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analogues survenues pendant une longue suite de siècles aux embouchures du Tibre et du Nil. L'ensemble de ces documents, rapproché de quelques autres publications récentes, présente des indications pleines d'intérêt sur la formation des deltas qu'on rencontre à l'embouchure d'un grand nombre de fleuves.

Votre Commission, Messieurs, a pensé qu'un travail de géographie historique aussi sérieux, aussi complet, aussi utile même au point de vue des enseignements pratiques qu'on peut en tirer méritait à tous égards d'obtenir une des plus hautes récompenses de ce concours. Elle l'a jugé digne de la troisième médaille.

L'amour de la recherche, le zèle pour les études historiques se manifestent, nous le voyons avec une vive satisfaction, chez les hommes des conditions les plus diverses et dans toutes les classes éclairées de la société. Nous appelions, il n'y a qu'un instant, votre attention et vos suffrages sur les travaux d'un ancien membre de nos assemblées législatives. Ce sont maintenant les patientes et utiles recherches d'un inagistrat distingué que nous avons à vous signaler. Guidé par les excellents inventaires d'un ancien archiviste de la Côte-d'Or, M. Simonnet, conseiller à la Cour impériale de Dijon, s'est donné la lourde tâche de dépouiller les très-nombreux protocoles de notaires conservés dans les archives de Bourgogne, depuis l'institution régulière du tabellionage au commencement du XIVe siècle, jusqu'à la fin du siècle suivant; et, des résultats en apparence bien arides de ce laborieux dépouillement, il a su composer une étude incomplète sans doute, mais néanmoins fort instructive et trèsintéressante, sur les Institutions de la vie privée en Bourgogne.

Le travail de M. Simonnet comprend quatre divisions principales relatives au tabellionage, à la féodalité, au clergé et aux Juifs. La première de ces divisions est de beaucoup la plus complète; les autres nous font connaître une foule de détails de mœurs curieux, de particularités piquantes; mais on ne saurait s'attendre à trouver dans un cadre aussi restreint le résumé également complet des questions aussi considérables. C'est une faiblesse assez commune, et bien excusable chez un auteur passionné pour son sujet, que de vouloir faire entrer trop de choses dans l'horizon du champ, si restreint qu'il soit, qu'il a entrepris de défricher. Peut-être M. Simonnet n'a-t-il pas su se tenir assez en garde contre cette disposition. Ainsi, par exemple, nous ne saurions voir avec lui la plupart des origines du droit français dans l'institution du tabellionage, ni accepter sans réserves cette assertion, que les anciens protocoles des notaires présentent incomparablement plus de variété que les cartulaires ordinaires.

Mais, dégageant le travail de M. Simonnet de toute exagération, nous nous plaisons, au contraire, à lui trouver ce mérite particulier d'avoir su tirer grand parti de documents très-arides quant à la forme, et qu'un esprit moins sagace eût pu croire également arides quant au fond. Pour la facilité des recherches, il eût élé à désirer que l'auteur complétât son travail par une bonne table analytique. On en regrette l'absence. Mais, quoi qu'il en soit, Messieurs, votre Commission a reconnu dans cet ouvrage une somme de mérite assez grande pour décerner à M. Simonnet la première des mentions honorables.

La seconde nous semble légitimement due à M. Mabille, qui a envoyé simultanément au concours deux ouvrages dignes d'une estime particulière La Pancarte noire de Saint-Martin de Tours et une Notice sur les divisions territoriales et la topographie de l'ancienne province de Touraine.

L'ancienne pancarte noire, très-précieux cartulaire de l'abbaye de SaintMartin de Tours, entièrement composé de titres antérieurs à l'an 1439, avait été malheureusement détruite à l'époque de la Révolution. A force de labeurs, M. Mabille est parvenu à la reconstituer complétement, et cela de la façon la plus authentique, en puisant exclusivement aux sources les plus sûres. Ce travail, d'une utilité incontestable, exigeait autant de sagacité que de persévérance, une bonne méthode et une critique trèssûre. M. Mabille a montré qu'aucune de ces qualités ne lui est étrangère.

La Notice sur les divisions territoriales de la Touraine est de sa nature une œuvre beaucoup plus personnelle, plus véritablement originale, mais qui, par cela même, donnera peut-être aussi plus de prise à la critique. On a reproché à M. Mabille de s'être montré quelquefois un peu absolu dans ses assertions, un peu hardi dans ses conjectures, et de juger trop sévèrement, d'après quelques erreurs qu'il a pu relever, les œuvres, néanmoins très-dignes d'estime, de quelques-uns de ses devanciers. En compensation de ces critiques plus ou moins fondées qui s'adressent principalement à la forme, hâtons-nous de dire que, quant au fond, le travail de M. Mabille nous a paru vraiment bien fait, solide et substantiel. On y rencontre une foule d'indications des plus intéressantes sur la géographie ancienne de la Touraine, indications empruntées fort souvent à des documents tout-à-fait inédits. Enfin l'ouvrage se termine par un relevé d'anciens noms de lieux, extrêmement précieux pour l'histoire de la nomenclature comparée.

Ces mérites divers vous paraîtront sans doute justifier les conclusions que nous avons l'honneur de vous soumettre en faveur de M. Mabille. L'Histoire de la ville d'Obernai par M. l'abbé Gyss n'est pas un travail d'une nature aussi originale que le précédent; mais elle se recommande, sous d'autres rapports, par des qualités non moins sérieuses. Elle est le fruit de recherches laborieusement poursuivies pendant de longues années. C'est un récit peut-être un peu monotone, mais toujours véridique et empreint, même en ce qui concerne les questions religieuses, d'une impartialité dont on doit savoir doublement gré à l'auteur à raison du caractère dont il est revêtu.

L'Histoire d'Obernai jette un jour très-intéressant sur la constitution particulière de ces petites villes impériales de l'Alsace, rattachées à l'Empire par un lien si faible et si lointain que l'indépendance municipale y était presque entière. Il est à regretter qu'une bonne carte de la ville et de ses environs n'ait pas été jointe à cet estimable ouvrage, dont elle eût été un complément fort utile. Toutefois l'absence de cette carte ne saurait priver M. l'abbé Gyss de l'honneur très-mérité de vos suffrages. Nous l'avons jugé digne d'une mention honorable.

La Normandie a toujours figuré très-dignement dans nos concours. Cette fois elle y est particulièrement représentée par M. Puiseux, professeur au lycée de Caen, à qui l'on doit un très-bon volume intitulé: Siége et prise de Rouen par les Anglais, 1418 et 1419. Sir Frédéric Madden avait publié, il y a quelques années, dans le Recueil de la Société des Antiquaires de Londres, un vieux poëme anglais the Sege of Roan, composé par un témoin oculaire. Mettant très-habilement à profit ce texte peu connu dont il donne la traduction française à titre de pièce justificative, M. Puiseux en a su tirer un récit fort clair, fort intéressant et trèscomplet du siége de 1419. Ajoutons qu'en historien intelligent il a toujours eu soin de contrôler d'après d'autres témoignages les asser

tions parfois suspectes du poëte anglais, et qu'en cela il a fait preuve d'une très-bonne critique.

Le volume dont il s'agit eût donc suffi, à lui seul, pour justifier la demande d'une mention honorable en faveur de son auteur; mais M. Puiseux s'est encore acquis quelques droits de plus à vos suffrages par l'envoi de trois mémoires intitulés L'Emigration normande et la colonisation anglaise en Normandie au XVe siècle; Les Docteurs normands

au commencement du XVe siècle; Etude sur une grande ville de bois construite en Normandie pour une expédition en Angleterre. A des titres divers, ces trois opuscules nous ont paru également marqués au coin d'une saine érudition et du plus louable patriotisme.

Cette dernière considération n'est pas indifférente à nos yeux. Dans le. récit des luttes entre la France et l'étranger, nous n'aimons pas, en effet, à voir l'auteur oublier trop complétement à quel pays le rattachent les liens du sang. Quelques concurrents, nous regrettons d'avoir à le dire, nous ont paru, sous ce rapport, mal comprendre ou du moins outrepasser singulièrement le devoir d'impartialité imposé à l'historien. L'histoire n'est pas une lettre morte. A travers le récit des faits, on aime à sentir battre le cœur de l'homme; et, si loin qu'il pousse les scrupules de la véracité, l'historien qui veut conserver l'estime et la sympathie des honnêtes gens ne doit jamais abdiquer tout à fait ces nobles passions qui constituent le sentiment de l'honneur national.

M. Puiseux nous donne toute satisfaction sous ce rapport, et nous lui en savons gré.

Nous pouvons en dire autant de M. De la Pilorgerie, à qui nous pensons, Messieurs, qu'une mention honorable est également due pour ses Campagnes de la grande armée d'Italie sous Charles VIII. A dire vrai, nous aimons peu ce titre, qui semble rétrospectivement emprunté à des événements presque contemporains. Mais nous avons suivi avec grand intérêt M. De la Pilorgerie dans une narration dont tous les éléments ont été recueillis avec un soin extrême. Le but principal de l'auteur semble avoir été de mettre en lumière un certain nombre de documents, ou complétement inédits, ou tellement passés à l'état de raretés bibliographiques qu'ils étaient comme perdus pour l'étude. On trouve, dans plusieurs de ces pièces, de curieux détails de mœurs, quelquefois même de fort intéressantes anecdotes. M. De la Pilorgerie les a choisis avec beaucoup d'intelligence et de goût; il a su les encadrer avec beaucoup d'habileté.

Enfin nous vous demandons, Messieurs, une dernière récompense du même ordre pour un jeune concurrent, M. René De Mas-Latrie, dont le nom seul serait déjà une recommandation auprès de vous, s'il vous était permis de vous arrêter à d'autres considérations que celle du mérite personnel. Celui-ci fait heureusement partie quelquefois des héritages de famille. Dans les débuts de M. René De Mas-Latrie nous trouvons déjà des qualités solides qu'on n'acquiert qu'à bonne école. Son étude sur le Droit de marque ou Droit de représailles au moyen-âge n'est assurément pas un traité complet sur la matière; l'auteur aurait pu puiser davantage dans les documents relatifs au droit germanique ou à la navigation des peuples du Nord. Toutefois cet essai, très-recommandable, quoique incomplet dans sa formic actuelle, peut utilement servir de point de départ à un travail plus étendu qui ne se fera probablement pas longtemps attendre. Déjà même, M. René De Mas-Latrie a joint à son mémoire imprimé un recueil assez considérable de pièces justificatives empruntées la plupart aux archives de France, d'Italie ou d'Espagne, et qui augmentent beaucoup la valeur scientifique de son travail primitif.

En arrêtant ici la liste des récompenses que peut donner l'Académie, nous éprouvons, comme toujours, le regret d'en voir le nombre inférieur à celui des ouvrages qui en seraient dignes.

Il nous en coûte particulièrement de n'avoir pu comprendre sur cette liste le nom d'un archéologue déjà honoré de vos suffrages, M. De Linas, qui nous a adressé cette année deux intéressantes notices, l'une sur les Emaux champlevés de l'Ecole lotharingienne, l'autre sur Cing anciennes étoffes de style byzantin. Sous un très-mince volume, ce dernier opuscule renferme une fort savante discussion, où M. De Linas fait preuve de connaissances spéciales que peu d'autres possèdent au même point. La notice relative aux émaux a plus d'étendue, plus d'importance peut-être aux yeux de son auteur; mais elle ne nous a point paru offrir les caractères d'une critique aussi sûre.

Le peu de développement de la notice de M. l'abbé Haigneré sur Quatre cimetières mérovingiens du Boulonnais nous a également empêchés de la comprendre dans nos récompenses. Nous tenons cependant à la citer comme un ouvrage fort estimable, méthodique dans l'ensemble, el généralement exact dans les détails.

A plus forte raison, nous nous reprocherions de passer sous silence l'Histoire de Bressuire, par M. Ledain, ouvrage bien composé, écrit avec goût et qui renferme de très-bonnes descriptions; non plus que les Chansons normandes du XVe siècle, publiées par M. E. Gasté d'après les manuscrits de Vire et de Bayeux, et l'étude du même auteur sur Olivier Basselin et les compagnons du Vau-de-Vire. Ces deux derniers ouvrages sont le résumé très-consciencieux de recherches entreprises avec amour, poursuivies avec persévérance, mais qui malheureusement pèchent parfois du côté de la méthode.

Enfin (et ce n'est point par suite d'une défavorable comparaison que nous le citons le dernier), nous regardons comme un devoir de donner ici au moins quelques paroles d'encouragement à l'auteur d'une très-élégante Notice sur l'église Saint-Sulpice de Favières, M. Patrice Salin. Ce travail trahit sans doute beaucoup d'inexpérience. Se méfiant trop de ses propres forces (péché de modestie qui n'est pas commun), l'auteur se contente trop souvent de donner l'opinion d'autrui, et ne motive pas suffisamment le choix qu'il fait entre diverses assertions contraires. Mais ses descriptions sont bonnes, ses résumés bien conçus. On nous assure que la Notice sur Saint-Sulpice de Favières doit être suivie de plusieurs autres notices du même genre, consacrées aux églises les plus remarquables de l'ancien diocèse de Paris. Convaincus que M. Patrice Salin mettra tout son soin à éviter, dans la suite de son œuvre, les imperfections de détail que nous venons de signaler, nous souhaitons sincèrement le succès d'une publication qui rentre si complétement dans l'ordre d'études que le présent concours a surtout pour objet d'encourager.

Nous ne saurions, à vrai dire, trouver les mêmes paroles d'encouragement pour les publications héraldiques ou généalogiques qui tendent à se multiplier si fort depuis quelques années, publications entreprises le plus souvent dans le seul but de satisfaire quelques vanités locales ou quelques prétentions personnelles.

Sans exclure absolument cette sorte d'ouvrages de nos concours, il doit être bien compris de tout le monde que celles-là seules peuvent prétendre à fixer l'attention de l'Académie, qui, par la nouveauté ou l'importance des documents qu'elles renferment, présentent un intérêt historique bien positif et peuvent ajouter quelques pages vraiment utiles à nos annales,

Terminons par un conseil à ceux qui nous font l'honneur de nous soumettre leurs œuvres.

WALCKENAER, rapporteur d'un de nos premiers concours, engageait, il y a quarante-cinq ans, les amateurs d'archéologie à se tenir en garde contre les tendances exagérées de ce qu'il appelait le celticisme.

Depuis lors, de très-savants travaux ont jeté, sinon une lumière complète, du moins un demi-jour sur les antiquités celtiques. Mais, comme si l'obscurité avait le don d'attirer toujours l'inexpérience, nous voyons aujourd'hui beaucoup d'archéologues novices prétendre à remonter encore plus haut et se jeter, avec un entraînement quelque peu aveugle, vers les études antéhistoriques. Les silex taillés, les ustensiles en corne de cerf ont trop d'adeptes. Trop de personnes s'imaginent que, les recherches littéraires étant à peu près nulles là où il n'y a pas de monuments écrits à consulter, un peu de sagacité et d'imagination suffisent pour recréer un monde éteint. Cette erreur, nous regrettons d'avoir à le constater, nous vaut chaque année un certain nombre d'ouvrages d'une insuffisance absolue. C'est qu'en effet, loin d'être facile, cette étude encore si nouvello des époques antéhistoriques exige, au contraire, une foule de connaissances très-solides et très-variées; qu'il faut beaucoup d'expérience et une critique très-sûre pour se guider dans ces épaisses ténèbres et pour se préserver des hallucinations que produit souvent l'excessive obscurité.

A ceux que séduit cette nature de recherches, nous ne refuserons jamais notre intérêt; mais nous ne pouvons que leur recommander de s'y préparer par de longues et sérieuses études.

Vous le voyez, Messieurs, nous n'avons pas craint de signaler ici certains côtés faibles de nos concours. Cette imperfection relative de quelques œuvres est heureusement compensée, vous avez pu vous en convaincre, par le caractère de plus en plus sérieux et le cachet de bonne érudition de la plupart des ouvrages qui nous sont adressés. Bien qu'intérieur par le nombre, le concours de cette année est, ainsi que nous vous le disions en commençant, remarquable par la qualité, et l'on peut en tirer des inductions très-favorables quant au niveau actuel des études hitsoriques dans notre pays.

Les membres de la Commission des Antiquités de la France:

VITET, DE SAULCY, EGGER, MAURY, DELISLE, DESNOYERS,
HAURÉAU, F. DE LASTEYRIE, rapporteur.

L'Académie, après avoir entendu la lecture de ce rapport, en a adopté les conclusions.

Certifié conforme: Le Secrétaire perpétuel de l'Académie,

J. D. GUIGNIAUT.

Séance du vendredi 19.

PRÉSIDENCE DE M. DE LONGPÉRIER.

Il est donné lecture de la correspondance.

Par une lettre en date du 10 juillet, M. le Président de l'Institut prie M. le Président de l'Académie de l'inviter à désigner un

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