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DEUXIÈME FAIT.

L'EXISTENCE DE JÉSUS-CHRIST.

CHAPITRE I.

Que l'existence de Jésus-Christ est le fait le plus éclatant de l'histoire.

D. Je n'ai nullement la prétention de faire revivre les rèves du mathématicien Dupuis et du théologue allemand Strauss sur l'origine fabuleuse du Christ. Je dirai même, avec le rationaliste P. Leroux, que « la négation de l'existence de Jésus est la plus ridicule des absurdités (1). » Mais n'y a-t-il pas quelque exagération à présenter ce fait comme le plus éclatant de l'histoire?

R. Vous allez en juger. Ce qui caractérise l'importance et la notoriété historiques d'un fait, c'est moins l'éclat intrinsèque du fait lui-même, que la masse et la portée des faits qui composent son cortége historique, et dont il est le centre, le principe générateur. L'étoile placée à l'extrémité de la queue de la Petite-Ourse n'est certainement pas la plus brillante de notre hémisphère céleste; cependant elle est la mieux connue des voyageurs sur la terre et sur l'onde: pourquoi? Parce qu'elle est le centre de la moitié du firmament visible. Eh bien, l'étoile polaire, non de la moitié, mais de la totalité de l'histoire humaine, c'est l'existence de Jésus-Christ.

Si obscure que paraisse au premier coup d'œil la vie du Fils de l'homme, né à Bethléem, mort au Calvaire, elle a d'abord cela d'incomparable, qu'elle illumine tous les siècles antérieurs et qu'elle en est illuminée. Comme le dit

(1) Voy. le dialogue qu'il a mis en tête de l'élition illustrée des Fables de P. Lachambeaudie.

saint Paul, le Christ est la fin de la loi (1). Impossible de rien comprendre à l'existence aussi mystérieuse qu'incontestable du peuple juif, à sa législation religieuse et civile, à ses livres historiques, prophétiques, poétiques, si l'on n'y voit pas une préparation à l'avénement du Christ. Et il est parfaitement démontré aujourd'hui que la foi des Juifs à un rédempteur du genre humain a été la foi de tous les anciens peuples, sans exception connue, le fondement commun de toutes les théologies et religions (2).

Si je dois vous signaler ce côté extraordinaire de l'existence de Jésus-Christ, qui en a fait le Désiré de toutes les nations, l'Agneau immolė dès l'origine du monde (3), l'engagement que j'ai pris d'éviter les longueurs ne me permet pas de toucher, même sommairement, la thèse de l'accomplissement en Jésus-Christ des prophéties et des figures de l'ancien monde. Laissant donc les antécédents de l'avénement du Christ, je m'en tiens aux conséquences, et j'espère vous montrer que toutes les constellations historiques pâlissent devant ce soleil du monde moderne.

Le personnage que je vous invite à comparer au Christ, dans la balance de l'histoire, ce n'est ni Alexandre le Grand, ni Jules César, ni Mahomet, ni aucune individualité fameuse c'est le peuple-roi, cette masse de grands noms et de grands événements qui, de Romulus à Augustule, comprennent douze siècles. Or je maintiens que nos preuves de l'existence de l'empire romain sont loin d'égaler, par le nombre et la valeur, les preuves de l'existence de Jésus-Christ.

D. N'est-ce point trop promettre? Vous avez, de prime abord, contre votre thèse, ce fait embarrassant : Nul n'a jamais douté de l'existence des Romains; mais beaucoup ont douté et doutent encore de la réalité historique de Jésus-Christ.

(1) Ép. aux Rom., X, 4.

(2) V. Lamennais, Essai sur l'indifférence, t. III. — Schmit, de la Rédemption du genre humain.

(3) Apocalypse, XIII, 8.

R. Qui; mais ce fait n'embarrasse que les esprits trop novices dans l'étude des hommes pour savoir que, si les passions humaines avaient intérêt à nier l'axiome: Deux et deux font quatre, cet axiome trouverait beaucoup d'incrédules. Au reste, vos doutes vont s'évanouir par la confrontation des preuves respectives de l'existence des Romains et de l'existence du Christ, preuves que je divise en preuves écrites, en preuves muettes et en preuves parlantes et vivantes.

I. Par preuves écrites, j'entends les productions littéraires quelconques, les inscriptions, etc., écrites sur le papier, les pierres ou les métaux.

Entrons dans la plus vaste, la plus complète des bibliothèques; ou plutôt supposons réunies dans la même bibliothèque toutes les productions littéraires qui nous restent de l'époque romaine et de l'époque chrétienne. Mettons d'un côté ce qui est exclusivement romain, de l'autre ce qui est exclusivement chrétien.

Aux volumes qui contiennent le droit romain avec ses commentaires, depuis la loi des Douze Tables jusqu'aux édits de Tibère, opposons la Bible avec ses commentaires infinis, le droit canon, escorté des immenses collections des bulles pontificales, des décrets des conciles généraux et particuliers, etc. Depuis que le christianisme figure dans le droit romain, faisons la part du christianisme et du paganisme.

En face des historiens généraux et partiels des gestes du grand empire, plaçons les écrivains de l'histoire générale et partielle du christianisme; à Plutarque et aux autres biographes païens de leurs grands hommes, opposons les cinquante-huit énormes in-folio des Bollandistes, et les trente à quarante mille vies de saints et de héros, reflétant plus ou moins la vie du Christ.

Aux anciens mythologues, poëtes, philosophes, écrivains quelconques, opposons le déluge de nos théologiens, apologistes, controversistes, critiques, liturgistes, ascétiques,

poëtes, philosophes, etc., qui tous ont constaté l'existence de Jésus-Christ, même ceux qui se sont donné la triste mission de la défigurer.

Enfin, si aux inscriptions tumulaires qui invoquent les dieux mânes, aux actes publics et privés qui datent du consulat de..., nous comparons les inscriptions qui invoquent le Dieu de la croix, les milliards et milliards d'actes qui portent L'an du Christ..., il sera évident, pour les plus aveugles, que les preuves écrites de l'existence du Christ surpassent infiniment, par le nombre, ce qui nous reste des mèmes preuves de l'existence des Romains.

II. Preuves muettes. --J'entends par là les monuments publics et privés : temples, théâtres, arcs de triomphe, aqueducs, routes, bains, palais ou villas, tombeaux, statues, armes, médailles, etc.

Ces vestiges du plus fameux des empires sont devenus très-rares et se réduisent à rien, en présence des monuments du règne de Jésus-Christ. Comptez, s'il est possible, les milliers et millions de cathédrales, d'églises paroissiales, monastiques, de chapelles, d'oratoires publics et privés, où le génie de la foi applique, depuis quinze siècles, l'universalité des arts et des beaux-arts à célébrer et symboliser de mille manières chaque pas de Jésus-Christ sur la terre, toutes ses paroles, toutes ses institutions. Pour ne rien dire d'une foule d'autres monuments, comptez les croix qui, sur le faite de nos édifices, sur la cime de nos montagnes, le long de nos routes, dans nos cimetières, au chevet de nos lits, sur la couronne des rois, sur la poitrine des braves, sur le sein de la religieuse et de la femme chrétienne, etc., etc., proclament l'accomplissement de cette incroyable parole: Quand on m'aura cloué à un infâme gibet, le monde m'adorera!

III. Preuves parlantes et vivantes.-Quel est, je ne dis pas le peuple, mais l'individu qui peut dire : Je suis, par mes ancêtres paternels et maternels le descendant des maîtres du monde, et ce titre m'est assez cher pour que je meure

plutôt que de le renier? Des Romains, incontestablement Romains, il nous reste à peine quelques ossements, et encore en devons-nous la conservation à la piété chrétienne.

Mais la postérité du Christ, l'immense famille qui adore dans Jésus-Christ le vrai Dieu devenu vrai homme pour réconcilier les hommes avec Dieu, ne la voyez-vous pas remplir l'Europe, l'Amérique, couvrir de ses nombreuses colonies l'Asic, l'Afrique, l'Océanie, tous les archipels des mers? Si les chrétiens ne forment pas la majorité des habitants du globe, ils en sont évidemment l'élite, les irrésistibles dominateurs par leur supériorité morale et matérielle. Nonobstant le scandaleux abus qu'ils ont fait de leurs lumières et de leurs forces, leur religion est toujours la plus grande des religions, au jugement même de ceux qui la repoussent. Le brahme de l'Inde, le Siamois, l'adorateur du Bouddha vivant, ne disent-ils pas à nos missionnaires : La religion du Christ est plus belle, plus sainte que la nôtre, mais trop élevée pour nous, et aussi, à ce qu'il paraît, pour un bon nombre d'Européens? Dans leurs édits, tantôt favorables, tantôt persécuteurs, les maîtres de la Chine ne désignent-ils pas le christianisme par le beau nom de religion du Seigneur du ciel? Enfin, l'Alcoran ne rendil pas hommage au Fils de la Vierge et à sa divine mission?

Rapprochons maintenant ces deux faits. La moitié la plus éclairée de l'univers ne connaît l'existence des anciens maîtres du monde que par ouï-dire; l'autre moitié n'en a pas le moindre souvenir. Au contraire, l'existence de JésusChrist est l'objet de la foi religieuse, le fondement des mœurs sociales des nations chrétiennes et d'une infinité de chrétiens disséminés sur tous les points du globe; elle est l'objet du respect ou de la haine de tous les peuples non chrétiens. Comment donc croire à l'existence des Romains et douter de celle de Jésus-Christ?

D. Je ne vois pas ce qu'on pourrait opposer à ce raisonnement, sinon que, en donnant tous les chrétiens pour té

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