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s'étendent, se confondent et semblent se répandre sur la surface du vase. Catulle avait dit, en parlant de la vigne, lenta qui velut assitas vitis implicat arbores. L'image de Virgile est plus riante et beaucoup mieux rendue.

4PAGE 132, VERS 3.

Et molli circùm est ansas amplexus acantho;
Orpheaque in medio posuit, silvasque sequentes.

Voilà un modèle de poésie descriptive: amplexus acantho semble exprimer la rondeur avec laquelle l'acanthe se déploie pour s'étendre autour du vase. Le second vers nous montre un paysage animé et merveilleux. Un poète ordinaire aurait dit sculpsit, l'artiste a sculpté; Virgile dit posuit, il a placé. Cette expression conserve l'illusion qui est l'âme de la poésie. Ce n'est pas l'image d'Orphée, c'est Orphée lui-même que l'artiste a placé là; le spectateur voit les forêts qui le suivent, silvasque sequentes: ce tableau est

vivant.

Dans la première idylle de Théocrite, un chevrier présente pour prix du chant une coupe sur laquelle sont gravées différentes scènes. D'un côté c'est une femme au milieu de deux amants qui se disputent ses faveurs; de l'autre côté c'est un pêcheur qui, du haut d'une roche escarpée, soulève un lourd filet; plus loin une vigne riante étale la pourpre de ses raisins, un enfant la garde assis auprès d'un buisson : autour de lui paraissent deux renards; l'un s'élan,

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çant au travers de la vigne, en ravage le doux fruit; l'autre assiège avec ses ruses ordinaires la poche du petit garçon, déterminé à ne point lâcher prise qu'il ne lui ait dérobé son déjeûné. L'enfant cependant entrelace le chaume et le jonc; il prépare un piège pour les cigales: oubliant le soin des raisins et son propre danger, il ne paraît occupé que du tissu qu'il forme. Rien n'est plus gracieux et plus riant que les images qui composent ce tableau. Quelques critiques ont trouvé cette description trop longue; mais si on chargeait un homme de goût d'en retrancher quelques détails, quels sont ceux qu'il oserait sacrifier? Ces sortes de descriptions font toujours un très bon effet, lorsqu'elles sont bien amenées ; elles jettent de la variété dans l'églogue et forment des scènes épisodiques qui reposent agréablement l'attention: les poètes bucoliques en ont quelquefois abusé. Vida, dans l'églogue où il chante Victoire Colonne, veuve de Davalos, sous le nom de Nicé, fait décrire au berger Damon un panier de jonc qu'il fera pour elle. Il dit qu'il y représentera Davalos mourant, et regrettant de ne pas mourir dans un combat ; des rois, des nymphes et des capitaines autour de lui; Nicé priant en vain les dieux ; Nicé évanouie à la mort de Davalos, revenue à peine par l'eau que ses femmes lui jettent sur le visage. Il ajoute qu'il aurait exprimé bien des plaintes et des gémissements, s'ils se pouvaient exprimer sur le jonc.

Voilà bien des choses pour un panier, dit à ce sujet Fontenelle; il y a la de quoi faire plusieurs tableaux, mais ces tableaux n'ont rien de champêtre.

5)

PAGE 132, VERS 13.

Dicite: quandoquidem in molli consedim us herbâ;
Et nunc omnis ager, nunc omnis parturit arbos,
Nunc frondent silvæ, nunc formosissimus annus.

Le combat du chant va commencer; le printemps forme les décorations de cet opéra champêtre. Ce spectacle fait oublier les injures de Damète et de Ménalque, il prépare le lecteur à des idées plus douces. Il n'est pas inutile de remarquer que Virgile ne se laisse point aller ici à l'attrait d'un sujet riant ; il fait la description du printemps en deux vers. Il est bien peu de poètes modernes qui eussent résisté à la tentation de faire une longue tirade sur le même sujet. 6 PAGE 134, VERS 7.

Malo me Galatca petit, lasciva puella

Et fugit ad salices, et se cupit antè videri.

Les quatre professeurs n'ont rien trouvé de mieux pour rendre ces deux vers que la phrase suivante : « La jeune et » folâtre Galatée me jette une grenade et court se cacher >> derrière des saules; mais en fuyant elle désire qu'un coup » d'œil découvre son badinage. » Il nous semble que les quatre professeurs n'ont pas senti Virgile: d'abord il n'est pas sûr que Galatée ait jeté une grenade; en second lieu, il n'est question dans le poète latin ni de coup-d'œil, ni de badinage. Les pensées fines et ingénieuses ont surtout besoin d'être rendues avec concision. L'art du poète consiste souvent à laisser deviner une partie de ce qu'il veut dire. C'est ici que Galatée devient elle-même un modèle qu'il

faut suivre la bergère se montre et court se cacher après

:

avoir été aperçue; la muse du poète doit en faire autant, et les traducteurs surtout devraient quelquefois prendre des leçons de Galatée.

Théocrite avait dit avant Virgile : « Cléariste me jette » des pommes quand je passe avec mon troupeau devant sa » grotte, et le doux murmure de ses lèvres m'invite à punir » sa malice. » Cette idée est riante, mais elle n'a pas la finesse de celle de Virgile. Pope, dans son églogue du Printemps, a imité ainsi le poète latin: « Sylvie traverse à pas » précipités la verte prairie; elle court, mais de façon à » pouvoir espérer d'être aperçue, et me regarde en passant. Que son coup-d'œil est peu d'accord avec ses pieds. » Il est aisé de voir que dans cette imitation l'idée de Virgile a perdu tout ce qu'elle a de vif et d'ingénieux; nous aimons beaucoup mieux ce que Pope fait dire à un de ses bergers, dans la même églogue: « Ma charmante Délie me fait signe » de la plaine, puis elle fuit dans quelqu'endroit ombragé. » Aussitôt je la cherche avec empressement de tous côtés; » elle voit mon embarras, et feint d'en rire: son rire me » découvre où elle est.

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7 PAGE 134, VERS II.

Parta meæ Veneri sunt munera; namque notavi
Ipse locum aëriæ quo congessêre palumbes.

Le mot Veneri, par lequel Damète désigne sa bergère, est plein de grâce et de délicatesse. Le berger ne dit pas qu'il présentera des colombes à sa maîtresse; il se contente

de dire qu'il a des présents tout prêts, car il sait où deux colombes ont fait leur nid. Cette tournure est beaucoup plus délicate et plus naïve. Le mot namque donne au projet du berger un air d'importance et de gravité qui fait sourire agréablement le lecteur.

Les bergers offrent toujours des pommes à leurs bergères : la pomme donnée par le berger Pàris à la déesse des amours prouve que, dès le premier temps, ces sortes d'offrandes étaient en usage dans la galanterie. Cet usage, qui caractérise si bien les mœurs pastorales, devait être consacré dans l'églogue; mais l'idée d'offrir un nid de tourterelles a quelque chose de plus doux et de plus aimable. Segrais a profité heureusement de cette idée dans les vers sui

vants:

Si vous vouliez venir, ô miracle des belles!

Je vous enseignerais deux nids de tourterelles :
Je vous les donnerais pour gage de ma foi;
Car on dit qu'elles sont fidèles comme moi.

Les deux derniers vers, dont l'idée n'est point prise de Virgile, respirent la tendresse la plus douce et la plus vraie.

8) PAGE 136, VERS I.

O quoties, et quæ, nobis Galatea locuta est!
Partem aliquam, venti, divûm referatis ad aures.

Gresset a fait un contre-sens en traduisant ainsi :

Que j'aime l'entretien de la tendre Glycère!
Zéphyrs, qui l'écoutez dans ces moments si doux,

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