Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

d'Adonis. « Les nymphes des montagnes, dit le poète grec, » versent des larmes; Vénus ne se reconnaît plus; éche» velée, les pieds nus, elle se perd dans les bois; les ronces » font jaillir son sang, le sang d'une déesse! Elle se perd » dans les vallées où elle appelle à grands cris son cher époux ; tout retentit de ses gémissements. » Virgile aurait pu décrire aussi longuement la douleur de la mère de Daphnis, mais il ne composait point une élégie; un seul trait lui suffit pour exprimer le désespoir maternel, et il se hâte de revenir aux idées champêtres.

>>

3) PAGE 182, VERS 4.

Non ulli pastos illis egêre diebus

Frigida, Daphni, boves ad flumina; nulla neque amnem

Libavit quadrupes, nec gráminis attigit herbam.
Daphni, tuum Pœnos etiam ingemuisse leones

Interitum montesque feri silvæque loquuntur.

Virgile a répété ces images dans les Géorgiques:

Videris aut summas carpentem ignaviùs herbas,

Immemor herbæ.

Victor equus, fontesque avertitur.

Dans le tableau qui précède, les nymphes sont en deuil, et la mère de Daphnis adresse ses plaintes au ciel. Dans celui-ci, la tristesse est morne et silencieuse; les bergers ont oublié leurs occupations les plus chères; les troupeaux

négligent les fontaines et les pâturages. Rien ne peint mieux le deuil qui semble planer sur toutes les campagnes. La coupe brisée des trois premiers vers ajoute encore à la vérité des images et à l'expression d'une douleur profonde.

Les troupeaux et les bergers ne se plaignent point, et leur tristesse ne paraît pas moins vive; mais les lions, les montagnes et les bois font entendre des gémissements. La douleur a plusieurs manières de s'exprimer, et chaque être a, dans Virgile, celle qui lui convient.

Lafontaine exprime ainsi la douleur des animaux :

On n'en voyait pas d'occupés

A chercher le soutien d'une mourante vie,
Nul mets n'excitait leur envie;

Ni loup, ni renard n'épiaient
La douce et l'innocente proie;
Les tourterelles se fuyaient;

Plus d'amour, partant plus de joie.

Revenons au tableau de Virgile; sur le devant de la scène se montrent les nymphes en pleurs, et une mère penchée sur le corps de son fils. Au milieu, sont les bergers et les troupeaux qui, mornes et pensifs, négligent les moyens de soutenir leur languissante vie ; au fond du tableau, les animaux les plus farouches paraissent attendris, et dans le loin. tain les montagnes et les forêts semblent couvertes de crêpes funéraires; le verbe ingemuisse exprime heureusement les émotions pénibles de la douleur dans un animal puissant et

fort. Le dernier vers termine bien cette scène, on croit entendre l'écho qui recueille les soupirs de ceux qui pleurent Daphnis, et les répète aux bois et aux rochers d'alentour,

PAGE 182, VERS 14.

Postquam te fata tulerunt,

Ipsa Pales agros, atque ipse reliquit Apollo :
Grandia sæpè quibus mandavimus hordea sulcis
Infelix lolium et steriles dominantur avenæ ;
Pro molli violâ, pro purpureo narcisso,
Carduus et spinis surgit paliurus acutis.

Les dieux ont quitté les campagnes à la mort de Daphnis ; l'ivraie a pris la place des moissons dans les champs; le chardon a remplacé le narcisse pourpré; toute la nature semble pleurer la mort d'un berger si cher; Mopsus s'adresse à Daphnis lui-même, et il lui dit que tout est changé par son trépas. « Ainsi sont faits les hommes, dit » à ce sujet un ingénieux commentateur. S'ils entendaient » leur oraison funèbre, il n'y a rien dont leur amour» propre fût plus content, que si on leur disait que tout » fût détruit, et que l'ordre du monde était attaché à leur » existence. » Cette observation ne fait pas l'éloge du cœur humain, mais elle n'est que trop vraie; nous la répétons, parce qu'elle est propre à faire apprécier la vérité des sentiments que Virgile a voulu peindre dans cette églogue.

Les vers que nous venons de citer sont remarquables

par leur harmonie, et ils rendent par les sons tout ce qu'un poète ordinaire n'aurait exprimé que par les pensées et les images. Steriles dominantur avenæ font voir au lecteur ces longues tiges stériles qui s'élèvent sur la moisson: le poète aurait pu employer un mot qui exprimât la légèreté, mais il avait à rendre l'espèce de ténacité avec laquelle croissent les mauvaises herbes; il voulait caractériser cette opiniâtreté qui distingue le génie du mal, et le mot dominantur, ce verbe long et traînant, 'rend parfaitement sa pensée. Le vers suivant, carduus et spinis surgit paliurus acutis, complète l'idée qui précède; le chardon, ennemi de la culture, se montre tout armé, et le vers latin semble hérissé de dards comme le chardon lui-même.

Théocrite nous peint la nature prête à changer ses lois à la mort de Daphnis. « Douces violettes, dit Thyrsis, >> fleurissez maintenant sur l'arbuste épineux ! triste gené»vrier, pare- toi de l'éclat du narcisse; que la poire se >> cueille sur la cime du pin; que les chiens aux abois soient » la proie du cerf; et toi, tendre Philomèle, que ton ra» mage soit effacé sur nos montagnes par les cris du hibou; >> que tout change dans la nature: Daphnis rend son der» nier soupir. » Ce tableau est plein de charme et de vérité; le poète nous montre des phénomènes extraordinaires, mais cette exagération est naturelle aux cœurs affligés qui prêtent leurs sentiments à tout ce qui les environne, et qui, accoutumés à ne voir dans l'univers rien au-dessus de l'objet de leur amour, croient facilement que l'univers va changer, quand ils perdent ceux qu'ils ont aimés.

5) PAGE 186, VERS 2.

Candidus insuetum miratur limen olympi,
Sub pedibusque videt nubes et sidera Daphnis.

Ici la scène change, et le ton du poète change avec elle. Lorsque Daphnis vient d'expirer, le poète fait entendre les accents plaintifs de l'élégie; mais. Daphnis est immortel, il est placé parmi les dieux, Virgile prend la lyre d'Horace et d'Anacréon, et les échos ne répètent plus que des hymnes de triomphe et d'allégresse.

Les deux vers cités rendent bien l'étonnement du berger arrivant dans l'Olympe; là, se trouve réuni tout ce que l'innocence pastorale a de simple, et tout ce que le spectacle du ciel a d'imposant. Le contraste est pittoresque.

PAGE 186, VERS 4.

Ergo alacris silvas et cetera rura voluptas
Panaque pastoresque tenet, Dryadasque puellas;
Nec lupus insidias pecori, nec retia cervis

[ocr errors]

Ulla dolum meditantur : amat bonus otia Daphnis..
Ipsi lætitiâ voces ad sidera jactant

Intonsi montes; ipsæ jam carmina rupes,

Ipsa sonant arbusta : DEUS, DEUS ILLE,

Sis bonus o felixque tuis !....

MENALGA !

Ces images, sont riantes et douces; il nous semble voirles divinités champêtres se former en chœur pour célébrer

« ZurückWeiter »