Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

.

voix mélodieuse que Virgile fait allusion par ces expressions

de sa dixième pastorale :

...

Quæ legat ipsa Lycoris,

Carmina sunt dicenda.

« Des vers qu'avec succès Lycoris fasse entendre. » Servius atteste que Cicéron, présent au récit de cet admirable poëme, et charmé d'y retrouver la doctrine et la poésie de Lucrèce, s'écria, dans son enthousiasme, magnæ spes altera Romæ, « second espoir de Rome l'immortelle. » Rapprochement aujourd'hui plus glorieux pour Lucrèce, qu'il ne le fut alors pour Virgile. On aime à voir que ce grand poète a consacré sa reconnaissance d'un éloge aussi flatteur dans le douzième chant de l'Eneide, en appliquant cette expression au jeune Ascagne.

Il paraît que Virgile, après l'audience dont il sortit comblé des bontés d'Octave, s'occupa de chercher un sujet qui pût entretenir la faveur dont il avait des preuves pour le moment et l'espérance pour l'avenir. Il saisit un fait historique, cité par Dion Cassius. Cet écrivain rapporte que, l'an de Rome 712, les triumvirs Antoine, Octave et Lépide, élevèrent dans le Forum un temple qu'ils consacrèrent à Jules-César, qu'ils promenèrent solennellement sa statue et celle de Vénus dans le cirque, qu'ils ordonnèrent que des prières seraient adressées au dictateur à la nouvelle de chaque victoire, et qu'ils lui décernèrent des honneurs divins. Cette apothéose fit naître à Virgile l'idée de sa cinquième pastorale. Il y met en scène deux bergers qui déplo

rent la fin prématurée de Daphnis, enlevé par une mort cruelle, crudeli funere. Les troupeaux partagent leur douleur et refusent leur nourriture; les bêtes sauvages gémissent de cette perte, les campagnes la pleurent; Apollon et Palès abandonnent les plaines, les nymphes versent des larmes autour de son corps, et Vénus elle-même se livre à des plaintes amères :

Cùm, complexa sui corpus miserabile nati,
Atque deos, atque astra vocat crudelia mater.

Quand, auprès de son fils, une mère éperdue
>> Le couvrait de baisers, le serrait dans ses bras,
>> Et reprochait aux dieux son barbare trépas. »

Cette mère, que représente Virgile, ne peut être que Vénus. Cette opinion s'appuie d'un passage des Métamorphoses d'Ovide, où l'on retrouve, au sujet de la mort de César, et les mêmes images et la même douleur de la déesse.

Tum vero Cytherea manu percussit utraque
Pectus, et Æneadem molitur condere nube.

« Vénus à coups pressés outrage ses appas,
» Elle veut, dans l'effroi d'un si cruel trépas,
>> Envelopper César d'un nuage céleste. »
(ST.-ANGE.)

La seconde partie de cette pastorale est consacrée par le poète à une scène de joie et de triomphe, qui contraste admirablement avec le ton lugubre du premier tableau.

On y voit Daphnis admis dans l'Olympe; le plaisir, une allégresse universelle, rendent à la terre sa parure et sès

fleurs, les montagnes retentissent d'heureux concerts, les animaux sauvages perdent leur férocité, des autels s'élèvent, et le nouveau dieu reçoit des sacrifices solennels, comme ceux que l'on offre à Cérès et à Bacchus.

Octave, adopté par César, partageait avec lui les hommages rendus à sa mémoire, et le triumvir dut naturellement se charger de la reconnaissance du nouveau dieų.

A côté de ses productions achevées et de la poésie la plus brillante, Virgile, occupé de plaire à son protecteur, ne négligeait point de placer des vers de circonstances, et qui augmentent de prix par leur juste à-propos.

Un distique de cette nature fit naître une scène plaisante, qui servit d'autant mieux la gloire de son auteur, qu'elle naquit de sa modestie, et que l'évènement fit applaudir à la douce vengeance qu'il tira d'un poète médiocre, qui nous serait sans doute inconnu, sans l'audace de ses prétentions et de sa jalousie contre Virgile.

Pendant les fêtes qu'Octave donnait au peuple, autant par politique que par magnificence, et que l'intempérie du ciel contrariait fréquemment, ces deux vers parurent attachés à la porte de son palais ;

Nocte pluit totà, redeunt spectacula mane :
Divisum imperium cum Jove Cæsar habet.

« Les vents, la foudre, les tempêtes,
» Grondent la nuit, 'cessent le jour,
» César et Jupiter semblent durant nos fêtes
>> Se partager le monde, et régner tour à tour.

Le triumvir voulut connaître l'auteur de cette ingénieuse flatterie. Bathille profita du silence de Virgile, et, s'emparant de ce léger succès, il en reçut la récompense. Pour confondre le plagiaire, Virgile fit placer au même endroit

ce vers accusateur:

Hos ego versiculos feci, tulit alter honores.

« J'ai fait ces vers, un imposteur,
» Sans le mérite, en a l'honneur. »

Il y ajouta le commencement du vers suivant, répété quatre fois :

[merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Bathille, invité d'en achever le sens, ne put y parvenir, et Virgile alors se fit connaître, en le terminant de cette manière :

[merged small][ocr errors]

Bathille devint la fable de Rome, et Virgile vit augmenter pour lui la faveur de la cour et l'estime de son maître. Il en avait besoin, et sut l'employer d'une manière aussi fa

vorable à sa famille que généreuse, mais inutile pour les malheureux habitants du village qui l'avait vu naître.

Quand le sort des armes eut terminé la lutte courageuse des partisans de la république, la mort de Brutus et de Cassius semblait avoir mis fin à la guerre civile, mais elle n'avait effectivement cessé que dans les plaines de Philippe. On la vit renaître partout et sur tous les points de la république, après la victoire d'Antoine et d'Octave. Les vétérans qui la procurèrent aux triumvirs se livrèrent à une licence effrénée, et remplirent de vols et de brigandages tous les lieux où ils se répandirent. Il fallait supporter leurs excès dans l'impossibilité de fournir aux récompenses illusoires qui, depuis long-temps, leur étaient promises. Antoine, sans s'occuper de leur tenir parole, n'avait songé qu'à se mettre en possession des riches provinces d'Orient, qu'il avait exigées dans le partage de l'empire; il s'était éloignéde l'Italie et de ses troubles. Lépide se livrait avec insouciance à une mollesse stupide; Octave restait seul pour appaiser la fermentation d'une soldatesque avide et impérieuse. Pressé par des cris séditieux, on le voyait un jour se décider à mettre les soldats en possession des terres qu'on leur avait donné le droit d'exiger; mais bientôt il se trouvait arrêté dans sa résolution par les intrigues de Lucius et de Fulvie, qui lui prêtaient la volonté d'accroître sa puissance en usurpant à lui seul le mérite de cette récompense. Ces deux personnages turbulents l'accusaient tour à tour d'un retard coupable et d'une précipitation calculée par son ambition. L'embarras d'Octave était extrême. Il ne se passait

« ZurückWeiter »