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Séance du mercredi 29.

PRÉSIDENCE DE M. REGNIER.

Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.
Il est donné lecture de la correspondance officielle.

Par une dépêche en date du 28 décembre, M. le Ministre de l'Instruction publique informe le Président de l'Académie qu'à l'occasion de la nouvelle année S. M. l'Empereur recevra l'Institut le 1er janvier à 1 heure.

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L'ordre du jour appelle la nomination de la Commission du prix Gobert pour le concours de 1870. M. le PRESIDENT rappelle les noms des membres de la précédente Commission, lesquels ne peuvent être réélus cette année.

Un scrutin de liste est ouvert dont le résultat donne la majorité absolue à MM. LABOULAYE, WALLON, HUILLARD-BRÉHOLLES et DEFRÉMERY, qui formeront la Commission nouvelle avec l'adjonction des membres du Bureau.

M. BRUNET DE PRESLE donne quelques détails sur son récent voyage en Egypte.

« Le voyage, dit-il, qu'il vient de faire sur l'invitation du viceroi d'Egypte à l'occasion de l'inauguration du canal de Suez, a été trop rapide et s'est accompli dans des circonstances trop peu favorables à des études approfondies pour qu'il ait pu se flatter d'en rapporter des documents de quelque intérêt pour la science; il veut cependant donner des renseignements sur une bibliothèque qu'il a visitée, qui pourront mettre sur la voie de recherches ultérieures.

» Après avoir suivi le canal des deux mers jusqu'à Suez, M. DE PRESLE est revenu au Caire et a été logé sur le Nil à Boulaq près du musée fondé et dirigé par M. Mariette. Il en a profité pour étudier les nombreux et importants monuments qui y sont rassemblés et particulièrement la stèle bilingue de Canope dont on

peut maintenant lire le texte démotique tracé sur le côté et qui n'avait pas été remarqué d'abord. L'Académie avait fait demander une copie de cette partie de l'inscription dont la comparaison avec les textes hiéroglyphique et grec doit présenter tant d'intérêt. On fait espérer que M. Brugsch, de concert avec M. Mariette, doit publier prochainement ce texte démotique.

>> Les monuments de l'antique Egypte ont été dans ces derniers emps l'objet de si nombreux et si beaux travaux, que M. DE PRESLE a cru devoir s'attacher à recueillir des souvenirs de l'époque ptolémaïque ou byzantine et à étudier la condition des Grecs qui sont revenus se fixer en très-grand nombre en Egypte, qui y prospèrent en général par le commerce et l'industrie et font servir leur fortune à relever l'instruction hellénique. Ainsi M. DE PRESLE a visité une école fondée au Caire il y a peu d'années par les frères Abbétis et qui, sous l'intelligente direction du Dr Jean Chadjidakis, donne déjà des résultats remarquables. Les élèves sont répartis en quatre classes et ils arrivent à expliquer les auteurs classiques, les dialogues de Platon et les tragiques. Une classe d'histoire ancienne à laquelle M. DE PRESLE a assisté montre les progrès que les élèves ont faits dans cette étude.

> Cette école est située dans le voisinage d'un couvent grec célèbre, succursale de celui du mont Sinaï et que l'on désigne sous le même nom.

» Ce n'est qu'à la veille de son départ que M. DE PRESLE fut informé de l'existence dans le couvent d'une riche collection de manuscrits grecs parmi lesquels il s'en trouvait, disait-on, de très-anciens et d'inédits. Il savait que M. Miller en partant de France avait le désir de visiter les bibliothèques en Egypte, et les recherches d'un savant qui a une telle connaissance de l'ensemble de la littérature grecque n'auraient pu manquer d'être fructueuses comme en Espagne, en Italie et en Grèce. Mais il paraît que les circonstances du voyage que M. Miller a fait jusque dans la haute Egypte ne lui ont pas permis de s'arrêter à cette bibliothèque du couvent du Sinaï.

» Lorsque M. DE PRESLE s'y rendit, l'hégoumène était absent et

il avait mis sous clef dans son cabinet les manuscrits qu'il regardait comme les plus précieux. Ce n'est pas sans quelques difficultés et une certaine défiance que les moines grecs laissent pénétrer les voyageurs occidentaux dans leurs bibliothèques; cependant M. DE PRESLE, qui était accompagné de deux médecins grecs de ses amis, les Drs de Corogna et Della Grammatica et qui avait fait la connaissance d'un jeune moine de ce couvent, fut admis dans la salle de la bibliothèque et les armoires lui furent ouvertes de la meilleure grâce.

>> Il peut y avoir là quelques milliers de volumes, mais les ouvrages en arabe, en copte, en arménien, en grec, les livres imprimés et manuscrits, y sont confondus sans ordre méthodique.

>> Il existe bien deux catalogues manuscrits rédigés dans le siècle dernier par ordre alphabétique des noms d'auteurs, mais ils ne correspondent pas par des numéros aux manuscrits qui renferment ces auteurs, en sorte qu'il est difficile de mettre la main sur les volumes qu'on voudrait étudier. Les noms portés sur ce catalogue sont connus et sont principalement ceux de pères de l'Eglise, mais pour des manuscrits, on ne doit jamais s'en tenir à ces indications sommaires. Malheureusement, dans le peu d'heures dont M. de Presle pouvait disposer, il ne lui a été possible d'examiner qu'un petit nombre de manuscrits. Plusieurs livres des pères sont d'une antiquité respectable, mais les auteurs profanes sont de mains plus récentes. Tel est un manuscrit des vies des hommes illustres de Plutarque. Il y a un commentaire sur le livre d'Aristote IIɛpì γενέσεως καὶ φθορᾶς par le célèbre Alexandre Mavrocordatos, le grand interprète de la Porte; des traités de rhétorique, de Corydalée, d'Athènes; un traité sur la procession du SaintEsprit, par Marc d'Ephèse; le Lexique de saint Cyrille, archevêque d'Alexandrie; le livre de saint Denys sur la hiérarchie céleste; un commentaire anonyme sur l'œuvre des sept jours dont le début paraît différer des ouvrages imprimés sur le même sujet. Un petit manuscrit, moitié en arabe, moitié en grec, contient l'histoire du couvent durant le dernier siècle et sur

tout des nombreuses avanies auxquelles il était exposé. II y aurait peut-être quelques renseignements curieux à en tirer.

» Il est dit en tête du catalogue que ces manuscrits proviennent de la bibliothèque du mont Sinaï, et il est question de les y reporter par suite de certaines dissensions qui se sont élevées dans l'administration de l'Eglise grecque d'Egypte. Ils y seraient encore moins à portée d'être étudiés. En passant à Alexandrie, M. DE PRESLE a recommandé à M. Zanos, consul général de Grèce en Egypte, de ne pas perdre de vue le sort de ces manuscrits dans l'intérêt de la science.

>> Parmi les volumes dont les moines paraissent le plus jaloux et que l'hégoumène tenait enfermés se trouve, dit-on, un manuscrit fort ancien de saint Barnabé qui contiendrait des lettres inédites. Ne seraient-ce pas simplement les additions que M. Tischendorf a publiées d'après un codex du Sinaï? Ce savant a visité il y a quelques années le couvent du Caire et a offert à sa bibliothèque de la part de l'empereur de Russie un exemplaire du codex sinaiticus gravé en fac-simile. Ce bel ouvrage est le prix des communications qui ont été faites à l'habile explorateur des bibliothèques de l'Orient. Mais, en dehors du Nouveau Testament, qui était l'objet spécial des recherches de M. Tischendorf, on peut espérer de faire encore quelque heureuse découverte dans la bibliothèque du couvent du Sinaï, et c'est ce qui a engagé M. DE PRESLE à donner ces renseignements aux futurs voyageurs en Egypte.

» En même temps que le musée de Boulaq réunissait tant de précieux monuments de l'époque pharaonique, si un musée hellénique avait été fondé à Alexandrie, il est probable qu'il serait déjà très-riche et conserverait bien des monuments qui sont exposés à être détruits ou sont dispersés dans des collections particulières peu accessibles.

» Il y a quelques semaines un beau sarcophage en marbre blanc décoré de génies et de guirlandes a été trouvé dans un champ en dehors de la porte de Rosette, peut-être sur l'empla

cement de l'ancienne nécropole, et il attend au milieu de la grande route qu'on le transporte dans un des jardins du vice-roi.

» Dans la rue de Rosette, presque en face du théâtre Zizinia, devant la maison du Dr Gaillardot, est une statue colossale d'Hercule récemment découverte et qui, bien que mutilée, est un spécimen très-remarquable de l'art grec. Le demi-dieu est assis. Le bras droit étendu en avant est brisé. La comparaison avec d'autres statues analogues fait supposer qu'il devait tenir les pommes des Hespérides. La main gauche reposait sur la massue. La tête manque, mais le torse nu a un très-grand caractère ainsi que l'Académie peut en juger par un croquis très-fidèle tracé par M. De Bérard, un des artistes distingués qui viennent de visiter l'Egypte. La peau de lion jetée sur les genoux présente une disposition des plus heureuses, et, sans être très-achevée, cette statue rappelle les belles époques.

>> D'autres statues se voient dans des carrefours ou dans les cours de quelques maisons. Telles sont une statue de Jupiter Sérapis intacte, mais d'un travail médiocre, et une statue mutilée d'empereur romain, probablement un Dioclétien, dont M. Louis Passy s'est occupé dans le mémoire qu'il a lu devant l'Académie sur les monuments de porphyre.

» Mais un des monuments les plus remarquables peut-être de la statuaire alexandrine est une statue de femme assise qui existe dans une maison que l'on désigne comme ayant été habitée par le général Bonaparte lors de l'expédition d'Egypte. Aucun attribut ne caractérise cette figure dont les pieds reposent sur un riche escabeau. Une jeune fille debout s'appuie contre l'épaule gauche de la femme dont la tête est en partie recouverte d'un voile. Peut-être est-ce un monument funéraire d'une prêtresse ou d'une princesse de la famille des Ptolémées. Les draperies sont traitées avec beaucoup d'art, et le visage a une expression qui est presque celle d'une vierge chrétienne. Mais il appartient à M. Guillaume, directeur de l'Ecole des beaux arts, qui a pris récemment un dessin de cette belle statue, d'en faire ressortir le caractère et d'en conjecturer la date.

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