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sations ou ses prònes la plus légère bévue! alors il doit s'attendre à être persifflé dans les veillées villageoises, chansonné par les ivrognes la bouteille à la main, raillé, hué quand on verra sa robe noire passer dans les rues, et lapidé par les calomnies jusque dans les lieux d'alentour. Opprimé, il s'entend traiter d'oppresseur : on dirait qu'abdiquer envers lui tout sentiment de justice est chose désormais passée en mode; et ceux-là même qui, par le monde ou dans la presse soi-disant libérale, le vilipendent à tout propos, le déchirent sans pitié, tournent en risée les efforts de son zéle afin d'en paralyser la légitime action, ees lâches détracteurs osent encore lui reprocher de ne savoir pas se concilier les sympathies populaires. Perversité inouïe, étrange et inexplicable aveuglement ! O cæcas hominum mentes!

Telle est trop souvent la destinée du pauvre succursaliste : sa part de bonheur est bien restreinte ici-bas, ses joies y sont courtes, ses douleurs longues et ses maux innombrables; sa vie s'écoule ainsi, triste et agitée, à travers les luttes perpétuelles qu'il lui faut soutenir, les antipathies qu'il rencontre et les avanies qu'il subit.

MOTIFS D'ENCOURAGEMENT.

Le prêtre ne doit pas se désespérer au milieu des amertumes et des déboires de son ministère: en lui point de lacheté de cœur, point de ces honteuses défaillances enfantées par le découragement! Ministre d'un Dieu abreuvé de dégoûts et supplicié sur le bois de l'infamie, qu'il reçoive avec sang-froid et dignité les injures, les outrages des pervers qui le méconnaissent et le calomnient; que les injustices, les menaces et les récriminations des hommes n'amortissent en lui

ni la ferveur, ni le zèle, ni même cette tendre affection pour des contradicteurs qui n'en sont pas moins ses enfants; qu'il pratique la charité au plus haut degré de perfection, en priant pour ses persécuteurs, en aimant ceux qui le détestent et en bénissant ceux qui le maudissent; qu'à l'imitation du Rédempteur, modèle, sur le Golgotha, d'une si sublime résignation, le pasteur montre aussi une énergie toute virile, une parfaite égalité d'humeur, une angélique mansuétude, une sérénité inaltérable: il lui faut passer par le Calvaire pour arriver au Thabor. Si, oppressé sous le poids des afflictions, son cœur se sentait parfois défaillir, qu'il aille, pour le soulager, en déverser le trop plein aux pieds de son Dieu: là, prosterné devant le Sauveur crucifié, il ranimera assez sa faiblesse pour avoir la force de vider comme lui jusqu'au fond le calice de fiel. L'homme de foi, qui s'est cramponné à la croix aussitôt et aussi souvent qu'il a chan celé sur la route escarpée de la vie, est toujours resté ferme et debout. S'abandonnant avec une entière confiance à la garde de celui qui l'envoie, qu'il se courbe done généreusement sous le faix de toutes les peines de son ministère, et l'invisible levier de la grâce allègera la pesanteur du fardeau qu'il est condamné à porter, du jour de son sacerdoce jusqu'à la tombe. Retrempé dans le baptême de la persécution, il récupèrera en satisfactions secrètes, en intime contentement, ce dont il sera privé en reconnaissance publique, en consolations extérieures. Le dévouement continu, voilà la nourriture de sa vie, qui doit être un héroïsme de détail, plus difficile et, partant, plus méritoire que l'héroïsme en grand.

Avec la pensée de la Rédemption, celle de la future beatitude viendra fortifier le courage du prêtre et relever ses espérances. Quoi de plus propre à soutenir le juste que l'espoir d'un avenir qui le consolera des misères du

présent? Au milieu des contradictions et des épreuves auxquelles est soumise sa fragilité, un céleste rayon illumine son âme; il entrevoit une existence meilleure, des jours plus heureux; cette douce perspective endort ses douleurs, le ravit et le console. Ici, lui dit la Religion, ici le travail et la peine, les tribulations et les pleurs, ailleurs le repos et le plaisir, les joies et les dédommagements; en bas les fatigues de la lutte, en haut la palme du triomphe: Percipietis immarcessibilem gloriæ coronam; ce monde éphémère est l'exil du chrétien, l'autre sa patrie véritable où il trouvera l'impérissable récompense de sa fidélité au devoir accompli jusqu'au bout, et la soudaine transformation de ses maux passagers en d'inénarrables délices. Que sont les courts chagrins de la terre, en comparaison de cette félicité sans mesure et sans terme qui en sera, dans le ciel, le prix inestimable et glorieux ? Une attente si merveilleuse adoucit les plus cruelles infortunes; elle réjouit même le malheureux en lui donnant, sinon le bonheur, du moins la patience et la résignation dans les inévitables souffrances de cette vallée de larmes.

Dispensateurs des consolations aux affligés d'ici bas, allons puiser pour nous-mêmes le courage et la force à leur source divine; au milieu des ennuis et des dégoûts qui nous assiégent, hommes de foi, songeons que notre pèlerinage terrestre n'est qu'un simple campement, une halte momentanée sur le chemin de l'éternel séjour; par delà cette nébuleuse région des tempêtes, élevons nos regards et nos désirs jusqu'aux splendeurs de l'infini, seul héritage vraiment digne de notre ambition, incomparable demeure promise à la vertu persévérante. Comme le pilote qui, après une longue et périlleuse navigation, touche enfin au port désiré, ne sentons-nous pas nos cœurs tressaillir à l'approche de ces

incommensurables rivages où l'oeil ébloui voit poindre l'aurore de l'immortalité ? Le souffle du Dieu fort enfle notre voile; activons les rames et hâtons la course, sans braver les écueils mais aussi sans les redouter, vers le séjour bienheureux où les largesses du suprême rémunérateur nous indemniseront des tourments de la vie, de l'ingratitude et de l'injustice des hommes ! Ne l'oublions pas, le temps n'est que le péristyle de l'éternité.

CHAPITRE XXI.

ESPERANCES DE LA RELIGION ET DU SACERDOCE
CATHOLIQUE.

A ces grands motifs de consolation, si propres à soutenir ou à ranimer le courage du prêtre, se joignent encore les espérances d'une situation meilleure pour la religion et ses ministres.

S'il est des personnes qui, s'exagérant les dispositions du temps présent, envisagent l'avenir au prisme de leurs illusions et sous un aspect trop favorable, nous ne sommes plus, convenons-en du moins, dans ces jours de haine systématique et de farouche délire, où les coryphées d'une bande impie et fanatique criaient avec l'enfer : Ecrasons l'infame! On n'émet plus le vœu barbare de voir étrangler le dernier des rois avec les boyaux du dernier des prêtres. Alors le nom trois fois saint de Dieu ne pouvait être proféré publiquement, même en assemblée académique, sans soulever une explosion de fureur ou de rires sardoniques et dédaigneux (1); aujourd'hui, à quelques exceptions près,

(1) Bernardin de Saint-Pierre provoqua contre lui des vociférations au sein même de l'Académie française, pour avoir prononcé le nom du

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