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une idolâtrie plus abrutissante, plus sanguinaire, que celle dont nous a affranchis l'Évangile? Et au profit de qui, s'il vous plaît, crée-t-on cette idolâtrie, ce despotisme incomparable, dont le despotisme asiatique n'est qu'une ombre? Parmi les publicistes qui avaient le don de gouverner les masses révolutionnaires dans la France de 1848, on n'en trouvera pas un seul qui se fût recommandé par quelque mérite littéraire ou scientifique, et le nom des trois quarts n'avait figuré jusque-là que dans les registres de la police correctionnelle, des cours d'assises, et même du bagne. Le roi des journaux qui en ce moment révolutionnent et démoralisent le Piémont est l'œuvre d'un misérable exhalant, sous des formes d'une violence et d'une grossièreté inouïes, la rage anticatholique que lui transmit, dit-on, avec le sang un mauvais prêtre. Un autre, fort en crédit, est la création d'un réfugié qui a dû écrire des volumes en réponse à l'accusation publique d'avoir été chassé de son pays pour vol.

C'est à ces immondes goujats qu'on livre la vie religieuse, morale, politique d'un pays; et l'on appellera cela un droit constitutionnel, une liberté nationale!

D. Je me rends à l'évidence. Mais comment restreindre la liberté des opinions religieuses sans préjudicier à la liberté des cultes?

R. Permettez-moi, d'abord, de vous faire observer la différence totale qu'il y a entre la liberté pour chacun d'avoir ses opinions religieuses et la liberté de les publier. La première n'a pas besoin d'être octroyée ni garantie par la loi. Qui donc vous empêche d'avoir vos opinions religieuses, d'en repaître votre esprit, votre imagination, jusqu'à ce qu'il plaise à l'éternelle vérité d'en éclairer la justesse ou la sottise, en se dévoilant à votre âme? Mais publier vos opinions religieuses, ce n'est pas seulement un acte extérieur, public, sujet par là même à la surveillance des pouvoirs sociaux; c'est, comme vous venez de le voir, un acte gouvernemental au plus haut degré; c'est une dicta

ture exercée sur la conscience même de vos lecteurs, conscience que vos opinions peuvent égarer, fausser, pervertir, porter à de graves désordres. Nul gouvernement sage et moral ne peut donc octroyer ni tolérer la liberté absolue chacun de publier, de prêcher ses opinions religieuses et sociales.

pour

Il en est de même de la liberté des cultes. C'est un malheur sans doute que la diversité des cultes, et les premiers qui déchirèrent l'unité religieuse en Europe furent de grands coupables. Mais la sagesse politique, et aussi la moralité, exigent que ceux qui sont élevés dans des cultes déjà anciens et qu'ils tiennent pour vrais et légitimes, puissent les pratiquer sans obstacle. L'intérêt de l'unité religieuse ellemême veut qu'on ne la leur rende pas odieuse par l'intolérance civile. Là donc où la diversité des cultes existe, le législateur catholique peut dire, sans faire preuve d'indifférence religieuse : « Tous les cultes établis jouiront de la liberté de leur exercice.» Mais aucun législateur prudent ne doit dire « Chacun est libre d'introduire et de pratiquer tel culte qu'il lui plaira. » A ceux qui réclameraient un tel droit, il répondra par le mot de Napoléon à l'émissaire du célèbre Pitt, qui l'exhortait à créer en France une religion qui fût à lui. — « Créer une religion! répliqua-t-il en souriant. Pour créer une religion, il faut monter sur le Calvaire, et le Calvaire n'est pas dans mes desseins. Si une telle fin convient à Pitt, qu'il la cherche lui-même; mais, pour moi, je n'en ai pas le goût (1).

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Oui, pour être admis à changer chez des nations chrétiennes une religion scellée par le sang du Calvaire, par le sang de millions de martyrs; religion qui a délivré l'Europe de deux barbaries, qui en a bâti presque toutes les villes, qui en a défriché les terres, il faudrait au moins avoir répandu une moitié de son sang et d'abondantes sueurs au profit de l'humanité, avoir construit un village et couvert

(1) Hist. univ. de l'Église catholique, par M. l'abbé Rohrbacher, 1. xci, tom. XXVIII.

de moissons des landes arides. Comme les faiseurs de religions et de sociétés nouvelles ne pensent à rien de semblable, et que, au lieu de défricher les déserts, ils sont éminemment propres à transformer en solitudes les plus belles contrées, le bon sens politique veut qu'on leur dise: « Puisque vous êtes capables de créer des religions et des sociétés, voilà un pays désert, avec des outils et des matériaux pour vous y créer un abri et du pain; allez, faites-y l'essai de vos théories, mais n'en sortez pas; sinon... ! »

CONCLUSION

DU PREMIER LIVRE, ET CONNEXION DES QUATRE FAITS.

Recueillons-nous un moment pour assister au défilé des trois milliards environ d'hommes que chaque siècle voit naître, vivre et mourir.

Les variétés insignifiantes dans la taille et la couleur, qui portèrent des écrivains frivoles du dernier siècle à renouveler l'idée païenne de plusieurs espèces d'hommes, ne nous empêcheront pas de voir resplendir le sceau de l'unité dans la constitution physique et morale de ces voyageurs. Même entrée dans la vie pour tous, même sortie (1). Durant leur court trajet du sein de la mère où leur corps s'organise, au sein de la terre où il se décompose, que découvrons-nous en eux ? Les mêmes besoins, les mêmes désirs, des efforts également vains pour s'affranchir de ceux-là et pour satisfaire ceux-ci. En quête d'une félicité dont l'idée les obsède, dont la réalité les fuit, ceux à qui la parole de Jésus-Christ n'a pas donné la paix de l'âme restent en proie à une agitation fiévreuse. Les uns, livrés au plaisir, descendent d'excès en excès; les autres, passion

(1) Sagesse, VII, 6.

nés pour la richesse ou la gloire, entassent, ici, denrées sur denrées, marchandises sur marchandises, or sur or; là, études sur études, livres sur livres; plus loin, conquêtes sur conquêtes, royaumes sur royaumes. Ce qu'ils font n'est rien, comparé à ce qu'ils projettent :

Quatre Mathusalem bout à bout ne pourraient

Mettre à fin ce qu'un seul désire.

Le vide croissant dans leur âme en raison de leurs efforts pour le combler, et la tristesse occupant le fond de leurs joies (1), ils s'irritent, ils se jalousent, ils s'en prennent les uns aux autres de leurs déceptions, ils s'entr'accusent, s'entre-déchirent. Quand le fantôme du bonheur ne les met pas aux prises sur les champs de bataille, le spectre de la mcrt n'en vient pas moins frapper à chaque porte, promener son niveau sur toutes les têtes et les réduire à un je ne sais quoi qui n'a de nom dans aucune langue.

Méditez un peu ce spectacle, et vous reconnaîtrez, je pense, que l'espèce humaine est chose indéfinissable, si l'on n'admet pas la définition qu'en donne la philosophie catholique Les hommes sont une famille destinée à jouir d'une vie supérieure, dont elle doit faire l'apprentissage en ce monde; mais une famille dévoyée dès l'origine, et que Jésus-Christ est venu remettre dans le droit chemin.

En observant de près les facultés et les tendances de ces voyageurs, vous verrez que tous proclament et réclament l'existence de ces trois faits: un Dieu universel, un Christ universel, une Église universelle, et que les protestations contraires de leur bouche sont démenties à chaque instant par le cri de leur conscience.

1° Tous les hommes proclament et réclament l'existence du Dieu universel. - Et d'abord, le corps humain, par son organisation, proclame le Dieu universel. De tous les corps vivants il est le seul qui soit en rapport avec l'universalité des ètres physiques, le seul qui puisse les dominer, les

(1) Proverbes, XIV, 13.

faire servir à ses usages. Cette propriété à part de notre organisme a fixé l'attention des anciens philosophes, notamment d'Aristote, qui définissait l'homme, un petit univers (microcosmos); de Cicéron, qui, dans le II livre de la Nature des dieux, nous a donné une magnifique description du corps humain; de Galien, à qui l'étude de ce chefd'œuvre arrachait des cris d'admiration. Ces grands esprits semblent avoir deviné, supposé qu'ils ne l'aient pas lu, le 26o verset du Ier chapitre de la Genèse : Dieu dit : Faisons l'homme à notre image et ressemblance, et qu'il domine, etc.

L'esprit humain proclame et réclame le Dieu universel. Avant toute démonstration, la pensée de Dieu occupe le fond de notre àme; c'est la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde; lumière que le nuage des passions peut obscurcir, mais qu'il n'éteint jamais. Dès que nous voulons nous expliquer notre existence et quelque existence que ce soit, l'Etre éternel se présente comme la seule explication possible. Nous ne pouvons le repousser sans braver le cri de notre conscience, le cri universel de la nature, des plantes, des animaux, de la grande armée des cieux. (V. Ier Fait.) Les hommes, il est vrai, se sont longtemps prosternés, beaucoup se prosternent encore devant des dieux particuliers, nationaux, qui n'ont rien de commun avec le Dieu universel; mais c'est là l'œuvre des passions en délire, contre laquelle ne cesse de protester l'âme naturellement chrétienne des idolâtres, comme le faisait observer Tertullien (1).

(1) << Voulez-vous que nous prouvions l'existence de Dieu..... par le témoignage même de l'âme, qui, malgré la prison du corps, malgré les préjugés et la mauvaise éducation, malgré la tyrannie des passions, l'esclavage des faux dieux, lorsqu'elle se réveille comme de l'ivresse ou d'un profond sommeil, lorsqu'elle recouvre, pour ainsi dire, la santé, invoque Dieu sous le seul nom qui lui convienne: Grand Dieu! Bon Dieu! Ce qui plaira à Dieu? Ce langage est dans la bouche de tout le monde. Elle le reconnaît aussi pour juge par ces paroles : Dieu le voit ; Je mets ma confiance en Dieu; Dieu me le rendra. O témoignage de l'âme naturellement chrétienne! Et en disant cela, elle ne regarde pas le Capitole, mais le ciel; elle sait que c'est là que

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