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Ces vers, et surtout les derniers, ont l'éclat et la pompe des vers de Virgile; mais le poète français a été obligé de sacrifier le mérite de la précision, au nombre du style, qui est une des conditions du genre lyrique. Rousseau a rendu plus littéralement le même passage dans son églogue intitulée Élise.

2) PAGE 154, VERS 8.

Tu modò nascenti puero, quo ferrea primùm
Desinet, ac toto surget gens aurea mundo,
Casta, fave, Luciną: tuus jam regnat Apollo.

Virgile ne parle de l'auguste enfant qui vient de naître, qu'après avoir imprimé un caractère sacré à sa naissance. Le ciel et la terre sont déjà intéressés à sa destinée; le poète s'adresse à Lucine avec une confiance proportionnée à la justice de sa demande; la prière qu'il lui fait est comme un avertissement qu'il lui donne, au nom des hommes et des dieux, au nom de son propre intérêt et de sa propre gloire. Aussi s'exprime-t-il en peu de mots, bien persuadé d'être

écouté.

La Sibylle de Cumes avait annoncé qu'il naîtrait un roi qui régnerait sur le monde; les courtisans d'Auguste n'avaient pas négligé cette prophétie, et ils en firent plusieurs fois l'application à l'empereur pour l'engager à prendre le nom de roi. Auguste pensa que le titre de roi n'ajouterait rien à sa puissance; il n'écouta point ses courtisans, et se contenta du titre d'empereur, qui est devenu le premier de

tous.

Virgile fait l'application de cette prophétie au jeune Marcellus, neveu d'Auguste, et héritier présomptif de l'empire; l'application est plus naturelle et plus heureuse..

Quelques commentateurs ont pensé que le poète latin avait annoncé la venue de Jésus-Christ; cette opinion est sans fondement; il est vrai cependant de dire que les vers. de Virgile ont quelques rapports avec les prophéties, et voici comment on peut expliquer cette ressemblance. Le chantre de Marcellus n'a fait que mettre en beaux vers les oracles de la Sibylle, et ces oracles n'étaient autre chose que des traditions venues de la Judée, et recueillies chez les Romains qui admettaient aisément les opinions religieuses, des autres peuples. Pour donner quelque vraisemblance à cette explication, il nous suffira de citer quelques passages. d'Isaïe, et de les comparer avec les vers de cette églogue. << Un petit enfant nous est né, dit le prophète, et un fils, » nous a été donné; il sera appelé l'admirable, le conseil» ler, le dieu, le prince du siècle futur, le prince de la » paix. » Nous citerons d'autres passages dans les remarques suivantes.

3) PAGE 156, VERS 2.

Ille deûm vitam accipiet, divisque videbit,
Permixtos heroas, et ipse videbitur illis;
Pacatumque reget patriis virtutibus orbem.

Ces vers sont du style de l'épopée ; Voltaire pensait qu'ils; n'auraient pas été déplacés dans le sixième livre de l'Énéide; le troisième surtout est de la plus grande beauté.

4 PAGE 156, VERS 5.

At tibi prima, puer, nullo munuscula cultu,
Errantes hederas passim cum baccare tellus
Mixaque ridenti colocasia fundet acantho:
Ipsæ lacte domum referent distenta capella
Ubera; nec magnos metuent armenta leones:
Ipsa tibi blandos fundent cunabula flores :
Occidet et serpens, et fallax herba veneni
Occidet...

Après s'être élevé au ton de l'épopée, le poète revient à ce que les bergeries ont de plus gracieux; il descend au ton aimable et naïf de l'enfance. Tels sont les privilèges de la muse pastorale.

Le diminutif munuscula est plein de délicatesse; le verbe fundet exprime bien l'heureuse fécondité de la terre; elle ne produit pas les fleurs, elle les verse à profusion; les lierres se répandent çà et là, errantes passim ; les plantes et les fleurs sont formées en bouquets, en guirlandes, mixta ridenti. Les poètes latins ne donnent pas l'épithète de ridenti à l'acanthe; mais l'image est juste autant que gracieuse en cette occasion : le poète représente une époque merveilleuse; on croit voir la nature sourire à l'enfance, et l'auguste enfant, en ouvrant les yeux à la lumière, se joue déjà au milieu des groupes riants de Flore; son berceau si bien peint par cet autre diminutif, cunabula, semble rendre à la terre la nature qu'il en reçoit ; il produit à son tour des fleurs, présage charmant des bienfaits que le monde attend de l'enfant qui vient de naître.

Mais ce n'est point assez de ce bonheur; il faut que le monde puisse en jouir paisiblement; le poète a soin d'éloigner tous les sujets d'alarme: les troupeaux ne craindront plus les lions; le serpent mourra; l'herbe vénéneuse mourra. La répétition du verbe occidet montre l'assurance avec laquelle parle le poète, et cette assurance passe dans l'esprit de son lecteur. On trouve dans ces images de Virgile quelque chose qui tient de l'enchantement.

Les images qu'emploie le prophète ont cependant plus de rapidité et plus d'énergie. « Le désert et le lieu aride, s'écrie » Isaïe, se réjouiront; le lieu solitaire s'égaiera et fleurira » comme une rose... La gloire du Liban viendra vers toi; >> le sapin, l'orme et le bouis viendront ensemble pour rendre » honorable le lieu de ton sanctuaire. » Dans un autre passage, le prophète ajoute: « Le loup demeurera avec l'agneau, » et le léopard avec le chevreau; le lion et les troupeaux » seront ensemble, et un petit enfant les conduira; et le » lion se nourrira dans l'étable avec le bœuf, et l'enfant qui » tette s'abattra sur le trou de l'aspic, et l'enfant qu'on sèvre » mettra sa main au trou du basilic. >>

PAGE 156, VERS 15.

Molli paulatim flavescet campus aristâ,
Incultisque rubens pendebit sentibus uva,
Et duræ quercus sudabunt roscida mella.

Il est impossible de porter plus loin le charme de la poésie descriptive dans le premier vers, on voit jaunir la moisson;

dans le second, la grappe suspendue aux buissons incultes frappe les yeux du lecteur; dans le troisième, on sent l'effort du chêne robuste pour suer le miel qui tombe comme la rosée. Toutes ces images sont pittoresques, et restent tracées dans l'esprit de celui qui les a vues. Marmontel a dit quelque part qu'il n'est point de galerie si immense, qu'on ne pût remplir avec des tableaux tirés d'une seule églogue de Virgile; celle-ci en offre un grand nombre, et, pour les faire connaître, il faudrait s'arrêter à chaque mot.

Le prophète a exprimé ainsi la fécondité de la terre, à l'aspect de son Sauveur. « Les lieux qui étaient secs de» viendront des étangs, et la terre altérée deviendra une » source d'eau; dans les repaires où les dragons avaient » établi leur demeure, il y aura un parvis couronné de joncs » et de roseaux... ; au lieu du buisson croîtra le sapin, et le » myrte au lieu d'épine. >>

PAGE 158, VERS 4.

Hinc, ubi jam firmata virum te fecerit ætas,
Cedet et ipse mari vector, nec nautica pinus
Mutabit merces; omnis feret omnia tellus :
Non rastros patietur humus, non vinea falcem ;
Robustus quoque jam tauris juga solvet arator:
Nec varios discet mentiri lana colores:
Ipse sed in pratis aries jam suavè rubenti
Murice, jam croceo mutabit vellera luto;

Sponte suâ sandix pascentes vestiet agnos.

Ces vers nous fournissent une occasion de faire observer

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