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çaise commença aussi par la pastorale. Ce n'est donc pas sans raison que Virgile regarde ici Thalie comme sa muse.

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Les personnages de ce drame pastoral sont adroitement mis en scène. Deux bergers ont surpris Silène endormi dans un antre. La belle Églé arrive; sa présence anime et varie le tableau. Rien n'est plus pittoresque que la peinture du satyre endormi dans l'ivresse. Jacentem à la fin du vers est une expression heureuse; inflatum hesterno peint à la fois les mœurs de Silène et le genre de sommeil dans lequel il est enseveli. Le vers suivant, serta procul, etc. composé de sons inégaux, nous montre tout le désordre qui règne autour du demi-dieu assoupi.

L'épithète gravis peint la première qualité de la coupe

d'un buveur qui doit être large et profonde. Le mot pendebat exprime heureusement l'abandon, la langueur de l'ivresse et du sommeil. Le mot attritá rappelle ces vers si connus de Lafontaine :

Beaucis en égala les appuis chancelants,

Des débris d'un vieux vase, autre injure des ans,

:

Virgile, après avoir peint le repos du sommeil, termine cette peinture par un contraste ingénieux. Il oppose au tableau de Silène endormi celui de deux bergers qui accourent pour accabler le dieu sous des liens de fleurs pour achever ce contraste aimable, il fait arriver Églé, nymphe jeune et folâtre. Addit se sociam, placé au commencement de la phrase, fait voir d'avance l'intention de la jeune nymphe qui ne demande que l'occasion de folâtrer, et qui a déjà pris part à l'espiéglerie des bergers avant même que d'être arrivée auprès deux. Églé anime ce groupe joyeux; c'est elle qui en fait le charme. Aussi le poète semble-t-il se plaire à nous la montrer. Il se contente de désigner les bergers par leurs noms; quand il vient à Églé, il la nomme deux fois, et il la désigne comme la plus belle des Naïades: Egle, Naïadum pulcherrima. Le tour qu'elle joue à Silène en lui barbouillant le visage de mûre, suffit pour peindre l'enjoûment d'une nymphe. Némésien, dans sa troisième églogue, représente Bacchus enfant sur les genoux de Silène. Le jeune dieu sourit au vieux satyre, arrache le poil hérissé de sa poitrine, promène des doigts légers sur ses

oreilles aiguës, son menton court et son nez écrasé qu'ïl applatit encore. Les traits de ce tableau ne sont pas sans grâce, mais ils sont trop accumulés, et ils n'ont pas l'aimable simplicité de celui qui termine si heureusement le tableau de Virgile. Jamque videnti rend à la fois le réveil de Silène, l'impuissance où il est d'échapper, et l'audace d'Églé qui brave les regards du dieu. Ce dieu est au pouvoir des bergers et d'une nymphe; il n'a rien de mieux à faire que de rire du tour qu'on lui joue, ille dolum ridens : ces mots qui font sourire le lecteur, caractérisent heureusement l'esprit enjoué du satyre et le badinage innocent des bergers.

3) PAGE 208, VERS II.

Simul incipit ipse :

Tum vero in numerum Faunosque ferasque videres
Ludere, tum rigidas motare cacumina quercus.
Nec tantùm Phœbo gaudet Parnassia rupes,

Nec tantùm Rhodope mirantur et Ismarus Orphea.

Le dieu a commencé ses chants, incipit ipse. Tout à coup la scène change, et de grands prodiges frappent l'attention du lecteur. Les faunes et les animaux sauvages se réunissent, et semblent confondre leur enthousiasme et leur allégresse. Les chênes agitent leurs cimes, toute la nature se réveille et s'anime à la voix de Silène. Tels sont les phénomènes qu'opérait la musique chez les anciens. Ces traditions de

viennent plus fabuleuses à mesure qu'on vante davantage les progrès de l'art. L'idée de la musique se lie encore parmi nous à l'idée des enchantements; le théâtre que l'harmonie a choisi pour son sanctuaire est encore le pays des miracles; mais ce n'est point la musique qui les fait.

Les vers par lesquels Virgile veut peindre la puissance de l'harmonie, sont eux-mêmes pleins d'une harmonie noble et imposante; ils sont comme l'ouverture d'un opéra magnifique, ils disposent les esprits à entendre les chants sublimes d'un dieu.

4) PAGE 208, VERS 16.

Namque canebat uti magnum per inane coacta
Semina terrarumque animæque marisque fuissent,
Et liquidi simul ignis : ut his exordia primis
Omnia, et ipse tener mundi concreverit orbis :
Tum durare solum, et discludere Nerea Ponto
Cœperit, et rerum paulation sumere formas:
Jamque novum terræ stupeant lucescere solem;
Altiùs atque cadant submotis nubibus imbres :
Incipiant silvæ cùm primùm surgere, cùmque
Rara
per ignotos errant animalia montes.

Le poète nous fait entendre ici que tant de prodiges s'étaient opérés non seulement pour le chant de Silène, mais à cause du sujet qu'avait choisi le dieu champêtre. Ce dieu chantait l'origine du monde : la nature semble revenir au premier jour de l'univers, et célébrer sa propre naissance.

Quelle rapidité! quelle noblesse! quelle élévation dans les images! D'un seul trait, le poète a peint la réunion des atômes qui s'attiraient et se cherchaient dans le vide. La terre, le feu et l'eau, la matière et l'esprit, sont rassemblés : il a dit, et le monde s'est formé. Virgile a emprunté ce tableau du poëme d'Apollonius; mais on va voir comme il a su déguiser l'emprunt. L'auteur des Argonautes introduit Orphée, chantant pour distraire les héros fatigués du voyage.

<< Il chantait comment la terre, la mer, les astres et les » cieux étaient autrefois confondus; comment cette masse » énorme prit des formes différentes; les astres occupèrent » d'abord les pôles, et y restèrent attachés. On vit com» mencer les révolutions de la lune et les courses du soleil; » On vit les montagnes s'élever, les fleuves couler à travers » les campagnes, les nymphes naître au bord des eaux, et » tous les reptiles sortir de la terre. »

Ce morceau qu'on a voulu opposer à Virgile, prouve l'extrême supériorité du poète latin. Le magnum per inane coacta n'est point dans Apollonius. On n'y trouve point le tener orbis qui offre une image si heureuse du monde à son berceau, et qui a donné à M. Delille l'idée de ce vers charmant où il peint le chœur des anges,

Chantant le jour enfant et le jeune univers.

L'auteur grec ne peint point le mouvement imprimé à la matière, la séparation des éléments et la terre endurcie

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