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critique des Romans contemporains s'est proposé avant tout d'être utile au clergé. Signaler aux confesseurs des dangers qu'ils ne connaissent pas suffisamment ; fournir le moyen de dissiper des illusions funestes et chaque jour plus communes, telle a été sa première pensée. Mais ce n'est point là le seul but qu'il se soit proposé. Homme du monde, autant qu'un chrétien peut l'être, il a voulu écrire aussi pour les personnes du monde; il s'est donc placé habituellement devant les lecteurs auxquels s'adressent nos romanciers, et son livre ressemble bien plutôt à une brillante causerie de salon qu'à un recueil de dissertations théologiques. Evitant toujours de se poser en casuiste, il a mis sous les yeux de ses lecteurs les pièces nécessaires pour qu'ils pussent juger par euxmêmes les œuvres capitales de chaque romancier. Grâce aux analyses et aux citations qui précèdent ses critiques, on peut donc contrôler presque toutes ses décisions, discuter et constater leur exactitude, ou même les réformer au besoin. Enfin, comme une analyse ainsi accompagnée de citations pourrait présenter d'assez graves dangers, M. de Valconseil a remédié, autant que possible, à cet inconvénient, en opposant aux erreurs qu'il résume des réflexions courtes, mais substantielles et souvent pleines d'éloquence. Un premier volume de cette revue parut en 1845: il contient l'analyse et la critique de trente-six romans, avec une préface générale et des introductions particulières destinées à caractériser les tendances de V. Hugo, G. Sand, E. Sue et Fr. Soulié, dont les œuvres sont tour à tour étudiées suivant la mesure de leur importance. D'illustres prélats donnèrent à l'auteur les encouragements les plus précieux. Soutenu par cette haute approbation, il continua donc rapidement une œuvre dont la nécessité devenait chaque jour plus pressante et plus générale. Un second volume a paru en 1846 : vingt-sept romans ou recueils de nouvelles, portant les noms de Balzac, J. Janin, SainteBeuve, Ch. de Bernard et E. Sue, y sont encore résumés et critiqués. Le nombre total des ouvrages appréciés dans les deux volumes que nous avons sous les yeux s'élève donc à soixante-trois.

Il était impossible que, parmi un si grand nombre d'appréciations, aucune ne fût contestée, et M. de Valconseil ne pouvait s'attendre à voir tous les critiques ratifier en masse ses arrêts. Qu'il ait montré dans l'appréciation d'un ou deux romans une indulgence un peu trop grande, c'est ce que je n'oserais contester; mais pour ma part, je ne puis sur aucun point me montrer trop sévère. Avant de flétrir un ouvrage de quelque importance, il a soin de mettre, pour ainsi dire, le corps du délit sous les yeux du lecteur, autant du moins que la pudeur le permet, et il motive ses jugements de telle manière que, pour être en mesure de les justifier, il suffit presque toujours de les relire avec attention.

Cette méthode a un grand avantage; elle fournit le moyen de discuter les doctrines de nos romanciers les plus célèbres, et de combattre leur influence sans avoir lu leurs innombrables volumes. M. de Valconseil devait donc l'adopter, pour que son œuvre devînt un manuel à l'usage de quiconque peut et doit combattre, dans une sphère plus ou moins étendue, l'influence corruptrice de la littérature romanesque. Mais un ouvrage composé suivant cette méthode ne saurait être lu sans danger par des jeunes filles, si ce n'est par celles qui ont déjà lu les romans dont il contient la critique. Ce serait même, je crois, une grave imprudence de le conseiller indistinctement à tous les jeunes gens et à toutes les jeunes femmes. Les crimes littéraires que notre auteur a cités devant son tribunal ressemblent trop souvent à ces attentats que nos cours d'assises ne jugent qu'à huis clos; les enquêtes et les débats dont ils sont l'objet doivent rester autant que possible inconnus à la foule. Cependant le nombre des personnes auxquelles le livre de M. de Valconseil nous semble utile, même en dehors du clergé, est encore considérable. Les crimes dont il s'agit ont eu tant de publicité, les témoins et les victimes qui en connaissent déjà les circonstances sont si nombreux, que, pour une grande partie de la société, le mystère est devenu impossible. Outre le péril inévitable que je viens de signaler, M. de Valconseil avait aussi à craindre un inconvénient d'un autre genre, je veux dire la monotonie. Le livre qu'il avait entrepris est, en effet, une galerie de portraits parmi lesquels il s'en trouve nécessairement un assez grand nombre qui se ressemblent plus ou moins, quelque soin qu'on ait pu prendre de varier leurs dimensions, leurs cadres et leurs couleurs. Ce n'est même qu'à cette condition que ces portraits peuvent nous offrir une image fidèle de la réalité. Mais s'il en résulte parfois une certaine monotonie, ce défaut nous a paru presque insensible, grâce à la rapidité du mouvement qui entraîne le lecteur. Les deux volumes de M. de Valconseil se font lire en effet, comme ils ont été composés, facilement et promptement. On s'aperçoit bien vite qu'ils ont été écrits tout d'un trait et sans rature. Au fond, n'est-ce pas ainsi qu'il convenait de les écrire ? Quand on est appelé à dénoncer au public des dangers aussi graves et aussi pressants, n'est-ce pas un devoir de se hâter? Nos romanciers sont comme les morts de la ballade allemande, ils vont vite. M. de Valconseil n'avait pas d'ailleurs la prétention de faire une œuvre d'art, mais une œuvre utile, une bonne œuvre'. Evidemment il n'est

Un livre qui peut servir au salut des âmes est toujours une bonne œuvre; mais l'ouvrage que nous annonçons mérite ce nom à plusieurs titres, car l'auteur a voulu consacrer les bénéfices de son travail à l'a

point de ces rhéteurs qui sacrifieraient sans regret l'intérêt des âmes à la régularité de leurs périodes. Mais si l'on ne trouve point dans ses esquisses la correction minutieuse qu'un académicien aurait pu y mettre, on y trouve en revanche des pages fortement colorées, du mouvement, de la chaleur, une indignation éloquente qui vient de l'âme et qui se communique à l'âme. Le caractère de chaque romancier est peint avec une fidélité incontestable; les traits essentiels de sa physionomie sont accusés avec vigueur, et ses sophismes les plus spécieux sont soumis à une critique convaincante, toute brève, tout incomplète qu'elle peut sembler parfois. Le livre de M. de Valconseil nous paraît donc avoir toutes les qualités nécessaires au but pour lequel il est fait, et nous ne doutons pas que, partout où il sera connu, le public ne ratifie pleinement la haute approbation que des prélats éminents lui ont donnée.

Durant la composition et la publication de cet ouvrage, un journaliste d'un rare talent faisait paraître dans la Gazette de France une longue série d'articles qui forment aujourd'hui deux volumes, comme l'ouvrage de M. de Valconseil, et qui semblent au premier abord devoir faire une concurrence redoutable à la Revue analytique et critique des Romans contemporains. Je veux parler des Études de M. Nettement sur le roman-feuilleton. Mais si l'on jette un coup d'œil sur ces Études, on s'apercevra bientôt que leur but n'est pas le même que celui de la Revue analytique, et que le plan des deux ouvrages offre surtout des différences capitales. M. de Valconseil fait connaître soixante-trois romans de V. Hugo, G. Sand, E. Sue, Fr. Soulié, Balzac, J. Janin, Sainte-Beuve et Ch. de Bernard. M. Nettement n'étudie que deux romans de M. E. Sue, un roman de M. Fr. Soulié, un roman de M. A. Dumas et un pamplet de M. Michelet, c'est-à-dire en tout cinq ouvrages. Son livre ne saurait donc nullement remplacer celui de M. de Valconseil, et il ne peut même entrer en comparaison avec ce dernier au point de vue de l'utilité pratique. C'est, comme l'Histoire du Journal des Débats, publiée antérieurement par le même écrivain, un fragment remarquable de l'Histoire du Journalisme au XIXe siècle; c'est un éloquent réquisitoire contre l'influence corruptrice de la presse ministérielle et de la presse du centre chèvement d'une maison religieuse. En révélant ainsi les secrets de sa bienfaisance, je m'expose peut-être à blesser sa modestie. N'importe: un si noble exemple de désintéressement et de zèle fait trop d'honneur à la foi qui l'a inspiré pour qu'il nous soit permis de le laisser inconnu. M. de Valconseil a pris du reste toutes les mesures nécessaires pour échapper aux honneurs de la publicité : il s'est déguisé sous un pseudonyme.

gauche, mais ce n'est pas un guide suffisant pour les lecteurs qui ont besoin de connaître l'ensemble de notre littérature romanesque. En constatant ce fait, nous ne voulons pas amoindrir le mérite des Études sur le roman-feuilleton, nous voulons seulement déterminer leur véritable caractère. Elles renferment, sans nul doute, un nombre de chapitres que nos meilleurs écrivains seraient fiers d'avoir composés, et ces chapitres suffiront pour leur assurer une fortune non moins durable que brillante. Par malheur, on s'aperçoit trop souvent en les lisant qu'elles ont été composées pour paraître en feuilleton dans la Gazette de France, et que l'auteur avait surtout en vue les abonnés de ce journal. Il en résulte des inconvénients de plus d'une sorte. Quand un feuilletoniste n'est pas en verve (et cela arrive de temps en temps au plus habile), il est contraint d'allonger outre mesure la pensée la plus étroite et la plus mince pour obéir à l'imprimeur qui réclame sa copie. Dans une série d'études découpées en articles, ces longueurs ne surprennent guère et fatiguent peu; mais dans un livre qu'on voudrait lire tout d'un trait, on ne les pardonne pas si aisément, et l'ennui qu'elles causent empêche maint lecteur d'arriver aux plus belles pages. Ajoutez à cela que la couleur politique du journal déteint presque toujours sur sa critique littéraire, morale ou religieuse, et nuit singulièrement à l'influence de celle-ci. M. Nettement pouvait certes adresser son livre à un public bien plus nombreux que les abonnés de la Gazetle; mais il ne semble guère s'en être soucié; car il ne manque pas une occasion de blesser en passant ceux d'entre ses lecteurs qui n'appartiennent pas comme lui à l'école politique, théologique et historique de MM. Genoude et Lourdoueix. Pour que ces Études obtinssent un succès complet,, il serait donc à souhaiter que l'habile écrivain publiât une nouvelle édition de son livre à l'usage des hommes honnêtes de tous les partis. Nous voudrions aussi qu'il supprimât dans cette nouvelle édition des critiques littéraires dont les besoins du moment pouvaient justifier la longueur, mais dont les détails ont perdu aujourd'hui presque tout intérêt. Ainsi abrégée, son œuvre nous semblerait digne de prendre une place éminente parmi les plus beaux modèles de haute critique que notre langue possède. Mais, en aucun cas, elle ne pourrait, comme nous l'avons vu, égaler sous le rapport de l'intérêt la Revue analytique et critique des Romans contemporains. L'abbé H. De V.

Histoire critique et générale de la suppression des Jésuites au XVIIIe siècle, par F.-Z. COLLOMBET 1.

Ce livre est du petit nombre des ouvrages sérieux qui resteront après Lyon, 1 vol. in-8°.

l'avalanche de compilations et de pamphlets dont les Jésuites ont été depuis cinq ans la cause ou le prétexte. M. Collombet a traité le même sujet qu'avait abordé M. de Saint-Priest; seulement il l'a fait avec plus de développements, dans un cadre qui embrasse tout à la fois le Portugal, l'Espagne, l'Italie, la Russie et la France. M. de Saint-Priest a écrit contre la Société de Jésus un livre élégant, habilement disposé, où l'ensemble des données est en faveur des Jésuites en dépit des conclusions. Plus logique, M. Collombet fait ressortir dans cette grave question tout ce qui peut tendre, non pas précisément à glorifier les Jésuites, mais bien à venger le bon sens, la vérité et la religion chrétiennes, réellement plus outragés que les Jésuites eux-mêmes dans les préliminaires et les discussions qui amenèrent au XVIIIe siècle la suppression de cet ordre illustre.

L'ouvrage de M. Collombet est moins un plaidoyer, une apologie, qu'une histoire critique, pleine de faits puisés aux meilleures sources et de documents curieux, groupés avec méthode, et coordonnés avec précision et lucidité. Pas un côté de son sujet que l'auteur n'ait envisagé, sinon tout à fait approfondi; pas une ombre qu'il n'ait voulu éclairer; pas une objection qu'il n'ait réfutée. Le plus souvent c'est par les aveux mêmes des ennemis de l'ordre qu'il raconte et qu'il juge. Mais pour parer les coups portés contre les Jésuites, M. Collombet ne se sert pas du bouclier seulement; il prend aussi les armes offensives et porte luimême la guerre sur le terrain ennemi. Car si l'on veut prétendre que les clabauderies, les pamphlets et les livres doivent condamner un principe, un ordre, il combattra les adversaires des Jésuites par leurs livres et par les accusations réciproques qu'ils se sont eux-mêmes jetées à la face.

Aussi faut-il le voir prendre à parti parlements, philosophes, hommes politiques du siècle dernier et du siècle actuel, pour montrer que toutes les doctrines impures, immorales, antisociales que les ennemis des Jésuites prétendent trouver en germe dans certains livres de la Société peuvent se récolter, en d'abondantes moissons, dans les écrits et après les actes de ces prétendus vengeurs de la morale outragée. Depuis le marquis de Pombal et Mue de Pompadour jusqu'aux Ripert de Montclar et aux La Chalotais, dont M. Collombet exhume après un siècle les friperies réquisitoriales, qui, dans le temps, furent citées comme autant de chefs-d'œuvre d'éloquence judiciaire, il n'est pas un seul adversaire des Jésuites que l'auteur n'ait discuté, chacun à raison des causes apparentes ou des motifs secrets du rôle qu'il a joué. Arrivé aux contemporains, M. Collombet est plus impitoyable et plus agressif encore. Sa préface, qui formerait à elle seule un volume, est un morceau

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