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blessant au vif il s'est le premier blessé mortellement. Se trouve-t-il dans la douloureuse obligation d'adresser un blâme ou des réprimandes, qu'il s'efforce, pour ne les point rendre inefficaces, d'en atténuer le plus possible l'expression. Il faut savoir distiller goutte à goutte les vérités dures, et dissimuler sous des tournures adroites et polies les choses les plus sévères. Il n'y aurait pas moins d'injustice que d'inhabileté à formuler des critiques ou des plaintes trop générales et trop absolues; car, d'un côté, les ouailles les plus assidues aux instructions du pasteur, formant d'ordinaire la meilleure portion du troupeau, ce serait déverser les reproches sur ceux qui les méritent le moins (1); et, d'un autre, les vrais coupables fussent-ils présents, on risquerait fort de les exaspérer au lieu de les convertir en faisant, au contraire, une large part aux exceptions, on se ménagera le retour de ces derniers qui, naturellement portés à s'y ranger, se persuaderont volontiers qu'on a eu la charitable intention d'épargner leur amour-propre.

:

Un langage insinuant, affectueux, modéré, exercera beaucoup plus d'empire sur les cœurs obstinés et endurcis que la morgue, l'irritation, la rudesse ou la brusquerie (2);

(1) « Faire des reproches aux assistants, dit saint François de » Sales, c'est crier après les innocents, et laisser là les coupables qui n'y sont pas Dat veniam corvis, vexat censura columbas. » (2) Responsio mollis frangit iram (Prov. 15, 1.)- Une réprimande amère, des vérités désagréables, exprimées par des paroles piquantes, n'ont jamais corrigé personne. Quand les prêtres s'exhalent en reproches contre les pécheurs avec un ton acerbe et un visage enflammé, le peuple, au lieu de se figurer que le feu de leur zèle est allumé par la charité, les regarde comme des âmes vulgaires et semblables à lui. La modération du langage a seule la vertu de multiplier les amis et d'adoucir les ennemis : Verbum dulce multiplicat amicos, el mitigat inimicos (Eccli. 6, 5.) — La passion est un bandeau

car, ainsi que le fait sagement observer le docte et saint évêque de Carthage, on ne réussit à gagner ou à ramener les peuples à la foi qu'en préchant plùs affectione quàm potestate: - Instruite in spiritu lenitatis, avait dit avant lui le grand maître de la prédication évangélique; — Plùs ergà corrigendos agit benevolentia quàm austeritas, ajoutent, en les commentant l'un et l'autre, les vénérables Pères du Concile de Trente. Conviendrait-il au ministre d'un Dieu dont la clémence et la bonté sont l'attribut par excellence, de ne paraitre obéir, dans ses prònes, ses homélies ou ses sermons, qu'aux aigres impulsions de l'humeur ou de la colère (1)? En se montrant aux regards des fidèles dans un état de continuelle exaspération, ne leur semblera-t-il pas plutôt un démon qu'un ange, un déclamateur furibond qu'un digne et calme interprète de la vérité ? S'il ne faut pas que l'indulgence dégénère en mollesse, jamais non plus la fermeté ne doit se transformer en rigueur; car, nous ne saurions trop le redire, les suites de l'extrème sévérité ne sont pas moins

qui nous aveugle et nous empêche de mesurer la portée de nos paroles: Turbatus præ irâ oculus rectum non videt. (S. Bernard.) Turpe quidem est prælato cum irâ et austeritate corripere. (Petr. Bles.) · L'expression du courroux défigure les plus beaux visages: Facies turbatior pulcherrima ora fœdavit. (Senec.)—Saint François de Sales dit qu'il faut craindre de s'irriter même raisonnablement. La colère est comme un coursier fougueux et rebelle au frein, qui vous emporte on ne sait où. Aussi saint Augustin recommande-t-il de fermer soigneusement à cette passion la porte de son cœur.

(1) « Un prêtre, dit M. de Cheverus, ne doit jamais montrer de saillies ni de variations d'humeur dans son caractère; on ne doit pas lui voir ces accès brusques d'une âme aigrie, mécontente ou mélancolique, ni un ton de dureté dans les réprimandes pastorales qu'il fait à son peuple autrement, il aurait plutôt l'air d'un homme mu par la passion, que d'un ministre inspiré par la charité. »

redoutables que celles de l'extrême complaisance. Autant la douceur est captivante et persuasive, autant sont repoussantes la violence et la dureté. De nos lèvres donc, que n'inprégnera jamais la corrosive amertume du fiel mondain, découlera toujours le doux miel de l'Evangile (1), et nous ne cesserons de nous rappeler que, frères du Sauveur dont la tendre commisération les abritait miséricordieusement, les pécheurs sont, eux aussi, les enfants de notre céleste et commun père.

En principe général, un curé, dans les temps actuels, ne saurait trop adoucir et tempérer les formes de son langage en face de ses paroissiens. Le pasteur assez circonspect, assez maitre de lui-même pour mesurer avec sagesse la portée de ses paroles dans la chaire chrétienne, a, sur celui qui ne sait point y refréner l'intempérance de sa langue ou l'impétuosité de son caractère, un immense avantage : c'est de ne dire que ce qu'il faut, de le dire comme il faut, quand et devant qui il faut.

Résumons en peu de mots cette importante matière.

Pour obtenir des succès dans le ministère de la prédication évangélique, il est nécessaire de s'en acquitter avec une noble fermeté, toujours accompagnée de prudence et de modération. Or, cette indispensable modération consiste : 1o à garder, dans l'ardeur mème du zèle le plus légitime, un calme et un aplomb imperturbables, en sorte qu'on puisse dire du prédicateur comme de saint Etienne : Lingua clamat, cor amat; de là l'obligation de réprimer dans son cœur, sa voix ou son geste, toute espèce d'emportement ; 2° à savoir, tout en censurant les vices, les distinguer des hommes. vicieux, sans cesser d'aimer ceux-ci alors même qu'on flétrit

(1) Lingua eucharis in bono homine abundabit. (Eccl.)

ceux-là; 3° à s'interdire absolument les personnalités, et à ne jamais entourer la peinture des désordres, de descriptions tellement circonstanciées qu'elles en signalent les auteurs à l'animadversion publique (1); 4° à ne rien dire de triste ou de terrible sans y ajouter une parole de paix, de consolation et d'encouragement, c'est-à-dire, à verser quelques gouttes de miel dans le vase d'absinthe; 5° enfin, à ne point adresser aux innocents les reproches qu'ont seuls mérités les coupables, et à user envers ces derniers de tous les ménagements capables de les rappeler de la voie large dans la voie étroite, du chemin du crime dans le sentier de la vertu.

Voilà, s'écriera-t-on, bien des précautions et des difficultés! A cela nous ne faisons qu'une réponse; elle est courte, mais péremptoire la gloire de Dieu et le salut des âmes sont à ce prix.

(1) C'est surtout quand on exerce le ministère de la prédication dans les campagnes, qu'on doit, à cause du danger des applications, s'imposer la loi d'une extrême réserve. Il faut que les pécheurs, en écoutant un sermon, se condamnent en secret, mais sans avoir lieu de croire qu'ils sont montrés au doigt. L'usage de déclamer en chaire le dimanche contre des personnes coupables de désordres ou d'abus est des plus blåmables; c'est répandre le scandale au lieu de l'étouffer. Quelle imprudence et quelle impardonnable témérité, s'écrie saint Chrysostome, de faire du vice des peintures si détaillées, qu'on y reconnaisse sans peine telle ou telle personne de l'auditoire ou de la localité! La chaire est-elle donc un champ de bataille où nous soyons réduits à déchirer nos frères? ou plutôt n'est-elle pas le siége des miséricordes, d'où nous devons convertir les pécheurs par la mansuétude et la charité? Rien plus que cette indiscrétion de paroles, ajoute le même Père, n'est propre à discréditer notre ministère, à nous aliéner et à nous fermer le cœur de ceux qui nous écoutent.

VÉRITÉ ET DISCRÉTION DANS LA CHAIRE.

Si quelqu'un parle, dit saint Pierre, que Dieu paraisse parler par sa bouche (1). La doctrine pure de Jésus-Christ et la vérité seule doivent avoir accès dans la chaire évangélique. Retrancher quelque chose de l'enseignement céleste, ou y ajouter soit des détails arbitraires et incertains, soit des. opinions tout à fait personnelles, c'est se rendre prévaricateur. La règle générale est de ne proclamer que les articles de foi et les préceptes de morale ou de discipline ecclésiastique, et de ne condamner que ce qui est dangereux ou hétérodoxe.

Un curé manquerait donc à son devoir et encourrait le reproche que le Saint-Esprit adresse aux hommes d'amoindrir les vérités (2), en se bornant, par des considérations humaines ou d'autres motifs quelconques, à prêcher certaines parties de la doctrine catholique, laissant le reste dans l'oubli : Iota unum, aut unus apex, non præteribit à lege. Si nous voulions nous prêter aux caprices des gens du monde, il faudrait déchirer successivement toutes les pages de l'Evangile, et composer un enseignement élastique, une morale à l'eau de rose, pour l'usage des esprits superbes et des épicuriens qui infestent les paroisses. A l'imitation de saint Paul, on prêchera Jésus-Christ crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les gentils (3). De tout temps les sectaires et les chrétiens relâchés ont tenté d'arracher à l'Eglise des accommode

(1) Si quis loquitur, quasi sermones Dei (1 Petr. 4, 11.) (2) Diminulæ sunt veritates à filiis hominum (Ps. 11, 2.) (3) Nos autem prædicamus Christum crucifixum, Judæis quidem scandalum, gentibus autem stultitiam (1 Cor. 1, 23.)

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