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ses richesses, et les éloges qu'il se donne : il est poussé à bout, et lorsqu'il se loue il ne paraît que se justifier.

Mille meæ siculis errant in montibus agnæ.

Le berger essaie d'abord de flatter l'ambition d'Alexis; ce moyen est pris dans la nature humaine : dans tous les siècles, dans les villes comme dans les campagnes, la fortune a donné bien des cœurs à l'amour. Pour résister aux instances de Corydon, dit un savant commentateur, il faudrait être tigre ou rocher.

Quelques savants ont cru devoir, à l'occasion de ce vers, faire l'énumération des richesses de Virgile: il avait une maison à Rome, dans le voisinage du palais de Mécène; il possédait de vastes pâturages dans les montagnes de Sicile, et il avait de plus un domaine dans le territoire de Mantoue. Cette énumération des richesses de Virgile ne fera pas sentir davantage la beauté de ses vers. Mais, comme la fortune du poète fut due aux libéralités d'un empereur, elle servira du moins à nous montrer qu'il vivait sous un gouvernement qui sut l'apprécier. Si nous offrons Virgile pour modèle aux poètes, qu'il nous soit permis de rappeler aux princes de la terre l'exemple d'Auguste.

5) PAGE 106, VERS 8.

Canto quæ solitus, si quando armenta vocabat,

Amphion Dircæus in Actæo Aracyntho.

Corydon ne se compare point ici à un autre berger, ik

şe compare à Amphion; il veut donner une grande idée de lui. Polyphème se contente de dire: « Il n'est point de » cyclope qui joue mieux que moi du chalumeau; souvent » je vous chante jusqu'au milieu de la nuit. » Ce dernier trait est charmant ; Virgile aurait pu se l'approprier. Le cyclope ne s'adresse pas seulement à l'ambition de Galatée, il s'adresse aussi à son amour-propre ; il est rare que chansons d'un poète ne plaisent point à la personne qui en est l'objet : il nous semble que la nymphe Galatée devait être fort disposée à accorder le prix du chant à celui qui célébrait ainsi sa beauté.

6) PAGE 106, VERS 10,

Nec sum adeo informis; nuper me in littore vidí,
Cùm placidum ventis staret mare: non ego Daphnin,
Judice te, metuam, si numquam fallat imago.

les

On reconnaît ici le langage de l'amour-propre, mais de l'amour-propre délicat et timide. Le berger commence par dire qu'il n'est point difforme, non sum adeo informis ; c'est une précaution oratoire. Il prend un ton plus assuré lorsqu'il peut citer une preuve en sa faveur; il s'est vu dans le cristal des eaux il va jusqu'à dire qu'il surpasse Daphnis lui-même en beauté : cependant il craint d'en avoir trop dit, il finit par un doute, si numquam fallat imago, Dans un siècle éclairé et poli, nous voyons tous les jours des gens de lettres qui se louent eux-mêmes, et qui ne prennent pas les mêmes précautions,

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L'idée de se voir dans l'onde est une idée toute pastorale. Quelques critiques ont objecté qu'on ne pouvait pas se voir dans l'eau de la mer, parce qu'elle est toujours agitée. « Mais je me suis vu souvent moi-même dans la mer, » leur répond le jésuite Lacerda, savant commentateur de » Virgile; que ceux qui en doutent aillent s'en assurer. » Il n'y a rien à répliquer au père Lacerda, et tout le monde sait aujourd'hui que la mer est quelquefois assez calme, pour réfléchir les traits de ceux qui sont sur ses rivages.

Dans l'idylle de Théocrite, Polyphème parle aussi de lui; il n'a rien à dire de sa beauté, mais il excuse sa laideur ; il est fort laconique sur ce point, et il s'étend avec complaisance sur la beauté de sa grotte, sur le nombre de ses troupeaux, sur les présents qu'il doit faire à Galatée. Le berger de Virgile promet deux petits chevreaux; le cyclope, qui compte plus sur ses richesses que sur sa beauté, offre douze chèvres pleines et quatre petits ours. Gessner, dans sa première idylle, a cherché à imiter Théocrite et Virgile; mais il a trop prodigué les petits détails dans ses descriptions: Milon parle du lierre qui tapisse sa grotte, des courges qui en ferment l'entrée aux rayons du jour, des ronces au fruit noir, de l'eau qui coule sur le cresson, etc. La bergère Chloé sourit à cette énumération fastidieuse; elle daigne se rendre aux vœux du berger qui lui parle longuement des courges, du lierre, du cresson, de la fleur d'épine, au lieu de lui parler de son amour: ce qui prouve qu'elle a peu de goût. Le principal défaut de Gessner est d'entasser ainsi les détails dans ses tableaux.

6 bis) PAGE 108, VERS 6.

Jampridem a me illos abducere Thestylis orat;
Et faciet, quoniam sordent tibi munera nostra.

Le verbe faciet, à la troisième personne, exprime une idée délicate; le berger n'ose dire qu'il mènera lui-même ses chevreaux à Thestylis.

Ce passage nous offre une occasion de faire remarquer la délicatesse et le ton du sentiment qui règnent dans toute cette églogue. Le berger n'ose point juger ses richesses et ses dons par lui-même; il invoque toujours des suffrages étrangers pour les faire valoir : il appelle ici le témoignage de Thestylis; lorsqu'il parle des airs qu'il chante, ce sont les airs favoris d'Amphion; quand il parle de sa flûte, c'est celle que Damète lui a laissée en mourant, et qui a fait envie à Amyntas; pour relever la gloire des champs qu'il habite, il dit que les dieux ont aussi habité les campagnes ; s'il offre des pommes à Alexis, il a soin de rappeler qu'Amaryllis les aimait.

Corydon fait entendre par là qu'il est cher aux dieux et aux bergers, et qu'il n'est point indifférent à plusieurs bergères; il va même jusqu'à regretter Amaryllis. Il cherche à exciter la jalousie d'Alexis; tous les moyens d'inspirer de l'amour sont employés, et cette églogue peut être regardée comme un art d'aimer, à l'usage des bergeries.

Segrais, dans sa première églogue, a profité heureusement des idées de Virgile:

Je ne m'en dédis point, je n'aimerai que vous,
Mais Iris m'assurait d'un empire plus doux;
Et je me sens si las de votre tyrannie,
Que presque j'ai regret à la fière Uranie,
J'ai regret à Phyllis, encor qu'elle aime mieux
L'indiscret Alidor, la honte de ces lieux,
Qu'elle soit mille fois plus changeante que l'onde,
Qu'elle soit brune encor, et que vous soyez blonde, etc.

PAGE 108, VERS 8.

Tibi litia plenis

Ecce ferunt Nymphæ calathis; tibi candida Naïs,

Pallentes violas et summa papavera carpens,
Narcissum et florem jungit bene olentis anethi;
Tum, casiâ atque aliis intexens suavibus herbis,
Mollia luteolâ pingit vaccinia calthâ.

Polyphème dit qu'il offrira à Galatée des lis et des pavots; le tableau de Virgile est beaucoup plus gracieux. Ce n'est pas Corydon qui offrira des lis, ce sont les nymphes; c'est la blanche Naïs qui présentera les pâles violettes et les pavots superbes. Ecce montre la chose comme déjà présente; on voit s'avancer les nymphes avec leurs corbeilles, et la belle Naïs avec ses bouquets. L'épithète candida,

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