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beaucoup plus longue des chefs du Bas-Empire, qui, sauf quelques exceptions, préparent, par leur faiblesse, par leur corruption, par leur rage théologique, le triomphe du schisme photien, commencé au neuvième, consommé au onzième siècle. Le schisme, à force de dire : « Le Turc plutôt que le pape!» est exaucé en 1453 par la prise de Constantinople.

Dans l'histoire de l'Occident, depuis l'abolition de l'Empire, vous verrez le bel appui que l'Église trouva dans les princes barbares, les uns païens (ils furent les moins hostiles), les autres ariens furieux et prodigues du sang catholique. Que de souffrances, que de persécutions, que de travaux, avant de voir se lever, au neuvième siècle, les Charlemagne, les Alfred le Grand, quelques autres! Suivez cette étude jusqu'à l'époque où Luther fit goûter à un tiers des gouvernants de l'Europe cet oracle du nouvel Évangile : Maudit soit celui qui songera à repousser le Turc avant d'avoir écrasé le papisme! Puis, résumant vos études sur tout le moyen âge, poesz-vous ces questions:

Si l'Église, depuis le huitième siècle, a eu quelques princes qui lui aient tendu la main, comment est-elle arrivée jusqu'à eux, alors que toutes les mains étaient tournées contre elle? Si elle a pu maintenir son unité, tant que les pouvoirs politiques lui ont été étrangers et hostiles, comment a-t-elle pu la défendre, cette unité, contre les prétentions divergentes de ces quatre-vingts à cent chefs de grands et petits États européens, tous entrés dans l'Église avec un amour excessivement jaloux de leurs droits personnels, des droits de leur couronne impériale ou royale, ducale ou comitale, des droits de la nation, la nation fûtelle d'un demi-million, ou, comme tel canton suisse, de moins de vingt mille? Comment accorder tout ce monde-là, d'abord en religion, puis en politique, de manière à pouvoir les faire lever comme un seul homme, à la fin du onzième siècle, pour aller au secours de leurs frères de l'Orient (première croisade en 1095)?

Si vous ne voyez pas là une victoire sur cent mille impossibilités morales, matérielles, politiques, et une victoire qui dure de la fin du onzième siècle jusqu'à la moitié du seizième, je douterai de votre vue, ou plutôt je déplorerai l'état de votre vue.

Depuis les grands déchirements du seizième siècle, je n'ai pas besoin de vous dire que, si le catholicisme a conservé de nombreux adhérents dans les États soumis à la politique protestante, celle-ci peut bien se rendre le témoignage de n'avoir rien oublié pour l'abolition du papisme. Quant aux secours que l'Église a reçus des gouvernements catholiques durant cette époque, il y aurait injustice à les méconnaître; mais il ne faut pas les exagérer, ni oublier ce fait, malheureusement notoire, et que l'historien protestant Ranke exprime ainsi : « Pendant le siècle et demi que nous venons d'embrasser par un coup d'œil rapide, la papauté a été continuellement combattue, assaillie, restreinte dans son pouvoir; elle a été amenée presque jusqu'à un assujettissement complet, jusqu'à consentir à sa vassalité (ceci est du protestant plutôt que de l'historien); aujourd'hui encore elle est menacée à chaque instant et environnée de dangers. Quels sont ceux qui l'attaquent? Ce sont les catholiques eux-mêmes, et tout seuls (1). »

Vos études historiques finies, voici un petit travail que j'ai rêvé bien des fois, mais qui restera probablement dans le pays de mes rêves. Dressez un tableau chronologique des dynasties et chefs d'État sous le gouvernement desquels le prodige de l'unité catholique s'est soutenu et propagé, depuis Néron jusqu'aux gouvernants actuels, païens, anticatholiques et mauvais catholiques, qui mettent leur intérêt et leur gloire à combattre la grande Église. En ne choisissant parmi les princes infidèles que ceux dont les États renferment un nombre un peu considérable de catholiques,

(1) Hist. de la papauté, etc., par M. Léopold Ranke, trad. par M. Haiber, t. IV, p.

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vous aurez certainement, en tout, plusieurs milliers de potentats païens, anticatholiques et catholiques. Rangez dans une colonne ceux qui ont gouverné dans un sens hostile à l'unité catholique; ils formeront indubitablement plus des deux tiers. Défalquez du reste les têtes juste-milieu, indifférentes; vous verrez à quoi se réduit le chiffre des défenseurs réels de l'unité catholique. Ces défenseurs apparaîtront par-ci par-là, même en pays infidèles, mais à de grandes distances les uns des autres, moins pour défendre l'Église catholique que pour lui procurer quelques moments de répit dans la guerre incessante que lui font l'esprit antichrétien, surtout l'esprit anticatholique.

Là même où, comme en France, la défense des intérêts catholiques forme un privilége traditionnel, acheté par de grands services et par une politique vraiment généreuse, vous trouverez de fréquentes lacunes, de terribles hostilités, et souvent des défenseurs (tels que Louis XIV et Napoléon Ier) qui démolissent d'une main ce qu'ils édifient de l'autre.

Ce travail vous démontrera, avec une parfaite évidence, deux choses. 1° L'esprit anticatholique a eu pour lui, depuis dix-huit siècles, l'immense majorité des forces politiques et matérielles, et pourtant il n'a fait que naître et mourir (comptez les hérésies éteintes). 2° Si l'Église catholique, avec ceux qui se sont attachés à sa défense, n'a pas succombé dix-huit cents fois, la raison n'en peut être que celle-ci Il n'y a ni sagesse, ni intelligence, ni conseil contre le Seigneur... La puissance de la terre est dans la main de Dieu, et il y suscite pour un temps le chef qu'il lui plaît de rendre utile à ses desseins (1). Si ces chefs utiles à l'œuvre divine sont assez rares dans l'histoire, et que les plus utiles d'entre eux meurent aussi bien que les ennemis, et parfois plus vite, c'est que Jésus-Christ veut que tous les yeux non ennemis de la lumière voient dans l'Église catho

(1) Proverbes, XXI, 30. — Ecclésiast., X, 4.

lique l'Église du Dieu vivant, la colonne et l'appui de la věrité (1).

Passons aux ennemis intérieurs de l'unité catholique.

CHAPITRE V.

Que les ennemis extérieurs de l'Église catholique n'ont rien à reprocher aux ennemis du dedans.

D. Vous voulez dire, à ce qu'il paraît, que les mauvais catholiques ont toujours travaillé de leur mieux à la ruine de l'Église.

R. Oui, et, avec un peu d'attention, vous en acquerrez la preuve.

Quoique je n'aie dit qu'un mot des plus redoutables ennemis intérieurs de l'unité (les gouvernements catholiques de nom, protestants de fait), je n'y reviendrai pas. Ne parlons que des individus, et encore sans entrer dans le détail. Vous trouvez dans tous les pays catholiques une masse plus ou moins considérable d'hommes qui, par leurs discours et leur conduite, professent l'oubli et même le mépris formel des lois de Dieu et de l'Église. Dans ce monde incrédule, qui est comme un poison permanent dans les entrailles de l'Église, tout ce qui se distingue par le talent de la parole et de la plume semble n'avoir qu'un but: ridiculiser, conspuer ce que la foi adore ou vénère, embellir, déifier ce qu'elle condamne. Quelle hostilité surtout contre le sacerdoce et ses précieux auxiliaires, les communautés religieuses! On ne se contente pas de fouiller les annales de ces grands corps, auxquels l'Europe doit d'incalculables bien

(1) Saint Paul, Prem. ép. à Tim., III, 15.

faits, pour en extraire des turpitudes et des crimes individuels qu'on étale, qu'on exagère, qu'on généralise avec une douleur hypocrite. Que parmi ces deux à trois cent mille prêtres et religieux qui soutiennent par leurs travaux ce qui nous reste de vertus civilisatrices, il se rencontre de temps à autre (ce qui est inévitable) un Judas, un infâme, un empoisonneur, un assassin, un régicide, il n'en faut pas davantage à deux ou trois mille plumes pour ressasser de cent manières, durant vingt ans, ce jugement équitable : Voilà bien les prêtres! voilà bien les religieux ! Et les auteurs de ces criantes injustices jetteraient les hauts cris contre l'écrivain qui voudrait les rendre responsables des scélératesses qui conduisent annuellement à la prison, au bagne ou à l'échafaud le dixième de leurs frères et disciples en irréligion.

Il y avait quelque vérité dans ce que me disait un honorable protestant, en réponse à mes plaintes sur les préjugés de ses coreligionnaires. « En fait de préjugés anticatholiques, croyez-le, Monsieur, votre monde littéraire surpasse de beaucoup le nôtre. Depuis plus d'un demi-siècle il y a, parmi nos écrivains et littérateurs du premier rang, une sorte de conspiration pour choisir des sujets catholiques et venger votre sacerdoce, vos institutions religieuses des outrages que leur ont prodigués vos plumes en renom. Si la papauté du moyen âge, tant maltraitée par vos historiens, même ecclésiastiques, remonte de jour en jour vers la hauteur que lui assignent la justice historique et la reconnaissance des amis de la civilisation, à qui en est-elle redevable? Autant, et probablement plus, à nos historiens et publicistes qu'à vos Maistre, Bonald, Chateaubriand, etc. Ceux des nôtres qui vous jettent encore la calomnie et l'injure sont des machines de guerre que nous pouvons juger utiles à la défense de certains intérêts, mais que nous abandonnons, comme barbouilleurs, à l'admiration de la populace. Chez vous, au contraire, la classe soi-disant instruite ne se lasse pas de dénigrer vos grands écrivains catholiques et d'élever sur le pavois les plus ignobles barbouilleurs.

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