pagne que comme des étrangers et des voyageurs. A la renaissance des lettres, quelques-uns de nos poètes, faute d'avoir des modèles sous leurs yeux, imitèrent scrupuleusement les mœurs des anciens; leurs tableaux parurent sans intérêt, parce qu'ils étaient sans vérité : pour comble de malheur, ils ne songèrent qu'à imiter les bergers de Théocrite et de Virgile; ils n'imitèrent point le style de ces deux poètes, et le genre bucolique acheva de tomber en discrédit. Segrais a fait des essais assez heureux pour mériter le suffrage de Boileau; mais Segrais n'a fait qu'imiter les mœurs des anciens' qui ne sont pas les nôtres, et il ressemble trop à un poète dramatique, qui, sur notre théâtre, nous représenterait les mœurs des Grecs et des Romains. Fontenelle a voulu suivre une autre route et peindre d'autres mœurs; mais il a placé les manières et le ton de la cour dans les champs: ce défaut de convenance n'est point racheté, dans ses pastorales, par le mérite du style. Laharpe a dit, en parlant de Fontenelle: Ses bergers en savent trop en amour, et il en sait trop peu en poesie. Gessner est venu ensuite : il n'a marché ni sur les traces de Fontenelle, 'ni sur celles de Segrais; mais il a fait ses personnages si parfaits, qu'ils en sont ennuyeux: ses belles Idylles paraissent être des fragments d'Astrée: ses bergers, quoiqu'ingénieux, ne sont, à le bien prendre, que la postérité de Céladon, s'il est vrai toutefois que Céladon ait eu une postérité. Après tant de malheureux essais, nous sommes bien loin d'avoir des idées positives sur la forme qu'on pourrait donner aujourd'hui à l'églogue. Un homme pourrait nous éclairer sur ce point, c'est celui qui aurait le génie de Virgile; mais il est probable que nous raisonnerons encore long-temps avant de le voir paraître jusqu'à ce moment, faut nous en tenir à ce que les anciens nous ont laissé; et, pour nous consoler de ce qui nous manque, nous n'avons rien de mieux à faire que de relire souvent les Eglogues de Virgile. : il ECLOGA SECUNDA. ALEXIS. FORMOS O crudelis Alexi, nihil mea carmina curas; ÉGLOGUE DEUXIÈME. LYCORIS. LE berger Corydon brûlait pour Lycoris : « Cruelle! quoi! mes chants n'ont pu vous attendrir! » Rassemble ses faneurs à des tables frugales: >> Tout repose; on n'entend on n'entend que le cri des cigales; » Et moi, pour adorer la trace de vos pas, » Les feux d'un ciel ardent ne m'épouvantent pas! Quamvis ille niger, quamvis tu candidus esses? nimiùm ne crede colori; O formose puer, Alba ligustra cadunt, vaccinia nigra leguntur. (3 |