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HISTOIRE

1793-1851

DE LA VIE,

DES OUVRAGES ET DES DOCTRINES

DE CALVIN

PAR M. AUDIN,

CHEVALIER DE L'ORDRE DE SAINT-GRÉGOIRE LE GRAND,
MEMBRE DE L'ACADÉMIE ET DU CERCLE LITTÉRAIRE DE LYON,
DE L'ACADÉMIE TIBÉRINE DE ROME,

DE L'ACADÉMIE DE LA RELIGION CATHOLIQUE DE LA MÊME VILLE, ETC.

Post tenebras spero lucem.

(DEVISE DE GENÈVE CATHOLIQUE.)

Nouvelle Édition.

REVUE, CORRIGÉE ET AUGMENTÉE.

TOME SECOND.

LOUVAIN,

CHEZ C. J. FONTEYN, LIBRAIRE-ÉDITEUR.

1844.

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Moeurs bourgeoises de Genève, à l'époque de la réformation.

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du marchand. Le commerce, source de richesse et de noblesse.

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Les nobles.

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Les juristes.

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Les médecins. - Calvin

Le peuple.
étranger aux institutions et à la vie de la cité.
Calvin et les pestiférés.

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POUR apprécier l'action de Calvin sur l'administration religieuse ou politique de Genève, il faut étudier nécessairement les mœurs bourgeoises de la cité au temps de la réformation.

Genève, au seizième siècle', est une ville de mouvement mercantile, ressemblant à toutes les cités marchandes de cette époque par le bruit qui retentit dans ses murs, et en différant par l'individualité de ses mœurs industrielles. Placé au pied des Alpes, il reçoit de l'Italie des soies, des épices, des savons, des fruits, des parfums; de la France, des draps, des tissus, de la laine, des livres; de la Savoie, du miel, des blés, des fruits; de l'Allemagne, du fer, du cuivre, du bois et des gravures: marchandises qu'il échange ou achète pour les revendre ou les exporter. Le négociant genevois est le type du commerçant : vous n'en trouverez pas de plus actif, de plus probe, de plus consciencieux, et souvent de plus riche. Il y a des peiroliers (chaudronniers), des couturiers, des cordonniers, des chapuis (charpentiers), des maçons, qui pourraient loger dans des palais et qui se contentent pour habitation d'une simple maisonnette, n'ayant pour ornement qu'un jardin tout plein de fleurs; car maître et ouvrier ai

'Notices généalogiques sur les familles genevoises, depuis les premiers temps jusqu'à nos jours, par J. A. Galiffe, in-8°, t. I, Introd.

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ment les fleurs avec passion. Les Frugger d'Augsbourg, ces grands banquiers du moyen âge, auxquels Luther fermait si impitoyablement les portes du ciel, faisaient des affaires avec Genève; et aucune de leurs traites n'était protestée. « La parole d'un Genevois, disaient-ils souvent, vaut tout l'or d'un électeur saxon, » et ils avaient raison. Un Italien qui venait de Vicence, de Ferrare ou de Milan pour chercher fortune ou apporter à Genève quelque industrie nouvelle, était émerveillé du bruit de marteaux, de limes, de balanciers, dont la ville retentissait à toute heure de la journée; de la propreté des rues, de l'élégante simplicité des édifices publics. Il ne pouvait dissimuler sa surprise en comparant les palais de marbre qu'habitaient les négociants des villes maritimes de l'Italie, avec la demeure si modeste des négociants genevois. Bonnivard, Pecolat, Berthelier apuraient les comptes de leurs bouchers, travaillaient avec leurs maçons, allaient au marché acheter la provision du ménage, descendaient à la cave pour soigner leurs vins, émondaient les arbres de leurs vergers, et arrosaient les fleurs de leurs parterres'.

Le commerce était la vie de Genève. La plupart des grandes familles dont on citait les noms avec orgueil, s'étaient enrichies dans le négoce : ces familles étaient presque toutes d'origine étrangère. Le sang genevois était mêlé de sang italien, français et allemand. Le Genevois devait donc emprunter dans ce croisement des races, les mœurs des peuples auxquels il s'était allié. Il ressemblait au Français par son amour pour la danse, les plaisirs de la table, les joies bruyantes des dimanches, et les jeux de hasard ; à l'Allemand par son culte pour les champs; au Savoyard par sa probité; à l'Italien par sa passion pour l'indépendance. Il avait emprunté au républicain pisan quelques institutions municipales. A Pise, comme à Londres aujourd'hui, comme à Genève à l'époque de la réformation, on ne pouvait arriver aux charges civiques sans être membre d'un corps de métier. A Florence, Mathieu Palmieri, l'ambassadeur auprès du roi Alphonse, le poëte de la « Città di vita» appartenait au corps des apothicaires'. Il

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Galiffe, t. I, Introd.

Niceron, Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres dans la république des lettres, t. XI, p. 77.

n'était pas rare de voir les citoyens les plus illustres, ajouter à leur qualité celle d'apothicaire, de pelletier, de cordier.

La femme de Tudert, Camille Burlamachi, d'un sang presque royal, mit Jean de Tudert, son fils, en apprentissage chez un horloger, et son autre fils, Louis, au service d'un marchand de Nuremberg, Abraham Pierrot. Le fils d'un syndic, le premier magistrat de la cité, balayait le comptoir ou la boutique de son maître, seulement on avait soin d'attacher à son balai, en signe de distinction, un beau ruban de couleur. Alors la domesticité n'était pas dégradante, quand elle n'était qu'un châtiment du sort aveugle : l'orpheline délaissée servait comme chambrière dans la maison de son oncle ou de son parent. Mais honte au fainéant qui demandait l'aumône dans les rues! le marchand et le patricien se détournaient sans pitié : vivre en travaillant était la devise commune.

Le commerce était une source de gloire, de profits et d'honneurs. L'étranger naturalisé, le bourgeois citoyen, pouvaient acquérir des titres de noblesse, se qualifier de seigneur, prendre des armoiries. Les apothicaires étaient presque tous nobles. C'étaient eux qui vendaient les chandelles qu'on faisait brûler au pied de la niche d'un saint, les cierges des églises, ou qu'on portait aux enterrements. On en trouve qui débitent à la fois des droguees et des pâtés, quand la veuve qu'ils ont épousée, est héritière d'une boutique achalandée. II y avait une rue, nommée « la rue des Cordonniers, » où l'on venait de plusieurs lieues à la ronde acheter des souliers. Les souliers de Genève étaient étalés en forme de pyramide aux foires de Lyon, à la Saint-Pierre et à la Saint-Jean. Ces cordonniers genevois avaient une réputation d'habileté en France et en Allemagne : aussi étaient-ils fort riches, Quand ils mouraient sans postérité, ils léguaient leur fortune à une abbaye, à un couvent, à un hospice, sous la condition que l'héritier réciterait un certain nombre de pater et d'ave pour le repos de l'âme du défunt. La réformation, en détruisant les monastères, fit cesser les prières de la piété reconnaissante. Mais nos marchands genevois ont bien encore d'autres titres de gloire. Quand les libertés du pays étaient menacées; que l'étranger voulait toucher de son épée aux franchises de

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