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Séance du vendredi 29.

PRÉSIDENCE DE M. REGNIER.

Le procès-verbal de la séance précédente est lu et la rédaction en est adoptée,

Sont offerts à l'Académie :

1o Annales de philosophie chrétienne: no de septembre 1869. 2° L'Investigateur: juillet et août 1869.

L'Académie se forme en comité secret.

M. DEHÈQUE, au nom de la Commission de l'Ecole française d'Athènes, lit un Rapport sur les travaux des membres de cette école, transmis par M. le Ministre de l'Instruction publique pour l'année 1868-69. Ce rapport, adopté par l'Académie, est

ainsi conçu :

MESSIEURS,

L'année dernière, l'Ecole française d'Athènes ne nous avait envoyé qu'un seul mémoire; cette année, nous en avons reçu deux. Nous regardons comme d'un bon augure cette marche progressive dans les travaux de l'Ecole.

L'un de ces mémoires est de M. Paul Vidal-Lablache. C'est un travail de deuxième année qui se compose de 121 pages, et qui a pour titre Hérode Atticus.

--

L'autre mémoire est de M. Charles Bigot; il est intitulé: Histoire du monde grec sous la domination romaine. Athènes à l'époque impériale et spécialement pendant la période antonine. Introduction.

Le premier de ces mémoires est en harmonie avec nos programmes; le second ne répond pas à ce que nous étions en droit d'attendre, car c'est l'introduction seulement de son histoire projetée que nous offre M. Charles Bigot, et cela comme mémoire de troisième année, en tout 27 pages.

La Commission n'a pu accepter ce travail à titre de mémoire; c'est une préface, rien de plus. Encore si le jeune auteur eût exposé en détail, à la suite de son introduction, le plan de l'histoire qu'il projette, ses divisions par livres et chapitres, s'il en eût détaché quelques épisodes, il nous eût mis par là en mesure d'apprécier son plan et de le juger, de l'encourager sans doute à poursuivre sa tâche.

Mais ce que nous connaissons de son travail est insuffisant pour que nous puissions espérer qu'il reprenne avec succès l'œuvre des savants écrivains qui, en Angleterre, en Allemagne, en France, ont étudié avec tant de soin et si bien fait connaître l'histoire de la Grèce sous la domination romaine (4).

(1) Finlay Greece under the Romans, London, 1851.

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Droysen :

Combien nous eussions préféré que le jeune membre de notre Ecole d'Athènes, au lieu de choisir un sujet si vaste et déjà traité par des maîtres, se fût borné à l'étude et au développement d'une des questions proposées par l'Académie et qu'on ne peut bien étudier et résoudre qu'en Grèce! Or le sujet qu'il a préféré est de ceux qui peuvent être traités à Paris aussi bien et mieux encore qu'à Athènes. Sans doute M. Charles Bigot a une manière d'écrire qui n'est pas sans mérite et qui plaît, qui plairait davantage sans des recherches et des effets de style que le goût réprouve. Sa facilité de rédaction, abondante et juvénile, a de l'agrément; elle est un témoignage d'esprit et d'imagination; mais ce n'est pas pour de semblables études qu'on passe trois années en Grèce; c'est pour se livrer à des travaux plus sérieux, pour s'initier à l'archéologie, à l'épigraphie, à la philologie et à la critique, à l'histoire de l'art dans l'antiquité.

Quant à son collègue, M. Vidal-Lablache, il nous semble avoir bien profité de son séjour à Athènes : aussi est-ce un véritable mémoire qu'il nous adresse; et, chose assez singulière, ce mémoire est comme un des grands épisodes de l'histoire projetée par M. Charles Bigot. C'est aussi à l'époque antonine que se rapporte le sujet choisi par M. Vidal-Lablache, et, dans le tableau où l'un et l'autre représentent l'état de la Grèce vaincue vis-à-vis de Rome, la maîtresse du monde, il y a une remarquable ressemblance de touche et de couleur. De préférence nous citerons le texte de M. Vidal-Lablache, pour vous mieux faire connaître le mémoire dont nous avons à rendre compte. Voici comme y est représentée la Grèce au temps d'Hérode Atticus:

«La Grèce, au moment où y rentrait Hérode Atticus, jouissait depuis un demi-siècle d'une sorte de renaissance. Malgré les blessures ineffaçables que lui avaient faites la conquête et surtout les guerres de Mithridate, l'époque des Antonins avait considérablement relevé sa prospérité. Les villes gardaient la faculté de se mouvoir assez librement dans leur orbite municipale. Les confédérations, supprimées après la conquête, avaient été rétablies, dès qu'elles n'avaient plus paru redoutables (1). Non-seulement les anciens jeux continuaient à être célébrés, mais les nouveaux se multipliaient, comme en font foi les catalogues agonistiques de cette époque. La trévé sacrée d'Olympie continuait d'être scrupuleusement inscrite sur les monuments de cette ville, même au sein de la paix romaine (2). Les plus fières traditions du patriotisme (3), aussi bien que les souvenirs religieux, avaient leur place dans ces fêtes qu'animaient les discours des rhéteurs, les discussions littéraires et philosophiques. L'activité naturelle à la race grecque avait ainsi moyen de se passer de l'ai

Ahrens :

Geschichte des Hellenismus. Hamburg, 2 vol., 1836-1843. De Athenarum statu politico et litterario sub imperatoribus. Göttingen, 1829. Brunet de Presle: La Grèce depuis la conquête romaine jusqu'à nos jours. Paris, Didot, 1860.

(1) Voir Pausanias, VII, 6-7.

(2) Voir les inscriptions inédites d'Olympie, publiées par M. Beulé dans ses Etudes sur le Péloponnėse, p. 268.

Cf. Egger Traités pu

blics chez les Grecs et les Romains, p. 486 et suiv. (3) Les jeux de Platée.

guillon de la liberté politique. La Grèce offrait encore en cet état aux renommées locales un écho sonore que sa littérature se chargeait de transmettre aux autres parties du monde romain; par là s'expliquait qu'un homme comme Hérode Atticus vînt volontairement y renfermer son existence. »

Le mémoire dont nous venons de lire un extrait se compose de trois parties précédées d'une introduction et suivies d'un appendice. Dans la première partie, l'auteur nous fait connaître la famille et les premières années d'Hérode Atticus, ses débuts littéraires et administratifs, son archontat éponyme, son premier mariage avec Vibullia Alcia.

La deuxième partie se rapporte à son séjour à Rome, où il fut l'un des maîtres auxquels l'empereur Tite-Antonin confia l'éducation de Marc-Aurèle et de Vérus, ses fils par adoption; où il dut à la reconnaissance de ses élèves et de leur père l'honneur d'être nommé consul en 143; où il épousa sa seconde femme, une riche et illustre Romaine, Annia Régilla. A l'occasion de ce mariage et de son issue funeste, il y a là d'intéressants détails sur la magnifique villa du Triopium, que Régilla avait apportée en dot, et sur le monument funèbre qu'Hérode y consacra à cette épouse bien-aimée.

Dans la troisième partie, qui s'étend depuis le retour d'Hérode en Grèce jusqu'à sa mort, l'auteur nous fait connaître l'aspect général de la Grèce et d'Athènes à cette époque, le caractère du rôle qu'y joua Hérode, son procès, les ennemis puissants que son crédit, ses honneurs, surtout son immense fortune lui suscitèrent, son voyage à Sirmium, en Pannonie, où il comparut devant Marc-Aurèle, son retour dans sa ville natale, à Marathon, où il meurt. Un coup d'œil sur la vie littéraire d'Hérode termine cette troisième et dernière partie du mémoire.

Le plan de ce mémoire est méthodique; il est bien conçu, il n'est pas moins bien suivi et exécuté. Aussi pouvons-nous dire que Tibérius-Claudius Hérode Atticus a trouvé enfin, non plus seulement un biographe et un critique, mais un historien.

Philostrate, dans sa Vie des sophistes, bien peu de temps après la mort de l'illustre rhéteur, avait écrit sa biographie sous une forme anecdotique et quelque peu déclamatoire. Dans le XXX volume des Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, il y a un mémoire de Burigny sur la vie d'Hérode. Fiorillo, en 1804, a publié une très-remarquable monographie, Herodis Attici quæ supersunt. Auparavant, en 4794, le célèbre Visconti avait donné, avec ses observations sur les inscriptions grecques du Triopium, des notions trèsprécieuses sur le rhéteur qui les avait, sinon faites, du moins inspirées. En dernier lieu, un savant d'Allemagne, Théodore Heyse (1), a publié une courte et substantielle étude sur quelques points de la vie d'Hérode Atticus.

Voilà les sources où a puisé M. Vidal-Lablache; c'est là qu'il a trouvé une partie des matériaux qu'il a si bien mis en œuvre, mais il en a trouvé de plus précieux encore. Les découvertes récentes de l'épigraphie lui ont fourni des documents inconnus à ses prédécesseurs; elles l'ont encouragé à reprendre l'étude de la vie et des travaux du

(1) Dans la Zeitschrift fur die Alterthumswissenschaft (no 422, oct. 1839).

rhéteur athénien, et lui ont permis de faire une œuvre plus complète et définitive.

Et puis, à Athènes, en présence des monuments élevés ou restaurés à si grands frais par Hérode Atticus, là, où l'on est si près de Marathon, le berceau du grand rhéteur, où vit encore son souvenir, celui de son école, de son professorat, de ses élèves les Pausanias, les Aulu-Gelle, il est tout naturel qu'un jeune membre de l'Ecole française d'Athènes ait eu l'heureuse inspiration d'étudier de plus près, avec des documents nouveaux, cette grande et noble figure de l'homme de lettres le plus riche peut-être qui ait été au monde, et qui fit de sa fortune un si splendide et si magnifique usage.

A l'appui des faits nouveaux relatifs à la vie de l'illustre rhéteur, des fonctions qu'il a exercées, des titres qu'il s'était créés à la reconnaissance de ses concitoyens, à l'admiration de la postérité, se trouvent dans le corps du mémoire des inscriptions d'un grand prix, notamment celle qui révèle et constate son premier mariage, lequel était resté à peu près inconnu (1). Dans l'appendice, il y en a d'autres non moins intéressantes, qui sont comme les pièces justificatives du mémoire. Il est très-méritoire de les avoir recueillies, d'en avoir si bien profité; toutefois nous adresserions au jeune savant le reproche de ne les avoir pas traduites, si nous n'élions pas bien sûr, à la manière dont il s'en sert, qu'il lui était facile de les traduire. Néanmoins nous l'engageons à les faire suivre d'une traduction, si, comme nous en émettons le vœu, son œuvre reçoit l'honneur bien mérité de l'impression.

C'est une bonne méthode, en général, et c'est presque un devoir pour les jeunes épigraphistes que de traduire fidèlement ces précieux monuments de l'histoire n'est-ce pas en effet, une preuve qu'on est bien initié au style lapidaire, aux antiquités classiques?

Nous avons très-peu d'observations critiques à faire. La rédaction de ce mémoire est soignée, élégante sans recherche. Dans une révision typographique, il sera facile de faire disparaître quelques taches qui déparent une ou deux pages, et de rectifier une erreur chronologique au sujet des deux frères (2) Quintilius Sextus Condianus et Sextus Quintilius Maximus, mentionnés dans les inscriptions.

En résumé, l'œuvre de M. Vidal-Lablache s'ajoutera avec distinction aux meilleurs mémoires de l'Ecole française d'Athènes.

Cette école, qui vient de s'adjoindre trois nouveaux membres, va reprendre, nous aimons à en concevoir l'espérance, cette activité ré

(1) Voir aux Addenda, p. 920, t. 1er du Corpus inscript. græca

rum.

(2) « En 170 ou 471, la province d'Achaïe était gouvernée par deux frères, Maximus et Condianus Quintilii...» (Page 69 du Mémoire.) Il n'est guère probable que les deux frères Quintilii, consuls en 154, aient gouverné l'Achaïe, simple province prétorienne, en 170 ou 171. Il s'agit plutôt de deux autres Quintilii, dont l'un, Maximus fut consul en 472, et l'autre, Condianus, fut consul en 480. Maximus, consul en 472, peut avoir gouverné une province prétorienne en 174, et son frère Condianus était sans doute son légat.

Le consul Maximus de 151 fut proconsul d'Asie en 165 ou 166 (Voir page 356, no 992 du Voyage archéologique en Grèce et en Asie Mineure, de Le Bas et Waddington).

gulière et féconde dont elle a donné tant de preuves pour l'honneur des lettres et de l'érudition.

La séance étant redevenue publique, M. De Mas-Latrie, à qui M. JOURDAIN veut bien céder son tour de parole, termine la lecture, en communication, de son mémoire intitulé: D'un privilége commercial accordé en 1320 à la République de Venise par un roi de Perse, faussement attribué à un roi de Tunis.

ANALYSE.

Antoine Marini, ancien directeur des Archives de Venise, et auteur de l'Histoire du commerce des Vénitiens, a publié des extraits d'un document intéressant, de l'an 1320, qu'il considère comme un privilége commercial accordé par un roi de Tunis, de la dynastie des Hafsides, à la nation vénitienne. Le document est en effet inscrit dans les inventaires des Archives de la République de Venise, dont l'un remonte au XVIe siècle, comme un privilége ou traité de commerce dû à un roi de Tunis: 1320. Pactum Tunisii in re mercatoria. Transcrite d'ailleurs en entier dans le 4° registre des Libri Pactorum, et dans le Liber Albus, autre recueil des actes officiels de la République de Venise, dont l'écriture remonte au XIVe siècle, la pièce est, dans les deux copies, précédée de ce titre formel: Pactum Tunisii.

La dissertation lue par M. De Mas-Latrie a pour objet de contester l'attribution de Marini, et par suite l'attribution inscrite dans les inventaires et les anciens cartulaires de Venise.

Le caractère particulier du firman de 1320, c'est qu'il concerne un commerce de terre, qu'il autorise les Vénitiens à participer aux caravanes des indigènes et à former eux-mêmes des caravanes, pour aller porter au loin leurs marchandises dans toutes les directions.

On voit les conséquences qu'on a été naturellement amené à tirer de ces faits. Non-seulement, Marini et Fanucci admettent que dès le milieu du XIV° siècle, les marchands vénitiens ont fréquenté les marchés du Fezzan et du Soudan, mais Marini tient pour certain que les Vénitiens participaient également à la même

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