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d'Afrique, et dans l'ouest par celles de l'Asie orientale, avec un intervalle total de 130° de longitude entre Lisbonne et Quinsay, la magnifique capitale du puissant empire du Catay. A 50° en deçà du Catay gisait la grande île de Cipango, ou le Japon; à 30° en avant de Lisbonne se projetait la grande île Antilia ou des Sept Cités, que les cartes du temps indiquaient par delà les Açores, avec quelques autres îles d'un gisement moins assuré, entre lesquelles le nom de Brésil se montrait à diverses places. Une voie directe était ainsi hardiment tracée par le docte Florentin à travers l'Océan occidental jusqu'à cet opulent pays du Grand Can dont le vénitien Marc Polo avait, deux siècles auparavant, vu et raconté les incomparables merveilles!... Des soucis plus prochains, une guerre aux péripéties étranges, détournèrent l'attention d'Alphonse V de ces méditations sur la route maritime des Indes par l'Occident. Mais Cabot, qui dans ses pérégrinations du Levant (et dice che altre volte esso è stato a la Mecha) avait appris des caravanes d'Arabie que les épiceries venaient de main en main des pays les plus reculés de l'Orient, Cabot ne pouvait manquer de ruminer en son cerveau d'aventureuses pensées à l'égard de cet horizon lointain où était précisément indiqué l'Orient extrême vers lequel s'échelonnaient, comme des étapes successives, les îles de Brésil et d'Antilia, puis Cipango !...

Le nouveau citoyen de Venise, emmenant sa femme et ses enfants pour aller fonder au dehors, suivant les habitudes cosmopolites vénitiennes, un établissement de commerce maritime, choisit le port anglais de Bristol, dont l'estuaire s'ouvre justement vers ces parages occidentaux où Toscanelli montrait au loin les fortunés rivages du Catay. On peut conjecturer que c'est aux environs de l'année 1477 que la famille Cabot transporta ses pénates en ce port de l'extrême occident européen, car son second fils, Sébastien, que je suppose né vers 1472 ou 1473, était alors tout enfant.

Or, dès 1480, le 15 juillet, voilà qu'il sort de Bristol pour aller à l'ouest de l'Irlande chercher l'île du Brésil, un navire et Bon adége, jaugeant 80 tonneaux, appartenant à l'armateur Jay

le jeune, et conduits par le plus habile marin qu'il y eût alors dans toute l'Angleterre ; et le 18 septembre suivant, on apprend à Bristol qu'après deux mois de croisière l'expédition est rentrée. dans un port d'Irlande sans avoir trouvé l'île cherchée. Ce magister navis scientificus marinarius totius Angliæ, je me persuade qu'il n'est autre que Jean Cabot lui-même.

Mais d'un doute passons à une certitude. Nous voici en 1494, et nous savons, pertinemment cette fois, qu'alors commence une série d'explorations consécutives, qui emploient, chaque année, deux, trois, quatre caravelles, sortant du port de Bristol pour aller au gré de Jean Cabot, le Génois, à la découverte des îles du Brésil et des Sept-Cités : c'est ce que mande officiellement à son gouvernement l'ambassadeur espagnol Pierre d'Ayala, dans une dépêche du 25 juillet 1498, à propos du départ d'une grande expédition confiée à ce Génois: Los de Bristol ha siete años que cada año han armado dos, tres, cuatro caravelas paru ir á buscar la isla del Brasil y las Siete Ciudades con la fantasia deste Ginovés.

Enfin, dans la quatrième campagne de cette série septennale, au mois de juin 1494, la recherche n'est plus vaine : dans une des légendes qui accompagnent la grande mappemonde elliptique publiée en 1544 par Sébastien Cabot, alors grand pilote d'Espagne, est consignée, tant en espagnol qu'en latin, la déclaration irréfragable que voici, à laquelle se réfère un renvoi exprès pour ce qui concerne la Tierra de los Bacallaos : « Cette » terre a été découverte par Jean Cabot, vénitien, et Sébastien » Cabot, son fils, en l'année de la naissance de Notre Sauveur » Jésus-Christ, M.CCCC.XCIIII (1494), le vingt-quatre juin [à » 5 heures] dans la matinée, à laquelle (terre) on a donné le » nom de Première terre vue; et à une grande île qui est tout » près de ladite terre, on lui a donné le nom de Saint-Jean, » pour avoir été découverte ce même jour. »

C'est bien cette date de 1494, telle que nous la constatons sur la carte même de Sébastien Cabot, conservée à Paris au cabinet géographique de la Bibliothèque impériale, qui avait été pareillement relevée en 1866 à Oxford, sur un exemplaire sem

blable, par Nathan Kochhaf (Chytraeus), et que Hakluyt avait copiée en 1589 au palais de Westminster sur une autre édition gravée par Clément Adams. Une faute typographique (plutôt qu'une correction arbitraire mal avisée) a altéré cette date, en cette même citation, dans l'édition postérieure du recueil de Hakluyt: cela ne vaudrait pas la peine de s'y arrêter, si je n'étais obligé d'avertir ici que plus d'un lecteur imprudent a pris à l'étourdie, et sans plus ample informé, la date ainsi corrompue pour celle que Hakluyt aurait effectivement copiée sur l'exemplaire gravé par Adams. On ne saurait, d'autre part, infirmer la date de 4494 réellement écrite, sous prétexte que la légende ne serait pas émanée de Sébastien Cabot lui-même! Eh! de qui donc viendrait-elle ? Pour moi, en effet, elle remonte originairement à Jean Cabot, qui l'aurait libellée en italien, et cela explique.comment les différentes versions latines qui en ont été faites, identiques pour le fond, ne sont point exactement semblables en la forme. Pour la rédaction espagnole, elle est évidemment postérieure à l'établissement de Sébastien Cabot en Espagne. Mais qu'importe tout cela? Les légendes appartiennent incontestablement à la carte, car celles qui ne sont pas, à cause de leur étendue, comprises dans l'intérieur même du dessin, y sont rattachées expressément par des renvois. Et si l'on pouvait douter un instant que tout l'ensemble, fût l'œuvre propre de Sébastien Cabot, on n'aurait, pour éloigner immédiatement toute hésitation à cet égard, qu'à lire les premières lignes du Retulo del auctor, commençant ainsi : « Sebastian Caboto, capitan y piloto mayor de la Sacra Cesarea catolica majestad del imperador don Carlos quinto deste nombre y rey nuestro sennor, hizo esta figura extensa en plano, anno del nascimiento de nuestro Salvador Jesu Christo de M.D.XLIIII annos,... etc. >>

Je tiens donc pour désormais incontesté, ainsi que je l'ai toujours considéré comme incontestable, que la première découverte de Cabot eut lieu le 24 juin 1494.

Or, pendant les tentatives répétées de cet intrépide navigateur, à la recherche des Indes par l'Occident, le grand fait de la découverte colombienne s'était accompli, et à la suite étaient

venus la promulgation de la bulle papale qui adjugeait ce nouveau monde à l'Espagne, et aussitôt la protestation du Portugal, et la fixation d'une ligne de démarcation, et enfin le traité de Tordesillas du 7 juin 1494. Aussi lorsque Jean Cabot eut entrevu, à son tour, de nouvelles terres, il lui fallut reconnaître qu'à un souverain seul il pouvait appartenir de les déclarer siennes, et d'en conférer le domaine utile au découvreur; et il eut recours au roi d'Angleterre, Henri VII, pour échapper aux prétentions exclusives de l'Espagne et du Portugal. Peut-être eut-il, dès cet appel à l'intervention royale, à lutter contre les influences jalouses du dehors; du moins est-il certain que l'ambassadeur castillan, Ruy Gonzalez de Puebla, reçut ordre de sa cour de faire des représentations contre toute entreprise de ce genre: (Estas cosas semejantes son cosas muy ynciertas y tales que para agora no conviene entender en ellas, y tan bien mirad que à aquellas partes no se puede entender en esto sin perjuyçio nuestro o del rey de Portugal). Quoi qu'il en soit, le roi d'Angleterre signa enfin à Westminster, le 5 mars 4496, des lettres patentes portant privilége pour Jean Cabot, citoyen de Venise, et ses trois fils, Louis, Sébastien et Sanche, et leurs héritiers ou ayants cause, d'aller par mer, sous le pavillon royal britannique, à la découverte des terres inconnues de l'hémisphère boréal, et d'en prendre légalement possession au nom de la couronne d'Angleterre, pour en jouir exclusivement et héréditairement, lui et les siens, à titre de vassaux et d'officiers du roi, sous la redevance d'un cinquième du bénéfice net des produits, lesquels seraient introduits en franchise de tout droit de douane par l'unique port de Bristol.

Il faut probablement attribuer aux menées de la diplomatie castillane les retards qu'éprouva encore le départ de l'expédition, laquelle ne mit en mer qu'aux premiers jours de mai 1497, sur un petit navire monté par dix-huit hommes d'équipage, dont un Bourguignon et un Génois, mais la plupart Anglais de Bristol. Elle était de retour au commencement d'août, car le roi donnait sur sa cassette, à la date du 10 de ce mois, une gratification de bienvenue de 40 livres sterling To hym that found the new Isle. Quelques jours après, le 23 août, le marchand vénitien,

Laurent Pasqualigo, mandait de Londres à ses frères, à Venise, ce qu'il avait appris des résultats de cette campagne : Jean Cabot avait trouvé, à sept cents lieues dans l'ouest, une terre ferme, qu'il avait côtoyée l'espace de trois cents lieues, n'ayant rencontrẻ âme qui vive sur les points où il avait abordé, mais y ayant remarqué cependant des traces d'habitants, notamment des arbres entaillés et des filets pour la chasse du gibier; au retour il avait vu sur sa droite deux îles, où il n'avait point voulu aborder à cause de l'épuisement de ses vivres. Il était rentré à Bristol après une campagne de trois mois, ayant laissé sur les terres par lui découvertes une grande croix, avec la bannière d'Angleterre et celle de saint Marc de Venise.

Quelles étaient ces trois cents lieues de côtes ainsi placées sous le double protectorat britannique et vénitien? On peut en faire l'objet d'une étude spéciale en comparant soigneusement, avec la carte de Sébastien Cabot prise naturellement ici comme type de référence, le dessin plus ou moins grossier des terres sur lesquelles, dans la carte du célèbre pilote espagnol Jean de la Cosa, en date de l'année 1500, flotte une série de pavillons significatifs, accompagnés, dans l'est, du nom du Cabo de Ynglaterra, et dans l'ouest, de l'inscription Mar descubierta por Yngleses. C'est, en somme, dans toute son étendue, ce que trente ans après les Espagnols appelaient Tierra de Estevan Gomez.

Sans m'arrêter à l'accueil enthousiaste que reçut Jean Cabot après son retour, au titre d'amiral et aux vêtements de soie dont il se parait, aux concessions d'îles dont il avait gratifié deux de ses compagnons (et intrambi se reputano conti, ne monsignor larmirante se estima manco de principe), sans parler des magnifiques promesses dont il se montrait prodigue, je viens tout de suite aux préparatifs d'une nouvelle expédition plus considérable, dont on s'occupa aussitôt. Le roi signa à Westminster, le 3 février suivant (1498), des lettres-patentes autorisant expressément Jean Cabot, ou son représentant dûment autorisé, à prendre dans les ports d'Angleterre six navires de deux cents tonneaux de jauge au plus, avec tous leurs apparaux, aux mêmes prix et conditions que pour le service royal, et d'y embarquer autant de monde

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