remarquable que Scoresby le jeune visita le cap Stewart, dans le Hurry Inlet, et que, son père, à bord du Fame, pénétra très loin dans cette baie, jusqu'aux îles qui portent le nom de son navire. Des gens de l'équipage firent même une longue marche à travers la terre de Jameson; ils y découvrirent des lemmings, mais aucun bœuf musqué. En 1899, au cap Stewart, nous vimes, comme Ryder quelques années auparavant, plusieurs de ces animaux; nous en tuàmes même dans cette localité, de même que plus loin dans la baie, sur la rive occidentale, où ils étaient assez nombreux. De ce seul fait il serait prématuré de conclure que le bœuf musqué n'existait pas dans ces parages en 1822. Toutefois, il est remarquable qu'en 1823, Clavering ne vit, non plus, aucun de ces bovidés. Quelques degrés plus au nord, dans la région où les Allemands trouvèrent ces animaux en 1869-1870, Clavering fit une longue excursion en canot le long de la terre, depuis l'île Sabine jusqu'à celle qui porte son nom, passant devant l'ile Jordan Hill jusqu'au fond du Loch Fine, sans voir nulle part un bœuf musqué. Aujourd'hui, dans toutes ces localités on rencontre ce mammifère. En 1823, les Anglais ne trouvèrent pas, non plus, cet animal sur l'île Sabine, pendant les deux semaines durant

lesquelles Sabine y fit des observations; on ne découvrit également aucun vestige de cet animal. Pendant notre expédition de 1899 dans ces mêmes régions, nous tuâmes un assez grand nombre de ces mammifères et recueillîmes des cranes de ces animaux et des flocons de leur laine d'hiver. Puisque, ni Clavering, ni Sabine, ni les deux Scoresby n'ont observé la moindre trace de bœuf musqué dans ces parages, on serait tenté de supposer qu'en 1822-1823 cet animal n'avait pas encore immigré dans le Grönland oriental au sud du 75° de Lat. N. ou qu'il y était encore très rare. Plusieurs autres faits militent en faveur de cette opinion. Le long de la côte orientale, du 70° au 75° de Lat. N., sont éparses des ruines d'habitations d'Eskimos. Ces indigènes ont disparu après 1823; Clavering vit, sur l'île qui porte son nom, une famille de douze personnes; depuis, on n'a point rencontré d'êtres humains dans ces parages. Les anciennes habitations sont, comme d'ordinaire, entourées de kjökkenmöddings, dont les matériaux peuvent renseigner sur les espèces animales dont ces Eskimos se nourrissaient. Ces amas de débris de cuisine renferment des ossements de phoque, de narval, d'ours, de renard, de lièvre, de chien, d'oiseaux, etc., mais aucun os de bœuf musqué. Si, à l'époque où vivait cette tribu d'Eskimos, les bœufs musqués avaient été aussi nombreux qu'aujourd'hui, ils auraient été indubitablement pour elle un gibier précieux, non seulement à cause de leur chair, mais, aussi à cause de leur peau. L'absence complète, semble-t-il, de débris de bœuf musqué dans les kjökkenmöddings autorise à croire que cet animal n'existait pas dans le pays à l'époque où il était habité. Sur toutes les figurines découvertes jusqu'ici dans les ruines eskimos, on ne trouve aucune représentation de ce mammifère, tandis que celles de phoque, de renne, d'ours, de renard, de lagopède alpin, etc., sont très abondantes. Si un animal d'une forme aussi caractéristique que le bœuf musqué avait vécu dans la région, très certainement on en trouverait des représentations dans les œuvres artistiques de cette tribu polaire disparue.

Peut-être, des recherches ultérieures modifieront-elles l'opinion que je viens d'exprimer, car le bœuf musqué paraît avoir existé dans le Grönland à une époque encore plus reculée, antérieure à la présence des Eskimos. Nous trouvâmes, en effet, près d'un groupe d'anciennes huttes dans le fond du fjord François-Joseph, un très ancien crâne de bœuf musqué qui, probablement, avait été porté à la hutte à titre de curiosité; le crâne était si vieux que la substance cornée avait complètement disparu; il était couvert de lichens et tellement décomposé que les parties les plus solides, seules, restaient encore.

1. Ryder suppose qu'une dizaine de crânes de bœufs musqués qu'il a rencontrés sur les bords du Nordbugt (baie septentrionale), dans le Scoresby Sound, proviennent d'animaux tués par les Eskimos, qui auraient emporté la chair et la peau et abandonné les crânes. Pour ma part, je pense plutôt que ces débris de squelettes dérivent d'exemplaires tués par un baleinier; en effet, près du cap Broer Ruys, où un de ces baleiniers avait tué un certain nombre de bœufs musqués, en 1889, les corps avaient été emportés, tandis que les têtes avaient été laissées sur place.

Il datait évidemment d'une époque antérieure à la présence des Eskimos dans ces parages; pour s'en convaincre, on n'avait qu'à le comparer avec le crane d'un ours blanc et avec des ossements de renne, de phoque, de chien, etc., trouvés près de ces huttes. Un crâne semblable a été rencontré sur un autre point de la côte. Le bœuf musqué aurait donc existé au Grönland

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oriental, à une époque très reculée, puis, aurait disparu pour reparaître encore il y a soixante-dix à quatre-vingts ans. Si les kjökkenmöddings des Eskimos renfermaient des restes de cet animal, on pourrait supposer que cette espèce animale a été presque exterminée par ces indigènes, puis qu'après l'extinction des Eskimos, elle a, ensuite, reparu. Mais rien, aujourd'hui, ne vient à l'appui de cette hypothèse'.

1. Dans sa Fauna Grönlandica, Fabricius rapporte que, pendant son séjour dans le Grönland occidental, il reçut d'un Eskimo le crâne et d'autres parties d'un animal qu'il identifiait avec le yak ou bœuf grognant d'Asie (Bos grunniens). Ces débris avaient été trouvés sur la glace flottante. Plus tard, il rectifia cette détermination et montra qu'il s'agissait d'un bœuf musqué. Le glaçon, suppose-t-il, qui portait ces ossements devait provenir de l'est (de l'Amérique, à travers la région polaire), tandis que le D' Pingel prétend qu'ils sont venus du nord-ouest, directement de l'archipel polaire américain. Malheureusement, on ne sait pas au juste sur quel point de la côte occidentale ces restes ont été trouvés; on suppose que c'est près de Fredrikshaab. Si ce fait est exact, selon toute vraisemblance, ces ossements viendraient du Grönland oriental; ce serait, alors, une preuve que le bœuf musqué existait sur la côte est à la fin du siècle dernier. Le défaut de renseignements exacts sur la position de la côte où la trouvaille a été faite, empêche de tirer une conclusion certaine. Des boeufs musqués arrivés sur la glace dans le Grönland oriental et y ayant péri, ont pu être poussés avec la banquise loin dans le sud, comme le montre le renseignement fourni par M. G. Holm, d'après lequel des Eskimos de Sermiligak

Ni Scoresby, ni Clavering, ni Sabine n'ayant signalé le bœuf musqué dans le Grönland oriental, grande fut la surprise lors de la rencontre de cet animal par l'expédition allemande. Ce fut, dans l'ile Shannon, le 16 août 1869, que les explorateurs virent, à 600 pas devant eux, un animal « semblable au gnou ». On se perdait en conjectures sur ce gibier, lorsque, enfin, on reconnut un bœuf musqué. Ne soupçonnant pas la présence de ce mammifère dans ces parages, l'étonnement des naturalistes fut profond. En 1889, M. Knutsen, capitaine du baleinier l'Hekla, tua quelques bœufs musqués aux environs de l'île Clavering et au nord de cette île. L'expédition de Ryder abattit trois mâles à Hold with Hope, en 1891, une femelle et deux petits, au cap Stewart, en 1892. Pendant l'été 1898, le capitaine norvégien Næsö réussit à atterrir près de l'île de Clavering. Le succès de la chasse dans cette région et le prix élevé qu'il obtint pour les peaux de bœufs musqués l'engagea à retourner dans ces parages, l'année suivante, en compagnie de deux collègues. Si l'état de la glace continue à être aussi favorable qu'il l'a été ces deux dernières années, d'autres chasseurs viendront dans cette région; ce qui amènera, fatalement, une diminution très notable du nombre des bœufs musqués. En outre, de temps en temps ces animaux sont chassés par les baleiniers écossais qui visitent cette côte, mais ces marins n'atterrissent qu'exceptionnellement. L'équipage d'un de ces baleiniers, la Balaena, tua, en 1899, dix-huit bœufs musqués. C'était le seul baleinier écossais qui eût visité la côte orientale du Grönland, cette année-là.

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Quelques mots maintenant sur la place que ce mammifère occupe dans le règne animal. Comme l'indique son nom latin (Ovibos, boeuf-mouton), ce genre a été longtemps considéré comme intermédiaire entre les genres ovins et les genres bovins. Par ses formes il ressemble davantage au bœuf, mais il en diffère « par l'absence du fanon et par son museau nu, par sa queue très courte, par ses ongles qui sont inégaux entre eux, et par l'existence de deux mamelles » (Brehm). D'après Lydekker, qui, dans son grand ouvrage sur les espèces sauvages de bœuf, de mouton et de chèvre, a, en dernier lieu, traité cette question, le bœuf musqué appartient à un type « plus ou moins isolé et spécialisé, présentant une certaine affinité avec le mouton ». Jusqu'à présent on n'avait guère étudié que le squelette et les caractères extérieurs de l'animal. Nous avons conservé tous les organes internes de plusieurs exemplaires; ces pièces, à l'exception du cerveau, que le professeur Retzius étudie, ont été remises au docent E. Lönnberg, de l'Université d'Upsal. Cet anatomiste a publié le résultat des études auxquelles il s'est livré. Ces rechersur la côte orientale (au nord du 65° degré) ont trouvé, il y a quelques années, sur la glace un corps de bœuf musqué qu'ils ont mangé avec plaisir.

1. Selon M. Lönnberg (voir plus bas,) le nombre des mamelles est de quatre.

2. R. Lydekker, Wild oxen, sheep and goats at all lands, living and extinct, Londres, 1898. 3. E. Lönnberg, On the Soft Anatomy of the Musk-ox (Ovibos moschatus). in Procedings zool. Soc. London. Febr. 1900; On the Structure and Anatomy of the Musk-Or, in Ibid. Juin 1900.

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