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sous les ruines du théâtre de Pompée. Les circonstances de cette découverte sont connues (1); je n'entrerai donc dans aucun détail à cet égard. D'ailleurs l'Académie a déjà reçu une communication relative à cette découverte, au mois d'avril 1866, quand M. BEULÉ, qui venait de voir cette œuvre d'art, en a parlé devant la compagnie (2).

Cette statue colossale est restée inédite. C'est grâce à l'obligeance du cardinal Antonelli que, l'hiver dernier, pendant mon séjour à Rome, j'ai obtenu l'autorisation d'en faire prendre une photographie, et aujourd'hui je m'estime heureux de pouvoir mettre cette photographie sous les yeux de l'Académie.

Cette statue colossale, haute d'environ 4 mètres (3m 83 cent.), après avoir été restaurée, a été placée dans la grande salle ronde au Musée du Vatican.

Tout le monde est d'accord pour y reconnaître un Hercule jeune ayant la peau de lion suspendue sur le bras gauche. On a rétabli, d'après des modèles antiques, dans la main droite la massue dont on avait retrouvé quelques débris, et dans la gauche les pommes du jardin des Hespérides. La tête, nue et entourée d'une simple bandelette, est légèrement inclinée vers la gauche; la bouche est entr'ouverte; aux tempes paraissent les poils d'une barbe naissante. Mais si tout le monde est d'accord pour reconnaître dans ce colosse Hercule, on ne l'est pas du tout sur l'époque à laquelle il a été exécuté. Lors de la découverte on émit plus d'une opinion, et encore aujourd'hui on est loin d'être du même avis. Rien n'est plus difficile en effet que de fixer d'une manière rigoureuse l'âge d'un monument ancien; car à toutes les époques, dans tous les siècles, on a tenté d'imiter des œuvres d'art qui étaient devenues célèbres.

On a cherché à retrouver dans les traits du fils d'Alcmène un portrait impérial; les uns ont voulu y reconnaître la tête de

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(4) Bull. de l'Inst. arch., 1864, p. 227 et suiv. Cf. la Correspondance de Rome des 24 sept., 15 oct., 5 nov. 1864 et 24 janv. 1865. (2) Voir les Comptes rendus des séances de l'année 1866, p. 104 et suiv,

Pompée, d'autres celle de Domitien. On a prétendu également que cette œuvre d'art appartenait au quatrième siècle de notre ère et on a cherché à y découvrir de la ressemblance avec les princes de cette époque. Mais un examen attentif (du moins c'est là l'impression que j'ai éprouvée) porte à y reconnaître un type grec. Les cheveux courts, l'absence de barbe, le caractère juvénile de la figure, toutes ces circonstances réunies rappellent le type d'Hercule, tel que nous le montrent les monnaies de la Macédoine, frappées vers la fin du quatrième siècle avant J.-C. On a des monnaies d'Alexandre le Grand et de Philippe Aridée sur lesquelles paraît la tête du conquérant macédonien plus ou moins idéalisée sous la forme d'Hercule imberbe, coiffé de la dépouille du lion. Des monnaies de bronze d'Amyntas II montrent une tête d'Hercule analogue. On rapprochera des tétradrachmes et des drachmes de fabrique macédonienne, la tête juvénile et nue, les cheveux entourés d'une bandelette et caractérisée comme Hercule par la massue, tête empreinte sur les monnaies frappées en Campanie au nom des Romains (1) et aussi, mais sans bandelette, sur les deniers de la gens Cornélia (2). Enfin on pourra comparer la tête de l'Hercule colossal avec un autre type macédonien, l'Apollon à cheveux courts, ceints d'une bandelette, et à large cou qui paraît sur les monnaies d'argent et de bronze frappées depuis Archélaüs et Pausanias jusqu'après Alexandre le Grand.

Je ne veux pas dissimuler toutefois que la tête de l'Hercule colossal rappelle tant soit peu les traits de Domitien, mais je crois que cette ressemblance est fortuite et qu'il ne faut pas s'y arrêter. Tout me porte à croire que nous avons sous les yeux une statue faite par un artiste romain qui s'est inspiré d'un excellent modèle grec de l'école de Lysippe. Mais pour développer les motifs sur lesquels cette opinion repose, il faudrait entrer dans des détails qui prendraient trop d'extension. Qu'il me suffise d'appeler l'attention de l'Académie sur les rapports de style que je crois

(4) Cohen, Monnaies de la république romaine, pl, XLIV,18, (2) Id., ibid., pl. XIV, Cornelia, 5 et 6.

trouver entre le colosse de bronze et les types d'Hercule et d'Apollon des monnaies macédoniennes.

Maintenant, quant à savoir à quelle époque ce colosse de bronze a dû être érigé, il me semble que le lieu où la découverte a été faite doit nous guider dans nos recherches. Ce lieu est l'emplacement du temple de Vénus Victrix qui dominait le théâtre, édifice immense, que Pompée avait fait élever pour perpétuer le souvenir de ses victoires. Or, les travaux entrepris pour la construction du théâtre de Pompée se placent en l'année 696 de la fondation de Rome. On possède des ouvrages de sculpture du septième siècle de Rome, et entre autres la célèbre statue de Pompée, conservée au palais Spada. Tout en tenant compte de la différence qui existe, quant au travail et à l'exécution, entre les ouvrages de bronze et les sculptures de marbre, on ne manquera pas de remarquer certains rapports, certaines analogies entre le colosse et la statue de Pompée, surtout dans la manière dont sont traités les muscles. Je serais donc disposé à croire que nous avons là une œuvre d'art des derniers temps de la république.

Un rapprochement se présente ici tout naturellement. On connaît l'histoire de l'Hercule de bronze doré, trouvé dans les environs du Forum Boarium, sous le pontificat de Sixte IV et conservé au Musée du Capitole; on sait à quelle époque cette statue a été exécutée, si toutefois la base sur laquelle elle pose lui appartient. Or, cette base de bronze porte les noms des consuls. L. Vettius Paullus et T. Junius Montanus (4), consuls subrogés de l'an 81 de notre ère, comme l'a démontré le célèbre Marini (2). Il est évident pour tout le monde que l'Hercule du Capitole est d'un caractère moins noble, moins élevé, d'une exécution moins habile que l'Hercule colossal trouvé au théâtre de Pompée.

On doit conclure, ce me semble, de cette comparaison que le colosse de bronze appartient à une époque plus ancienne.

(1) Gruter, p. 50, no 3.
(2) Fratelli Arvali, p. 247.

Si l'on admet que le colosse est un ouvrage contemporain de la construction du théâtre de Pompée, il reste à rechercher à quelle époque et dans quelles circonstances il a été renversé et mutilé, et pourquoi ensuite il a été caché et dérobé aux regards. Ce sont là des questions qui donnent à réfléchir et dont la solution présente plus d'une difficulté.

Il est évident que le colosse a été brutalement arraché de sa base et qu'en tombant à la renverse la tête a été fendue, ce qui explique la déformation du front et les fractures qu'on y observe, effets produits par une commotion violente.

Il est positif aussi que la statue, après avoir été renversée et mutilée à dessein, a été ensuite emportée et cachée avec soin, sans aucun doute dans l'intention de la soustraire aux outrages et avec la pensée de la relever un jour.

Trois suppositions s'offrent à l'esprit en présence de ces faits. Après la bataille de Pharsale, les monuments élevés par l'illustre rival de César auraient-ils été exposés aux outrages des vainqueurs? Dira-t-on qu'au quatrième siècle les chrétiens ont renversé l'idole? Ou bien encore prétendra-t-on que le colosse a été brisé à la suite d'un mouvement politique, en haine du tyran qui l'avait dédié ?

La première de ces hypothèses peut être soutenue. Car, après la bataille de Pharsale, suivant Plutarque (1), Dion Cassius (2) et Suétone (3), les statues de Sylla et de Pompée furent renversées par le peuple, et ce ne fut que plus tard que César fit relever celles de son ennemi, action que Cicéron approuve et dont il loue le vainqueur.

Quant à supposer que des chrétiens aient renversé l'idole, cette hypothèse semble peu probable; car, d'après des documents publiés par M. le chev. de Rossi (4), il est positif que, longtemps après la suppression du culte public, les images des divinités

(1) Cæsar, 57.

(2) XLII, 48.

(3) Cæsar, LXXV.

(4) Bull. di arch. cristiana, anno IV, 1866, p. 53, e seg.

païennes ont été épargnées. Et comment admettre que des chrétiens aient osé abattre un colosse exposé à tous les regards, dans un édifice public tel qu'était le théâtre de Pompée ?

Il me reste à dire un mot de la troisième supposition. Hercule tenant la massue et les pommes des Hespérides est souvent représenté sur les monnaies frappées à l'époque de la tétrarchie et particulièrement sur celles de Maximien Hercule. Mais ce même type, moins fréquent aux commencements de l'empire, est déjà empreint sur les monnaies d'Hadrien et sur celles d'Albin. On se rappellera toutefois que, sous le règne de Dioclétien, un portique fut élevé près du théâtre de Pompée (1). On aurait pu placer en cet endroit une statue plus ancienne, et, après la mort de Maximien Hercule, ses ennemis, en haine du tyran, l'auraient renversée et mutilée.

Mais je reviens à la première hypothèse. Pompée rendait à Her. cule un culte tout particulier, il s'était placé sous la protection spéciale du dieu de la force. Ses victoires le faisaient comparer à Hercule (2). Au Forum Boarium existait un temple dédié à Hercule que Pompée avait fait bâtir, probablement en 693, lors de son troisième triomphe (3), et on se rappellera qu'à la bataille de Pharsale il avait donné pour mot d'ordre à ses soldats: Hercules invictus, tandis que César avait donné aux siens celui de Venus victrix (4), La bataille de Pharsale fut livrée en l'an 706 de Rome; la construction du théâtre eut lieu en 696, comme je l'ai dit plus haut, mais la dédicace n'en fut faite qu'en 699, lors du second consulat de Pompée (5). J'ai déjà rappelé qu'après la bataille de Pharsale le peuple renversa les statues de Sylla et de Pompée. Ne se peut-il pas que la fureur populaire ait exercé des excès jusque sur les statues qui représentaient le dieu tutélaire de Pompée ? M. BEULÉ a fait observer que, le dieu ayant été renversé de son piédestal, ses

(4) Orelli, Inscript. lat. select., no 1047.

(2) Plin. H. N., VII, 26, 27.

(3) Plin. H. N., XXXIV, 8, 49,

3.

(4) Appian. Bell. civ., II, 76. Cf. C. Cavedoni, Ann. de l'Inst. arch., t. XI, 1839, p. 304 et suiv.

(5) Dio Cass., XXXIX, 38. Cic. Epist. ad Fam., VII, 1. Plin. H. N., VIII, 7, 7.

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