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Un certain nombre de tétradrachmes, de drachmes et de pièces de bronze au nom du conquérant macédonien, dont le style et la fabrique, ainsi que l'a reconnu M. Müller, dénotent comme patrie d'origine l'Europe et les contrées au nord de la Macédoine, portent qui se décompose avec certitude en

ou

un monogramme EYE.Ce n'est pas un simple monogramme de magistrat, puisqu'il se montre souvent isolé, comme l'indice caractéristique de l'origine de la pièce (Müller, Numismatique d'Alexandre, no 838841). Cependant aucun nom de ville, dans la région où ces monnaies ont été frappées, ne commence par les lettres EYE.

Mais ce monogramme ne se rencontre pas toujours isolé. Nous le voyons aussi figurer côte-à-côte avec les symboles indicatifs de quelques villes, et ces villes sont précisément celles que l'on peut naturellement supposer avoir fait partie de la confédération qui entretenait au Bosphore les Euxinophylaques, celles qui étaient le plus directement intéressées au commerce maritime de l'Euxin. Ce sont en effet les cités de la Chersonnèse de Thrace, comme Lysimachia et Cœla; de la Propontide, comme Périnthe; et de la côte de la Thrace septentrionale sur le Pont Euxin, comme Odessus, Mesembria et Callatia. On voit aussi le même monogramme avec les marques de quelques villes de la Macédoine et de la Thessalie que l'on sait avoir entretenu des relations commerciales actives avec le Nord et les contrées de la mer Noire, Amphipolis, Tragilus (le prétendu Trælium de tous les ouvrages de numismatique), Mélitée, et la ville encore indéterminée que désigne l'image d'une corne de chèvre.

Ne pourrait-il pas être la marque des Evopúλaxes? Nous n'émettons cette idée qu'à titre de conjecture, mais elle nous paraît avoir pour elle d'assez grandes vraisemblances.

M. WADDINGTON demande à M. Lenormant à quel titre et en vertu de quel droit les Euxinophylaques auraient pu marquer leur empreinte sur des monnaies d'Alexandre. Il croit que l'on abuse des tentatives d'explications pour les symboles et les monogrammes placés dans le champ de ces monnaies et que notamment

M. Müller s'est laissé souvent entraîner par des apparences spécieuses sans s'être astreint à examiner les conditions dans lesquelles des marques de ce genre avaient pu être placées sur la monnaie royale. Les symboles de villes ne peuvent y figurer que comme indices des ateliers d'émission et les monogrammes doivent être dans la grande majorité des cas ceux des magistrats préposés à la surveillance de la fabrication. M. WADDINGTON repousse absolument le système, mis en avant par M. Fr. Lenormant et M. Müller, d'alliances monétaires établies entre deux villes indiquées sur les monnaies d'Alexandre. Ce système ferait supposer que dans les Etats d'un prince toute monnaie à son nom ne circulait pas partout, quel que fût l'atelier d'où elle sortît. Une semblable hypothèse est inadmissible; autant vaudrait supposer qu'on pourrait à Lyon refuser les pièces de cinq francs frappées à Paris si elles ne portaient pas la lettre indicatrice de la monnaie de Lyon en même temps que celle de la monnaie de Paris.

M. BEULE appuie les observations de M. WADDINGTON.

M. Lenormant répond qu'il est peut-être difficile d'assimiler absolument la numismatique d'Alexandre à celle d'un autre roi. L'objection qui dans d'autres cas serait sans réplique ne lui paraît pas ici également décisive. Une grande partie, sinon la majorité, des monnaies aux types et au nom d'Alexandre ont été frappées après sa mort, quelquefois plus d'un siècle après, et dans des cités qui n'ont jamais été soumises à son sceptre. Ce ne sont donc pas proprement des monnaies royales, mais des imitations de la monnaie du conquérant macédonien, motivées par la faveur que celleci trouvait sur les marchés. Dès lors, bien que portant un nom royal, elles ont été émises dans les conditions des autonomes, et la présence de deux noms de cités en alliance n'y est pas plus surprenante que sur celles-ci; elle doit s'expliquer de la même manière.

M. WADDINGTON reconnaît que beaucoup de tétradrachmes au nom d'Alexandre ont été frappés après sa mort et doivent être assimilés aux monnaies autonomes des villes; mais, pour d'autres monnaies royales, celles des Ptolémées, par exemple, il est im

possible d'accorder aux monogrammes d'autre valeur que celle de marque d'atelier ou de signature du monnayeur; car la monarchie égyptienne était parfaitement centralisée et les villes de l'Egypte n'avaient jamais connu l'autonomie à la façon des Grecs. Au surplus, M. WADDINGTON n'admet pas non plus l'explication de MM. Lenormant et Müller pour les pièces purement autonomes qui portent à la fois le nom de deux villes. Il ne pense pas que l'on puisse accepter l'hypothèse d'après laquelle l'un de ces noms serait celui de la ville dans laquelle la monnaie a été frappée et l'autre celui de la ville où elle devait circuler. Les anciens ne prenaient pas de précautions de ce genre. Les alliances monétaires dans l'antiquité n'avaient d'autre but que le monnayage à frais communs, dans les mêmes conditions de poids et de titre, et le partage des bénéfices qui pouvaient résulter de l'opération. On voit par les inscriptions contenant des inventaires des trésors des temples que les espèces d'or et d'argent monnayées dans les diverses parties du monde hellénique circulaient partout simultanément sans qu'on eût besoin de recourir à des moyens aussi compliqués que ces doubles marques de villes. Une inscription d'Athènes a trait aux sommes de numéraire qui furent emportées au départ de la fameuse expédition de Sicile. On y voit figurer des monnaies de tous pays, entre autres des statères de Cyzique et de Lampsaque, que l'on ne devait pas beaucoup connaître en Sicile à cette époque.

M. Lenormant oppose les inscriptions qui prouvent combien le change était élevé d'une ville sur l'autre dans le monde grec. Dans l'hypothèse que M. Müller et lui ont proposée simultanément au sujet des alliances monétaires, la présence de deux noms de villes sur la même pièce serait le résultat d'une convention ayant pour objet de faire admettre la monnaie de l'une au pair sur le marché de l'autre.

M. WADDINGTON répond que le change est une pure question de commerce qui ne saurait avoir de rapports avec l'émission de la monnaie et avec les marques qu'elle porte.

M. DE LONGPERIER trouve bien insuffisantes et bien douteuses les explications jusqu'à présent proposées au sujet des alliances

monétaires. Il y a là un fait dont la véritable interprétation n'a peut-être pas encore été donnée, mais qui en lui-même paraît certain. Les doubles indications de villes sur des monnaies royales ne sont pas particulières à la numismatique d'Alexandre; on en trouve sur les monnaies de Philippe Arrhidée, de Lysimaque et des Ptolémées. Mais on ne peut pas encore en expliquer la cause d'une manière satisfaisante plus que celle qui fait que, dans le monnayage fédéral très-antique des cités de l'Italie méridionale, tandis que ce monnayage s'étendait à un, grand nombre de villes, on trouve quelquefois deux noms de ville sur la même pièce et jamais plus de deux. Le même fait s'observe dans le monnayage fédéral de la Lycie avec le type de la rose. On y trouve, sur ces pièces d'argent, quelquefois deux noms de villes ensemble, jamais plus (1).

M. WADDINGTON fait remarquer que, quant aux véritables pièces fédérales de la Lycie, celles qui portent la légende AY ou AYKION, on ne trouve les noms réunis de deux villes que sur la monnaie de cuivre, et non sur la monnaie d'argent. Ces monnaies de cuivre portant les noms de deux villes se rattachent probablement à l'organisation des συμπολιτεῖαι οι συμπολιτευόμενοι δήμοι, qu'on rencontre dans les inscriptions de la Lycie.

M. Lenormant rappelle qu'à défaut de l'exemple des monnaies de la Lycie, les monnaies de la première confédération thessalienne au type de la fleur d'ellébore, savamment étudiées par Duchalais, en offriraient un autre, exactement semblable à celui de l'Italie méridionale. Cette confédération, nous le savons par un passage d'Aristote, comprenait toutes les cités de la Thessalie; mais, sur les monnaies, leurs noms sont constamment groupés deux à deux.

M. EGGER demande pourquoi l'on n'expliquerait pas tout simplement l'union des noms ou des symboles de deux villes sur une même monnaie par ce que certains monuments appellent l'oμó

W. Koner,

(1) Voy. Rev. numism., 1840, p. 405, 451 ; 1843, p. 333; 1853, p. 94;1859, p. 121. Num. chron., t. x, p, 80; nouv. sér. t. II, 40. Beitr. zur Münzk. lyciens, 1854. J. Leicester Warren, greek federal coinage, 1863, p. 35 et suiv.

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An essay on

vola entre ces deux villes, c'est-à-dire par un lien spécial d'union politique, sociale et civile. Dans l'intérieur d'une confédération certaines villes avaient souvent avec d'autres de ces pactes spéciaux plus étroits et plus intimes encore que le lien général de la confédération. Les dμóvotat de ce genre entre villes se sont produites même sous la domination des empereurs romains; les monuments numismatiques sont là pour l'attester; il a donc pu en exister sous l'autorité d'Alexandre, de Lysimaque ou des Ptolémées.

M. Lenormant croit pouvoir remarquer que, dans le débat qui est soulevé, il y a deux questions bien distinctes, le fait même des alliances monétaires, c'est-à-dire la présence des symboles ou des monogrammes de deux villes sur une même monnaie d'Alexandre, de Lysimaque ou des Ptolémées, et les explications que l'on tente d'en donner. Les explications sont encore bien douteuses, mais, abstraction faite de ces explications, le fait en lui-même lui paraît difficile à contester. Revenant à la question posée d'abord par M. WADDINGTON, il rappelle que deux hypothèses principales ont été émises pour expliquer les doubles marques de ville, celle qu'il a soutenue lui-même d'accord avec M. Müller, que la seconde marque était destinée à faciliter la circulation de la pièce sans agio et sans différence de change sur une place déterminée; celle qui considère la double marque comme révélant entre deux villes une convention pour émettre la monnaie d'un commun accord et avec un partage de bénéfices en vue d'un commerce à l'étranger. C'est une convention de ce genre pour émettre de ces statères d'or à bas titre dont se compose en grande partie à une certaine époque la circulation de l'Asie Mineure que révèle entre Phocée et Mytilène une inscription encore inédite, découverte par M. Newton et communiquée par lui à la Société Royale de Littérature de Londres. Dans la première hypothèse, la présence de la marque des Euxinophylaques sur certaines monnaies d'Alexandre paraît à M. Lenormant se justifier naturellement. Dans la seconde, il croit que l'on s'expliquerait sans trop de peine comment les diverses cités intéressées au commerce du Pont-Euxin et confédérées pour la garde des détroits auraient placé sur la monnaie qu'elles frappaient spécialement pour payer aux Scythes de la Russie méridionale

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