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s'étonnant tout à coup de voir luire le soleil nouveau. Jamque novum terræ stupeant lucescere solem, il ne nous montre point ces bois qui s'élèvent et ces animaux errants, pour la première fois, sur des montagnes inconnues, per ignotos montes. Apollonius attache les astres au firmament; il fait couler les fleuves, naître les nymphes et les reptiles, mais il ne donne point de sentiment à la nature; il ne rend point les premiers effets de la vie que le monde vient de recevoir; c'est une création sans mouvement. Celle de Virgile nous transporte au premier jour de l'univers. S'il est permis de comparer ces deux tableaux au sujet qu'ils nous représentent, nous dirons que le tableau d'Apollonius est comme la matière inerte et sans chaleur, et que celui de Virgile est comme la nature animée et revêtue de toutes ses formes brillantes.

Nous regrettons de ne pouvoir suivre avec le même développement les descriptions que Tibulle, Ovide et Lucrèce nous ont laissées sur le même sujet. Nous nous contenterons de les citer ici, et leur rapprochement fera mieux sentir la différence du genre et de la manière de ces grands poètes. Nous commencerons par le récit de Tibulle:

Alter dictet opus magni mirabile mundi,
Qualis in immenso desederit aëre tellus,
Qualis et in curvun pontus confluxerit orbem,
Et vagus è terris quà surgere nititur aër :
Huic et contextus passim fluat igneus æther,
Pendentique super claudantur ut omnia cœlo.
(Lib. IV, E!. 1.)

.

Le dernier vers de ce morceau de Tibulle peut seul être comparé à ceux de Virgile pour l'image et l'expression poétique. Ovide nous offre plus de sujets de comparaison; sa peinture de la formation du monde est un des plus beaux fruits de son imagination féconde et brillante. Il serait trop long de citer le morceau tout entier; il nous suffira de rappeler les derniers traits de ce magnifique tableau :

Sidera cœperunt toto effervescere cœlo.

Neu regio foret ulla suis animantibus orba;
Astra tenent cœleste solum, formæque Deorum :
Cesserunt nitidis habitandæ piscibus unda:
Terra feras cepit: volucres agitabilis aër.
Sanctius his animal, mentisque capacius alta
Deerat adhuc, et quod dominari in cætera posset.
Natus homo est. Sive hunc divino semine fecit
Ille opifex rerum, mundi melioris origo:
Sive recens tellus, seductaque nuper ab alto
Æthere, cognati retinebat semina cœli;
Quam satus Iapeto, mistam fluvialibus undis,
Finxit in effigiem moderantum cuncta Deorum.
Pronaque cùm spectent animalia cætera terram
Os homini sublime dedit: cœlumque tueri
Jussit, et erectos ad sidera tollere vultus.

« Lorsque le grand arbitre eut prescrit ces limites,
>> A des astres sans nombre il traça leurs orbites.
» Tout le ciel rayonna de flambeaux éclatants,
» Dans la nuit du chaos obscurcis trop long-temps.

» La région d'azur de mille astres peuplée,
» Fut des dieux immortels la demeure étoilée;

» Et les hôtes des bois, les poissons, les oiseaux,
» Peuplèrent et la terre, et les airs, et les eaux.

» Mais la nature encore attend un nouvel être,

>> Plus noble, plus auguste, un roi digne de l'être :
» L'homme naît: soit qu'un dieu, par un souffle divin,
» L'ait animé d'un germe émané de son sein;
>> Soit que la terre encor de jeunesse parée,
» Des rayons de l'éther à peine séparée,
>> Eût imprégné de vie un limon plus parfait;
» Et qu'alors un Titan, savant fils de Japet,
>> A l'image des dieux modérateurs du monde,
» Eût pétri sous ses doigts cette argile féconde :
» Détrempé dans les eaux, le limon sous ses mains
» Reçut ainsi les traits du premier des humains;

» Et, lorsque de l'instinct la brute tributaire

» Courbe une tête esclave et regarde la terre,

» Doué de la raison, et presque égal aux dieux,

» L'homme lève un front noble et regarde les cieux.

(DESAINTANGE.)

Ce passage peut être cité comme un des plus beaux morceaux de la poésie latine; les deux vers qui le terminent semblent inspirés par un souffle divin; c'est peut-être ce que' l'esprit humain a pu concevoir de plus sublime et de plus vrai; car il n'y a de sublime que la vérité.

La description de Lucrèce est la plus longue; on y reconnaît moins le poète que le philosophe. Il développe le sys

tème d'Épicure avec beaucoup de détails et de soins; plusieurs beaux vers s'échappent au travers de ce fatras philosophique, comme on voit des étincelles s'échapper dans une épaisse fumée.

Sed quibus ille modis conjectus materiaï
Fundârit cœlum ac terram, pontique profunda,
Solisque et lunæ cursus, ex ordine ponam.
Nam certè neque consilio primordia rerum
Ordine se quæque, atque sagaci mente locârunt;
Nec quos quæque darent motus, pepigere profectò :
Sed quia multa modis multis primordia rerum
Ex infinito jam tempore percita plagis,
Ponderibusque suis consuêrunt concita ferri,
Omnimodisque coire, atque omnia pertentare,
Quæcumque inter se possent congressa creare;
Propterea fit, uti magnum volgata per ævum,
Omnigenos cœtus et motus experiundo,

Tandem ea conveniant, quæ ut convenere, repentè

Magnarum rerum fiant exordia sæpè,

Terraï, maris, et coeli, generisque animantum.

Nous renvoyons le lecteur à Lucrèce lui-même pour le reste de sa description; c'est la paraphrase de ce qu'il vient d'annoncer; c'est la séparation des éléments et la naissance des animaux. Il était très difficile de rendre en vers ces détails arides, et le plus grand mérite de ce long morceau est celui de la difficulté vaincue.

Nous en avons dit assez pour que les lecteurs puissent

comparer les cinq poètes. Ils auront sans doute remarqué qu'Ovide l'emporte de beaucoup pour le tableau de l'homme et des animaux; que Virgile est supérieur à tous pour l'harmonie des vers, la richesse des images, et que sa description, une des plus courtes, est celle qui donne la plus juste et la plus poétique idée du système d'Épicure.

Nous ne parlons point ici des auteurs sacrés; ils ont évidemment l'avantage sur les auteurs profanes. Ni Lucrèce, ni Ovide, ni Virgile lui-même n'approchent de la subli mité de la Genèse.

PAGE 210, VERS 8.

Et fortunatam, si numquam armenta fuissent,
Pasiphaën nivei solatur amore juvenci :
Ah! virgo infelix, quæ te dementia cepit!
Prœtides implêrunt falsis mugitibus agros;

At non tam turpes pecudum tamen ulla secuta est
Concubitus, quamvis collo timuisset aratrum
Et sæpè in levi quæsisset cornua fronte.

Virgile n'arrive aux amours de Pasiphaé que par gradation; les amours d'Hercule pour Hylas lui servent de transition. La manière dont il débute est un élan pathétique; l'opposition qu'il fait du crime de Pasiphaé avec l'erreur funeste des filles de Prœtus, donne encore plus de mouvement à ce début; il faut remarquer ici avec quel art Virgile nous représente la métamorphose de ces filles mal

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