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Ne portez point aux dieux ce que dit ma bergère;
Des plaisirs si charmants rendraient le ciel jaloux.

Virgile dit précisément le contraire; il se garde bien surtout de dire que les dieux doivent être jaloux du bonheur de Damète. Il nous semble que cette idée s'éloignerait trop de la simplicité pastorale: le berger trouve tant de charme aux paroles de Galatée, qu'il les croit dignes d'intéresser les habitants de l'Olympe; il ne croit avoir rien de plus doux à leur offrir que les discours de sa bergère; il recommande aux zéphyrs de les porter au ciel comme l'encens des sacrifices : il est le plus heureux des bergers, et il offre aux dieux une partie de son bonheur, comme il leur offre chaque jour les prémices des fleurs et des fruits. Voilà le véritable sens de Virgile. Ces vers ont été heureusement rendus par Segrais:

O les charmants discours, ô les divines choses
Qu'un jour disait Amire en la saison des roses!

Doux zéphyrs, qui régniez alors dans ces beaux lieux,
N'en portâtes-vous rien à l'oreille des dieux.

L'idée des roses et l'idée de l'amour forment un heureux rapprochement; on remarque cependant un peu de vague dans les vers français, qui sont d'ailleurs très-bien faits, et ce vague tient à un seul mot que le traducteur a négligé de rendre. Le mot nobis n'est point rendu : dans Virgile, les discours de Galatée sont adressés au berger: voilà pourquoi sans doute il les trouve si charmants; mais dans les vers de Segrais on ne sait point à qui s'adressent les paroles

d'Amire; elles perdent par là quelque chose de leur intérêt. Ces observations paraîtront minutieuses, mais elles nous servent à prouver que les images de la poésie perdent toujours à être généralisées.

9) PAGE 136, VERS 9.

D. Triste lupus stabulis, maturis frugibus imbres,
Arboribus venti, nobis Amaryllidis iræ.
M. Dulce satis humor, depulsis arbutus hædis,
Lenta salix feto pecori, mihi solus Amyntas.

Fontenelle n'aime point ces comparaisons; elles sont cependant remplies de charme et de vérité; elles ne sont ni communes, ni recherchées ; elles présentent des images nobles et simples; elles sont parfaitement adaptées à la situation et aux personnages: elles montrent à la fois le lieu de la scène et le caractère des bergers. La chute de ces deux madrigaux est pleine de douceur.

Quelques littérateurs ont voulu interdire les comparaisons aux bergers: mais il nous semble que ce langage leur convient mieux qu'à tout autre : la langue des bergers étant plus simple et ne pouvant pas toujours suffire à exprimer leurs idées, ils doivent avoir recours à des similitudes. Les habitants de nos campagnes sont beaucoup moins polis que les bergers de Virgile, et cependant les comparaisons leur sont familières. Nous sommes portés à croire que la comparaison est la première figure que les hommes ont em-. ployée, et, par cette raison, elle appartient spécialement à la langue des bergeries.

ro) PAGE 140, VERS 7.

D. Dic quibus in terris, et eris mihi magnus Apollo,
Tres pateat cœli spatium non amplius ulnas.
M. Dic quibus in terris inscripti nomina regum.

Nascantur flores; et Phyllida solus habeto.

Le père Ménestrier qui a fait un traité de l'énigme, n'a pas manqué de citer ces vers de Virgile, et de s'appuyer d'une aussi grande autorité. Il faut croire que l'énigme était en plus grande considération chez les anciens que chez les modernes. Le fameux Cotin se vantait de l'avoir ressuscitée parmi nous, il a peut-être ainsi contribué à la décrier. Pope n'a pas cependant dédaigné d'imiter ce passage de Virgile, et de faire proposer des énigmes par ses bergers. Strephon, dans sa première églogue, s'adresse ainsi à Daphnis : « Dis>> moi, Daphnis, dis-moi en quel heureux pays croît un >> arbre merveilleux qui produit des monarques sacrés. » Le poète fait allusion au chêne dans lequel Charles II se tint caché après la bataille de Worcester. Cette idée est ingénieuse. Les commentateurs ont pensé que le lieu où le ciel n'a que trois aunes d'étendue est un puits; la fleur qui porte le nom des rois est l'hyacinthe, sur laquelle se trou vent tracées les deux premières lettres du nom d'Ajax.

PAGE 140, VERS II.

Non nostrum inter vos tantas componere lites.

Tels sont les chants des bergers: on est faché

que Palé

mon n'ose prendre sur lui de décider entre les deux rivaux; Damète exprime avec tant de grâce son amour pour Galatée, qu'il semble avoir mérité le prix. Il s'en faut de beaucoup que, dans l'idylle de Théocrite, Comatas se soit montré si tendre et si ingénieux, et cependant il reçoit l'agneau qui est le gage du combat : il est vrai que le juge de Comatas est un bûcheron grossier; le Palémon de Virgile est un berger plein de politesse. Virgile a de beaucoup surpassé Théocrite dans cette troisième églogue: quoiqu'il ait beaucoup adouci la scène des injures, certains critiques lui ont reproché d'avoir encore trop imité son modèle grec. Nous ne croyons pas ce reproche fondé : la douceur des mœurs et des manières doit, il est vrai, distinguer les bergers; mais cette douceur n'exclut point certains emportements qui tiennent aux passions humaines. Si nous rapportions ici les injures que se disent entre eux quelquesuns des érudits qui ont fait ce reproche à Virgile, on serait bien étonné. Dans notre siècle poli, n'avons-nous pas vu les gens de lettres se reprocher les choses les plus ignominieuses ; ils ne se disent pas moins pour cela, à l'imitation de Ménalque et Damète, les favoris d'Apollon et des Muses. Les choses se passaient sans doute ainsi du temps de Virgile, et nous pourrions croire avec quelque raison, qu'il a fait allusion aux querelles littéraires de son temps. Nous ne tenons cependant pas trop à cette opinion.

ECLOGA QUARTA.

MARCELLUS.

SICELIDES Muse, paulò majora canamus ; Non omnes arbusta juvant humilesque myricæ : Si canimus silvas, silvæ sint consule dignæ.

Ultima Cumæi venit jam carminis ætas;

Magnus ab integro sæclorum nascitur ordo:
Jam redit et Virgo, redeunt Saturnia regna;
Jam nova progenies cœlo demittitur alto. (1

Tu modò nascenti puero, quo ferrea primùm
Desinet, ac toto surget gens aurea mundo,
Casta, fave, Lucina: tuus jam regnat Apollo. (

Teque adeo decus hoc ævi, te consule, inibit Pollio, et incipient magni procedere menses: Te duce, si qua manent sceleris vestigia nostri,

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